Il aime citer Tocqueville et Montaigne, et plaide ardemment pour la fin de l’État providence. Le philosophe et essayiste Gaspard Koenig se revendique le seul candidat libéral à l’élection présidentielle. De fait, son programme détonne avec celui de ses concurrents.

« Pré­sident de la Répu­blique, ça ne me fait pas rêver, je ne suis pas un sau­veur, je ne suis pas un mes­sie, je ne gué­ris pas des écrouelles », avouait-il sur le pla­teau des “4 Véri­tés” sur France 2. Pour­tant, l’homme se lance dans la bataille pré­si­den­tielle. Le can­di­dat de 38 ans, fon­da­teur du think tank libé­ral Gene­ra­tion­Libre, revient d’un tour de France à che­val, sur les traces de Mon­taigne. Ce voyage de plu­sieurs semaines lui a per­mis de ren­con­trer les Fran­çais et de se for­ger un pro­gramme. Il sou­haite peser dans le débat public, avec des idées inno­vantes. Fini le temps où il en pro­po­sait aux can­di­dats. Ces der­niers sont « impré­gnés de jaco­bi­nisme » et ont « les oreilles bou­chées ».  A vou­loir être sub­ver­sif, Gas­pard Koe­nig pour­rait bien dis­sua­der des maires de le par­rai­ner, qui sait ?

« Refonder notre droit »

Le can­di­dat du par­ti Simple a une mesure phare : divi­ser par 100 le nombre de normes juri­diques, sans s’interroger sur celles qui marchent et celles qui ne marchent pas. C’est le pro­jet Por­ta­lis, en hom­mage au prin­ci­pal rédac­teur du Code civil de 1804. Gas­pard Koe­nig ambi­tionne de rendre com­pré­hen­sible le fonc­tion­ne­ment de l’Etat et de mettre fin à l’inflation légis­la­tive, dans laquelle la France est enga­gée depuis les années 1970. « La sim­pli­fi­ca­tion, c’est de la jus­tice sociale », aime-t-il répé­ter. Dans le sys­tème actuel, seuls les pri­vi­lé­giés peuvent avoir accès au sys­tème admi­nis­tra­tif, tant sa com­plexi­té est grande. « On meurt de la mul­ti­pli­ca­tion de micro-lois pour aiguiller les com­por­te­ments, alors que la loi doit dire ce qui est inter­dit », assé­nait-il dans le quo­ti­dien l’Opinion. Selon lui, la loi ne doit pas être un moyen de contrô­ler les per­sonnes, de leur faire la morale. Sa voca­tion est de per­mettre aux citoyens de mieux vivre ensemble et d’exer­cer leur liber­té. Inter­ro­gé sur son sou­tien à Emma­nuel Macron en 2017, Gas­pard Koe­nig ne cache pas sa décep­tion : « Le pré­sident […] a pris une atti­tude extrê­me­ment auto­ri­taire ; il a gou­ver­né d’en haut et a repré­si­den­tia­li­sé les institutions. »

« Prendre au sérieux la liberté des Français »

Son tour de France à che­val sur les traces de Mon­taigne a ren­for­cé en lui une convic­tion : les Fran­çais veulent moins de bureau­cra­tie. Ils sont capables de se gou­ver­ner eux-mêmes. Pour y par­ve­nir, il pro­pose d’ac­croître l’au­to­no­mie des col­lec­ti­vi­tés locales. Celles-ci devraient pou­voir déci­der de tout ce qui les concerne direc­te­ment, en par­ti­cu­lier des ser­vices qu’il nomme « à proxi­mi­té de bus » : l’é­cole, la culture, le loge­ment, ou encore la sécu­ri­té.  Gas­pard Koe­nig veut aus­si redon­ner le pou­voir au peuple, en faci­li­tant l’or­ga­ni­sa­tion de réfé­ren­dums locaux d’initiative citoyenne. Il n’est certes pas le pre­mier à faire des pro­po­si­tions en ce sens, mais dans la cam­pagne actuelle, il paraît bien le seul à mettre la ques­tion en avant.

La vertu du revenu universel 

La pro­po­si­tion choc de Gas­pard Koe­nig paraît contraire aux idéaux du libé­ra­lisme, qui prônent l’é­man­ci­pa­tion de l’in­di­vi­du à l’é­gard de l’É­tat, et mau­dissent l’É­tat pro­vi­dence. Pour­tant il l’assume : le reve­nu uni­ver­sel est au cœur de l’histoire du libé­ra­lisme. Non pas du néo­li­bé­ra­lisme ni de l’affairisme de Jere­my Ben­tham et de John Stuart Mill. Mais un libé­ra­lisme où l’in­di­vi­du est appe­lé à faire des choix libres et res­pon­sables. Le reve­nu uni­ver­sel serait un moyen d’ai­der les per­sonnes dans le besoin à ne pas tom­ber dans la misère, tout en les inci­tant à trou­ver un tra­vail. Son expé­ri­men­ta­tion du reve­nu uni­ver­sel dans un vil­lage au Bré­sil en a été la preuve : les per­sonnes sans tra­vail et dans le besoin sont capables d’utiliser leur reve­nu de manière res­pon­sable, pour choi­sir des acti­vi­tés géné­rant du reve­nu. Autre­ment dit, il sou­haite édu­quer à la liber­té plu­tôt que de se conten­ter de l’assistanat. Avec un reve­nu de départ dis­tri­bué à cha­cun, on évite le sys­tème actuel de dis­tri­bu­tion mas­sive de sub­ven­tions, com­plexe et bureaucratisé.

Tou­te­fois, il lui reste encore à convaincre les maires de France de le par­rai­ner. Si sa per­son­na­li­té est moins contro­ver­sée que celle de cer­tains de ses contra­dic­teurs, ses idées n’en sont pas moins sub­ver­sives. Dimi­nuer la place de l’E­tat en France sus­cite sou­vent des craintes. Reste à savoir s’il par­vien­dra à créer un engoue­ment suf­fi­sant autour de ses idées. Il a jusqu’au 4 mars pour finir son tour de France des maires. Peut-être en train cette fois-ci.