Nice : Un collège privé musulman menacé de fermeture

Ouvert depuis 2015, le collège privé musulman « Avicenne » à Nice ne connaîtra probablement pas de rentrée 2024-2025. La ministre de l’Education Nationale Nicole Belloubet dénonce l’opacité de son financement. L'établissement se verra notifié d’un arrêté de fermeture préfectoral le 13 mars.

Six mois. Voilà le délai dont disposent les familles des 99 élèves du collège privé hors contrat « Avicenne », à Nice (06), pour trouver un nouvel établissement. Seul collège coranique des Alpes-Maritimes, Avicenne devrait en effet fermer ses portes dès septembre 2024, selon Le Figaro. Nicole Belloubet, invitée sur France 2 lundi matin, a estimé que l’établissement ne respecte pas la loi contre le séparatisme, validée par le Conseil constitutionnel en juillet 2022.

Si le couperet tombe cette semaine, cela fait néanmoins longtemps qu’Avicenne est dans le viseur des administrations françaises. Ces deux dernières années, la direction a reçu quatre courriers exigeant davantage de précisions sur l’origine de ses financements, le collège ne percevant pas d’argent public de par son statut. Des demandes vaines, car aucun éclairage n’a été apporté malgré une mise en demeure le 29 novembre dernier.

Avicenne va contester sa fermeture

Des éclaircissements sur le financement du collège pourraient être apportés dans les prochaines semaines, puisque l’établissement a fait part quelques heures après l’annonce de Nicole Belloubet de sa volonté d’obtenir un entretien afin de pouvoir présenter aux autorités ses relevés bancaires et la liste de ses donateurs. Selon le Huffington Post, il saisira le Conseil d’Etat pour tenter d’interrompre le processus de fermeture, qui sera déclenché le 13 mars par le biais d’un arrêté de fermeture préfectoral.

Le directeur du Lycée Avicenne Idir Abar affirme que les sommes pointées du doigt provenaient uniquement de dons de particuliers et qu’aucun financement n’avait été perçu de l’étranger. Il assure que son établissement a toujours été transparent avec les autorités. Christian Estrosi (Horizons), maire de Nice, a de son côté approuvé la décision de la ministre de l’Education Nationale, en rappelant qu’il était opposé à l’existence d’Avicenne, et ce depuis son ouverture en 2015.

Matthieu Chaperon


Tennis – Quand les Jeux Olympiques de Paris rendent service… à l’Amérique du Sud !

Ce samedi 3 février donne le coup d’envoi de la traditionnelle tournée sud-américaine de terre battue, avec les qualifications de l’ATP 250 de Córdoba (Argentine). Afin de préparer au mieux les JO 2024 qui se disputeront sur cette surface, plusieurs grands noms ont opté pour cette tournée dans leur calendrier.

Les directeurs des tournois ATP sud-américains doivent se frotter les mains. Les plateaux de leurs épreuves ont rarement été aussi relevés, et n’ont pas souvent compté autant de joueurs stars. Habituellement attrayante uniquement pour les joueurs locaux et les spécialistes de terre battue, la tournée sud-américaine a attiré cette année dans ses filets plusieurs pointures, soucieuses de prendre leurs marques le plus tôt possible sur la surface argileuse en vue des Jeux Olympiques qui approchent à grands pas.

Lorsque l’Open d’Australie touche à sa fin, trois choix de programmation s’offrent aux joueurs pour les cinq semaines suivantes de la saison. La première option, de loin la plus populaire, est de se diriger vers l’Europe, avec deux tournois en France (Montpellier, Marseille), un à Rotterdam, puis un doublé au Moyen Orient avec les épreuves de Doha et de Dubaï, le tout sur surfaces dures. Deuxième possibilité, partir en Amérique du Nord pour jouer également sur dur, avec deux tournois aux États Unis puis deux au Mexique.

