Label "vert" européen : les Etats-membres désunis

Le 31 décembre dernier, la Commission européenne dévoilait son intention d’intégrer le nucléaire et le gaz à la liste des énergies vertes. Destinée à orienter les investissements énergétiques, cette classification divise les Etats-membres et place la Commission en position d’arbitre.

Au sein de l’Union Européenne, deux blocs s’opposent. D’un côté, l’Autriche, le Danemark, le Luxembourg et l’Allemagne rejettent le projet de la Commission. L’énergie nucléaire est ainsi interdite par la Constitution autrichienne depuis 1978. Vienne et Berlin pointent du doigt les risques de catastrophes naturelles et ceux liés au stockage des déchets. Dans un entretien accordé à Ouest-France, le diplomate autrichien Wolfgang Wagner juge qu’une telle mesure irait « à l’encontre de l’essence même de la taxonomie ». Vienne envisage un recours juridique. A l’origine, continue-t-il, « la classification visait à étiqueter les solutions vertes » et à guider les investisseurs. Valoriser des énergies fossiles risque alors de diminuer les investissements à destination des énergies renouvelables.

Pragmatisme écologique

De l’autre côté, la France, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie défendent l’inscription du gaz et du nucléaire comme « énergies vertes ». Pour l’atome, ces pays avancent l’absence de rejet de CO2, la disponibilité continue de l’énergie et la longévité des centrales. Ils plaident pour une transition pragmatique. Loin des utopies du 100% renouvelable d’ici à 2050, l’énergie verte de demain aura besoin, estiment-ils, des énergies fossiles décarbonées. Comme énergie de transition, le nucléaire et le gaz gagnent ainsi leur lettres de verdure. Aux yeux de la Commission européenne, la transition l’emporte sur la rupture. On peut ainsi lire dans le projet de l’exécutif européen que "le nucléaire fournit une source stable d’approvisionnement en énergie » et qu’ il « facilite le déploiement des sources renouvelables intermittentes ».

Enjeux géopolitiques

Les arguments écologiques des Etats et la nature de leur mix énergétique sont liés. Les intérêts stratégiques de chacun expliquent la désunion de tous. En Autriche, plus de 70% de l’électricité est renouvelable (source 2019). En France à l’inverse, 70% de l’électricité est d’origine nucléaire. Dans son arbitrage, la Commission européenne a recherché le compromis. Le label a finalement été accordé sous conditions, comme pour compenser les faveurs accordées aux « pro ». Les nouvelles centrales atomiques doivent ainsi acquérir leur permis de construire avant 2045, des garanties dans le traitement des déchets sont exigées et le gaz est qualifié d’ « énergie de transition ». La Commission européenne ménage deux géants européens aux intérêts ici divergents ; une France pronucléaire face à une Allemagne qui a dit non à l’atome il y a plus de 10 ans.

 

 


Nucléaire : Joe Biden veut nouer de nouvelles relations avec l'Iran

L’assassinat de Mohsen Fakhrizadeh, physicien iranien, fait ressurgir le dossier sensible du nucléaire persan. Si depuis l’élection de Donald Trump, les États-Unis étaient restés en retrait, il se pourrait que la victoire de Joe Biden sauve l'accord de Vienne.

Il était la tête pensante de l'arme atomique en Iran. La mort de Mohsen Fakhrizadeh, tué par balle non loin de Téhéran vendredi 27 novembre, représente un nouvel épisode d'un polar à la James Bond. Le débat politique était vif dimanche à Téhéran sur la réponse à apporter à l'assassinat, attribué à Israël, de cet éminent physicien nucléaire iranien, à la veille de son inhumation.

Au Parlement, les députés plaidèrent en faveur d'une loi par laquelle l'Iran cesserait d'autoriser l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à inspecter ses installations nucléaires. En Iran, c'est toutefois le Conseil suprême de la sécurité nationale qui a la haute main sur les décisions relatives au dossier nucléaire.

Selon Téhéran, Israël est derrière la mort de Fakhrizadeh. Accusant l'Etat juif de vouloir semer le "chaos", Hassan Rohani promet une riposte "en temps et en heure". Mais il n'entend pas non plus que l'Iran ne tombe dans le "piège" tendu selon lui par Israël. Depuis l'annonce de la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine, Téhéran multiplie les signes d'ouverture pour sauver ce qui peut encore l'être de l'accord international sur le nucléaire conclu à Vienne en 2015. Ce pacte offre à Téhéran un allègement des sanctions internationales en échange de garanties, vérifiées par l'AIEA, destinées à attester de la nature exclusivement pacifique de son programme nucléaire.

Vers une nouvelle ère ?

Avec l’arrivée à la Maison-Blanche de Joe Biden, les cartes semblent redistribuées. Dans une tribune pour CNN, le président fraîchement élu déclarait récemment : « J'offrirai à Téhéran une voie crédible vers la diplomatie. Si l’Iran revient au strict respect de l’accord sur le nucléaire [négocié en 2015], les États-Unis rejoindront l’accord comme point de départ de négociations. » Pendant ce temps, Donald Trump, encore président jusqu’au 20 janvier, continue de soutenir Benyamin Netanyahou. Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo, venu en Israël lundi dernier, cherche à « contrer l’influence nocive de l’Iran dans la région ».

Dans les années 2000, les États-Unis s’inquiètent que Téhéran veuille se doter d'armes de destruction massive à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Il s’ensuit une longue série de discussions destinées à limiter le nombre d’États possédant ce type d'armement. En 2015, l’accord de Vienne est signé par les pays du P5+1 (Allemagne, France, Royaume-Uni, Chine, Russie, États-Unis), afin de contrôler le programme nucléaire iranien. Mais en 2018, Donald Trump se retire de cet accord pour marquer une rupture avec son prédécesseur Barack Obama.