La Turquie voit ces derniers temps la valeur de sa monnaie faire des bonds prodigieux et s’effondrer dans la foulée. Début janvier 2022, le chiffre est tombé : le pays a subi une inflation de 36% en un an. Une instabilité très difficile à vivre pour de nombreux Turcs, inquiets pour leur pouvoir d’achat. Nous avons rencontré l’un d’entre eux.

18 août 2021. La livre turque est à 9.89 euros. Le 5 jan­vier 2022, elle est à 15.8. Mais elle est pas­sée par toutes les émo­tions, grim­pant jusqu’à 18 lors des fêtes de Noël.

Démons­tra­tion. Un repas à 36 TL (Tur­kish Lira) pris en ter­rasse fin août reve­nait à 3 euros 60, aujourd’hui il vaut 2 euros 27. Et ce n’est pas le pire. La dif­fé­rence de valeur du salaire est affo­lante. Un tra­vailleur rému­né­ré 10 000 TL a tou­ché fin août l’équivalent d’un petit SMIC de 1011 euros. Et en ce début d’année, il se contente de 632 euros.

Com­ment fait la popu­la­tion pour encais­ser ? Les employeurs ne montent pas les salaires pour retrou­ver la même valeur de départ, sinon ils se retrouvent noyés jusqu’au cou. Les familles se débrouillent comme elles peuvent, sans grand sou­tien de la part de l’État. Le prix de l’essence ne cesse de grim­per. Alors, en plus d’avoir un pou­voir d’achat de plus en plus mena­cé, les Turcs sont confron­tés à des prix qui aug­mentent de la part des com­merces désar­més et des sta­tions essences sou­mises, elles aus­si, à l’inflation du baril de pétrole.

Pré­oc­cu­pé, le pré­sident Erdoğan a ten­té de redres­ser la situa­tion du pays fin décembre 2021. Lors d’une allo­cu­tion télé­vi­sée, il a inci­té la popu­la­tion à se débar­ras­ser des devises étran­gères qui trai­naient çà et là, et de les conver­tir en livre turque, pro­met­tant des inté­rêts. Tout de suite, le taux de change a bais­sé. Mais cela a été de courte durée, quelques jours plus tard, elle repart à la hausse.

« Je n’ai pas d’espérance pour la Turquie »

Zafer est un com­mer­çant du centre d’Izmir, troi­sième ville du pays der­rière Istan­bul et Ankar­ra. Il tient une bou­tique de sou­ve­nirs et nous confie ses doutes quant à l’avenir du pays.

Il nous raconte son quo­ti­dien. Les charges et les loyers aug­mentent, comme les prix des pro­duits de pre­mière néces­si­té. Le bidon de 5L d’huile de tour­ne­sol, moins chère que l’huile d’olive et très pri­sée par les familles les plus modestes, a subi une hausse de plus de 175%. De 40 TL, elle s’est envo­lée à 110 en à peine quelques semaines.

Ce qu’il regrette : l’instabilité du pays. « Il faut que ce soit vrai­ment vrai­ment stable. Notre sou­ci ne concerne pas le prix mais l’instabilité ». Il n’y a aucune aide de l’État. Les familles modestes se tassent dans des habi­ta­tions médiocres et insa­lubres, mangent des pâtes et se déses­pèrent. Impos­sible qu’un seul des deux parents tra­vaille dans la famille, les deux doivent tra­vailler pour espé­rer tenir le coup.

« Aujourd’hui, ce sont de bons jours pour la Tur­quie. On va avoir encore des jours pires. Je n’ai pas d’espérance pour la Tur­quie, tant que le gou­ver­neur ne change pas ». La poli­tique. L’une des consé­quences de cette crise éco­no­mique, si elle n’en est déjà pas la cause. Les pro­chaines élec­tions sont pré­vues pour 2023 mais les oppo­sants réclament un vote anti­ci­pé. Le gou­ver­ne­ment est sur un siège éjec­table : en ce début d’année 2022, le pays a bat­tu un record qui tenait depuis 2002. La Tur­quie a connu une infla­tion de plus de 36% en un an, chiffre encore contes­té par les oppo­sants. Même si le pré­sident a annon­cé une hausse des salaires début jan­vier 2022, le pays risque d’être bien­tôt à court d’argent. Une situa­tion très pré­oc­cu­pante pour l’avenir.

« Mais nous quand même on arrive à sur­vivre. Alors je dis mer­ci Dieu, mais quand je vois les gens dans la rue, pour eux, c’est beau­coup plus dif­fi­cile »