Deuxième manifestation pro-Palestine à Paris : « le Hamas, c’est comme de Gaulle »

Dimanche 22 octobre, environ 10 000 personnes se sont rassemblées place de la République à Paris pour soutenir le peuple palestinien face à l’Etat d’Israël. Militants d’extrême-gauche et musulmans y ont porté un récit « anti-impérialiste ».

C’est la deuxième fois en quatre jours. Jeudi dernier, quelques milliers de personnes réunis sur la place de la République exprimaient leur soutien à la Palestine et leur opposition à Israël. Rebelote dimanche. C’est que le Conseil d’Etat vient de casser l’arrêté du ministre de l’Intérieur interdisant les manifestations propalestiniennes. Pour les soutiens de la « résistance » anti-Israël, c’est l’heure de sortir du bois.

A 14h15, la place se remplit doucement. Trois jeunes filles d’Amnesty International proposent de signer une pétition contre les armes à létalité réduite. L’ONG avait prévu une manifestation le même jour mais a dû annuler face au raz-de-marée propalestinien. Les nombreux groupuscules d’extrême gauche, habitués des manifs, sont déjà en place, récitant leur mantra anticapitaliste, sans-frontiériste et anti-impérialiste : Lutte ouvrière, Nouveau Parti anticapitaliste, Parti ouvrier indépendant… Pas de France insoumise ni de Parti communiste. Tous ces mouvements font partie du collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens à l’origine de la manifestation. Leurs drapeaux et grandes banderoles rouges les rendent très visibles et ils doivent constituer une centaine de personnes en tout.

Leur analyse du conflit ? Le peuple palestinien est opprimé par l’Etat capitaliste d’Israël et ses soutiens impérialistes occidentaux. Il existe une subtilité et pas des moindres. Les militants de Lutte ouvrière condamnent le groupe terroriste Hamas tandis que ceux du NPA le considèrent comme un « mouvement de résistance » allié de la cause palestinienne. Joachim, 24 ans, est étudiant à Paris-1 et militant d’extrême gauche. Avec un cheveu sur la langue, il exprime son soutien à l’attaque du 7 octobre : « c’était une opération coordonnée avec toute la résistance palestinienne : le FPLP, les baasistes… » Pour lui, elle était légitime, contrairement aux bombardements actuels d’Israël : « Netanyahu commet un génocide à Gaza. Ce n’est pas défensif puisqu’il attaque les hôpitaux, » assène-t-il en faisant référence au bombardement d’un hôpital présumé ayant causé la mort de nombreux civils, une semaine plus tôt.

Militants de gauche et familles arabes

L’ambiance est bruyante. Des pôles se forment autour de différentes associations qui ont chacun leur mégaphone et leurs slogans. Certains chantent, dansent, vendent des autocollants et des t-shirts… Les slogans se font concurrence pour obtenir l’écho de la foule : « Une seule solution, arrêter l’occupation » ; « Halte au génocide » ; « Palestine vivra, Palestine vaincra » ; « Juifs et Arabes unis dans une Palestine laïque et démocratique » …
Dans la foule, on retrouve les profils habituels des militants de gauche : jeunes étudiants aux cheveux longs, en bottes de cuir noir ou en habits bariolés et cheveux teints, boomers qui ne parlent que de « classe ouvrière »… Ils côtoient une population d’origine maghrébine ou arabe, massive et familiale, avec femmes et enfants. Certains arborent les drapeaux de leurs pays d’origine : Algérie, Tunisie, Egypte, Maroc. C’est une manifestation très culturelle. Enfin, il y a un dernier tiers de badauds politisés à gauche. Comme Marc, 77 ans, retraité engagé dans une MJC : « J’ai été en Palestine neuf fois, c’est un génocide, l’Etat israélien colonise, emprisonne et détruit. » Le terme osé de génocide est repris sur des autocollants, totalement assumé malgré le fait que la population palestinienne ne fait qu’augmenter depuis 30 ans. Certains, de toute origine, portent le keffieh, symbole de la résistance propalestinienne.

« On n’est pas antisémites »

15h. Il fait beau et certains mettent leur main en visière pour s’abriter du soleil. La place est désormais pleine et il est difficile de circuler sans bousculer. Une dizaine de jeunes hommes, montés sur la statue de la République, haranguent la foule pour demander un cessez-le-feu. Nour, 28 ans, consultante bancaire, a collé un sticker « boycott Puma » sur son sac à main Gucci : « Puma sponsorise l’équipe de foot d’Israël donc l’Etat d’Israël ». Elle a trouvé une liste de marques à boycotter sur les réseaux sociaux qu’elle s’efforce de suivre.
Que faire des Israéliens juifs ? Les propositions divergent. Certains prônent la solution classique à deux Etats mais sans colonisation. D’autres veulent revenir à la nature nomade du peuple juif, dispersé aux quatre coins du monde.
Beaucoup se méfient de la presse et dénoncent un traitement biaisé pro-israélien. « On n’est pas antisémites ! » avertissent certains, de peur d’être travestis. Aucune déclaration antisémite ne fut effectivement recensée. En revanche, les juifs antisionistes, mentionnés par certains manifestants comme preuve de la justesse de leur combat, et qui devaient être présents, sont restés introuvables cet après-midi-là.