Le troisième choix est donc la tournée sud-américaine sur terre battue, qui regroupe trois ATP 250 (Córdoba et Buenos Aires en Argentine, Santiago au Chili) et un ATP 500 (Rio de Janeiro au Brésil). Si cette programmation est très appréciée par les joueurs sud-américains, elle l’est beaucoup moins par le reste du globe, qui préfère habituellement rester en Europe ou éventuellement partir en Amérique du Nord, afin de commencer à préparer les Masters 1000 d’Indian Wells et de Miami qui ont lieu début mars aux États-Unis sur dur.

Si la tournée sud-américaine n’a pas la côte dans le reste du monde, c’est en grande partie à cause des conditions de jeu. Il fait très chaud et très humide sur ce continent en février, et jouer au tennis sous ce climat est souvent rude et très exigeant physiquement, bien que les organisateurs ne commencent les matchs qu’en fin d’après-midi pour limiter ce facteur. De plus, se trouvent de l’autre côté du filet des joueurs sud-américains formés pour jouer dans ces conditions, qui sont donc capables de maintenir une haute intensité plusieurs heures si nécessaire, portés par un public très bruyant et entièrement à leur cause. Remplissant généralement les trois quarts des tableaux de cette tournée, les sud-américains atteignent souvent leur meilleur niveau à ce moment de la saison, et profitent de ces conditions qui leur sont favorables pour engranger un maximum de points et d’argent. Seuls les joueurs spécialistes de terre battue ont donc un intérêt à opter pour cette tournée, afin de jouer sur leur surface favorite tôt dans la saison. On retrouve donc quelques Espagnols, Italiens, Français ou européens de l’Est, qui préfèrent rivaliser avec les sud-américains dans leur fief plutôt que jouer sur des surfaces rapides qui ne conviennent pas à leur jeu.

Mais cette année, les JO de Paris 2024 ont radicalement changé la donne. Constituant un objectif majeur pour de nombreux joueurs, plusieurs de ces derniers en ont même fait une priorité absolue dans leur saison. L’épreuve des JO se déroulant sur terre battue au sein des infrastructures de Roland Garros, plusieurs joueurs ont décidé de prendre part à la tournée sud-américaine, afin de commencer en avance la saison sur terre battue, au lieu d’attendre les premiers tournois européens sur cette surface en avril.

Ainsi, le triple vainqueur en Grand Chelem Stanislas Wawrinka sera présent en Amérique du Sud, et retrouvera un continent qu’il n’a pas fréquenté depuis plus de 10 ans. Carlos Alcaraz, déjà vainqueur de deux Majeurs à 20 ans, sera également de la partie, ainsi que le croate Marin Cilic, victorieux à l’US Open en 2014. Le Britannique Cameron Norrie, récemment 8e joueur mondial, foulera également les courts sud-américains, tout comme le jeune prodige français Arthur Fils, qui bénéficie déjà d’une popularité importante dans le monde entier.

Si ces joueurs ne participeront pas tous à l’ensemble des quatre tournois programmés, leur présence relève l’intérêt de la tournée, qui n’est généralement pas très suivie en raison du faible contingent de grands joueurs qu’elle attire. Les yeux des fans de tennis seront donc rivés sur l’Amérique du Sud en février, pour la plus grande joie des tournois concernés, qui trouvent un équilibre parfait avec des plateaux mixant joueurs locaux et stars internationales. Et peu importe si ces dernières venaient à ne pas faire de grands parcours, leur simple venue suffit amplement à offrir à la tournée sud-américaine de terre battue un succès inédit.

 

Matthieu Chaperon, le 01/02/2024


La présentation d'un tableau représentant des femmes nues inquiète dans un collège des Yvelines

Une professeure de français du collège Jacques-Cartier à Issou est dans le viseur d'élèves et de parents d'élèves, pour avoir exposé un tableau montrant des femmes nues à des élèves de 6e, jeudi 7 décembre 2023. À moins de 25km de Conflans-Sainte-Honorine, où enseignait Samuel Paty, la peur gagne les enseignants.

Un vent de controverse souffle sur le collège Jacques-Cartier à Issou. Une professeure de français est au cœur de la tourmente après avoir exposé un tableau du XVIIe siècle, Diane et Actéon du peintre Giuseppe Cesari, à des élèves de 6e. L’œuvre représente un passage des Métamorphoses d’Ovide dans lequel le personnage d'Actéon est puni pour avoir surpris Diane et ses nymphes nues. Certains élèves s'offusquent et accusent leur professeure d'atteinte à leurs convictions religieuses, assurant être «choqués» par cette vision de femmes nues en peinture. À la sortie de ce cours, ils colportent la rumeur selon laquelle l’enseignante aurait également tenu des propos racistes, avant de se rétracter le jour même après un échange organisé avec leur professeur principal.

Mais les parents d'élèves ont déjà été mis au courant par leurs enfants, et réagissent à leur tour, s'insurgeant, demandant des explications. Rapidement, le drame de l'affaire Samuel Paty, survenue à 25km de là, est dans toutes les têtes.

Certains enseignants en grèves craignent pour leur sécurité

Les professeurs de ce collège des Yvelines ont exercé leur droit de retrait ces vendredi 8 et lundi 11 décembre. Depuis ce malheureux cours, ces enseignants vivent dans l’angoisse d’un nouveau drame comme celui qu’a vécu Samuel Paty. "Le mal est fait. Nous avons affaire à quelques parents vindicatifs, qui préfèrent croire la parole de leurs enfants plutôt que la nôtre. Notre collègue a besoin d’être protégé. Il faut la protéger", déclare une enseignante à 78Actu.

Espérons que cette fois-ci, le rectorat et les pouvoirs publics prendront la mesure des risques et ne laisseront pas d'autres drames se produire dans cette commune de moins de 4 000 habitants.


Hunter Biden, le fardeau du président des Etats-Unis

Déjà compromis dans plusieurs affaires amplement médiatisées, le fils de Joe Biden vient d’être inculpé pour fraude fiscale. Une nouvelle dont le chef d’État démocrate, candidat à sa réélection, se serait bien passé, à moins d’un an de la prochaine présidentielle américaine.

Addiction à l’alcool, au crack, à la cocaïne, fréquentation de prostituées, vidéos pornographiques...les vices d’Hunter Biden, 53 ans, homme d'affaires et avocat, sont désormais bien connus des citoyens américains. À ces passe-temps moralement contestables s’ajoutent maintenant des déboires judiciaires sérieux. Jeudi 7 décembre, un tribunal fédéral a inculpé l’enfant terrible de la famille présidentielle pour 9 chefs d’accusation, comprenant de la fraude fiscale et de fausses déclarations d’impôts. Selon l’acte d’accusation, il aurait « été impliqué dans un stratagème pour ne pas payer au moins 1,4 million de dollars », et « dépensé des millions de dollars dans un style de vie extravagant au lieu de payer ses impôts ».

Une nouvelle affaire dans un agenda judiciaire déjà bien chargé : Hunter Biden est déjà poursuivi dans des affaires de fraude à l’impôt fédéral, et de détention d’armes illégales, alors qu’il était toxicomane, en 2018. Des procès dans lesquels il compte plaider coupable afin d’alléger sa peine, alors qu’il risque jusqu’à 25 ans de prison. Il est également soupçonné d’avoir mené des affaires louches en Chine et en Ukraine, lorsque Joe Biden était vice-président. Le père a toujours publiquement soutenu son fils, qui a officiellement rompu avec ses démons. Il s'est même dit « fier » de lui, au cours d’un débat télévisé tendu avec Donald Trump en 2020. 

Une aubaine pour les partisans de Donald Trump

Ce nouvel épisode relance la saga judiciaire de la famille, alors que les prochaines élections pour la présidence des Etats-Unis se tiendront dans moins d’un an, en novembre 2024. L’occasion de nouvelles attaques du Parti Républicain, et en particulier de Donald Trump, grand favori des primaires de janvier prochain qui désigneront le candidat du Grand Old Party. N’hésitant pas à accuser toute la famille Biden de corruption, les Républicains ont lancé sans succès une procédure de destitution de Joe Biden en septembre dernier, en l’accusant d’avoir utilisé son influence pour aider Hunter à s’enrichir illégalement en Ukraine et en Chine. Le camp conservateur a également fait ses choux gras pendant plusieurs années d’un ordinateur appartenant au fils, oublié chez un réparateur, et contenant de nombreux documents compromettants.

Sans surprise, Joe Biden a annoncé dès avril dernier qu’il briguerait un second mandat. Mais sa popularité stagne à 40% d’opinions favorables, et nombreux sont ceux, même au sein du camp démocrate, qui souhaiteraient un candidat plus jeune. Élu à 78 ans - il en a désormais 81 -, il est de loin le plus vieux président de l’histoire des Etats-Unis, devant un certain...Donald Trump, arrivé au pouvoir à 70 ans en 2017. Les mésaventures judiciaires de Hunter, amplement médiatisées, arrivent au pire moment pour son père, à la veille d’une année électorale cruciale. Car contrairement à son rival Donald Trump, qui dénonce l'acharnement à son encontre d'une justice politique, Joe Biden ne semble pas posséder la faculté de transformer les procès en soutien électoral.


COP28 à Dubaï : vers une sortie définitive des énergies fossiles ?

Jeudi 30 novembre s'est ouverte la réunion annuelle des chefs d'États et d'ONG dans la lutte contre le réchauffement climatique. Réalisée cette année à Dubaï, la COP a été fortement boycottée par de nombreux dirigeants. Malgré les oppositions, les pays se sont entretenus pour diminuer leur emprunte environnementale.

Près de 200 pays se sont entendus pour signer un accord visant la « réduction » ou la « sortie » des énergies fossiles. Les pays devront s’entendre sur le choix du terme durant cette réunion. Le document a été préparé par Singapour et le Royaume-Uni. Le roi Charles III estime que l’action doit être concrète : « Je prie de tout mon cœur pour que la COP28 soit un autre tournant décisif en faveur d'une transformation réelle ». La COP sera l’occasion de dresser le bilan de l’accord de Paris, signé à la COP21 de 2015, qui devait notamment limiter le réchauffement climatique à 1°C, et qui pourtant ne montre toujours pas de résultat concret.  Emmanuel Macron a également appelé les pays à « sortir du charbon » avant 2030 afin de « montrer l’exemple ». Les négociations à Dubaï vont continuer jusqu’au 12 décembre. 

La méfiance persiste, entre accusations de greenwashing et absence de nombreux pays

Malgré la tenue de la COP, l’absence des principaux pays producteurs et consommateurs d’énergies fossiles tels que la Chine, l’Iran ou la Russie se fait sentir. La Conférence semble inefficace sans la coopération de toutes les puissances économiques et suscite l’indignation de l’opinion publique. Mais la critique est davantage du côté du choix du président de la COP, le sultan Al Jaber, PDG de l'Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), principale compagnie pétrolière des Émirats arabes unis et ministre de l’Industrie et des Technologies avancées. De nombreux doutes pèsent ainsi sur la bonne foi de Dubaï à s’investir dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le pays étant le septième plus gros producteur mondial de pétrole, les ONG l’accusent de verdir son image et d’éclipser la réalité dont les infrastructures énergivores ne manquent pas, comme la plus grande station artificielle de ski couverte au milieu du désert dubaïote.  


Obsèques de Gérard Collomb : le difficile positionnement de l’Église catholique 

À la cathédrale St-Jean-Baptiste de Lyon, une cérémonie présidée par l’archevêque Mgr de Germay a commémoré l’ancien maire de la ville. Celui qui fut aussi sénateur et ministre de l’Intérieur était aussi connu pour avoir été franc-maçon. Retour sur ses obsèques catholiques très médiatisées qui interrogent, tant dans leur dimension politique que vis-à-vis du positionnement de l’Église sur le sujet.

L'événement était à la une en cette fin d'année. À 76 ans, Gérard Collomb, s’est éteint le 25 novembre à l’hôpital Lyon Sud de Saint-Genis-Laval, succombant à un cancer de l’estomac devenu incurable. Ses funérailles, organisées dans la foulée, ont rapidement pris une ampleur inattendue. Bien plus que sa famille, c’est toute sa ville et même les élites du pays qui sont venus le pleurer dans la capitale des Gaules. Du couple présidentiel Macron aux nombreuses personnalités politiques, sportives ou culturelles, tous ont répondu présent à la cérémonie tenue en grande pompe. Drapeaux, haie d’honneur militaire, grande schola et parterre de journalistes étaient de mise, le tout imposant un important dispositif de sécurité bouclant tout le quartier du Vieux-Lyon. Il faut dire que la cathédrale, comble plus d’une heure avant le lancement de la cérémonie, accueillait un millier de Lyonnais et près de 400 proches en plus des officiels et des centaines de badauds restés place St-Jean, devant l’écran géant. L’affluence est d’autant plus notable qu'il s'agissait d'une matinée de semaine, moment où l'essentiel de la population travaille.

De la confiscation du privé par le politique

L’affection des Lyonnais pour « Gégé », à la tête de leur ville 19 ans durant, est indubitablement la cause première de ce rassemblement. Cette bienveillance était connue et partagée par l’ancien maire qui a souhaité, avant de mourir, leur réserver une place de choix pour ses adieux. Ceux-ci ont pour autant rapidement pris une autre dimension, bien plus politique. L’un des prêtres qui officiait confie à ce sujet : « au bout de 48h, on a vite compris qu’on n’aurait pas le choix. Ce seraient des funérailles nationales. » La demande a émergé du sommet de l’État qui a choisi, pour l’occasion, d'envoyer plusieurs ministres, attirant davantage de curieux. On décelait ainsi, parmi les présents sur la place, bon nombre de personnes mues par le désir d’apercevoir leurs gouvernants à Lyon plutôt que par leur regret du défunt. « Ce n’est pas le 8 décembre, non plus. » Des trois discours inauguraux, d’un quart d’heure chacun, prononcés par Marc Lambron, Édouard Philippe et Emmanuel Macron, il ressort pourtant un portrait ultra élogieux de «  Lyon fait homme »,  celui qui avait « foi en la République » et qui a, selon les mots du président, « changé ma vie » et « la vie des Français ». En outre, son cercueil a été très applaudi au sortir des deux heures d’hommage, donnant l’apparence d’une totale communion dans le deuil.

Face à cette unanimité, impossible de ne pas s’interroger sur la sincérité de propos si dithyrambiques. Du côté de la presse, certains, comme Lyon People, n’hésitent pas à fustiger « le bal des hypocrites » ou rappellent, comme L’Express, que les relations avec le président étaient quelque peu distendues. Sur place, les réactions sont elles aussi mitigées entre ceux qui applaudissent de bon cœur ces éloges et les autres, plus sceptiques qui pointent « du paraître ». Une chose est sûre, l’ancien parrain politique d’Emmanuel Macron, clef dans son ascension, ne laissait personne indifférent. Celui qui craignait en quittant son ministère « qu'on ne vive demain face à face » a su concilier des politiques de tous bords avant l’avènement du « en même temps ». Sa vision, capable de convenir à des camps très différents, avait le potentiel de rassembler la France en des temps où sa partition sociale semble plus forte que jamais. L’enjeu était donc trop important pour le laisser s’en aller discrètement.

Face à l’apothéose, la réserve des fidèles

Si la récupération utile de la figure de Gérard Collomb, canonisé en emblème national, a de quoi agacer ceux qui ne sont pas du même bord, ce n’est pourtant rien en comparaison d’une question lancinante au sein de la communauté catholique : comment a-t-il été possible de célébrer des obsèques religieuses pour un franc-maçon notoire, qui plus est en présence des plus grands ecclésiastiques du diocèse ? Il faut rappeler ici la condamnation prononcée par l’Église à l’encontre de la franc-maçonnerie et de toute autre société secrète dès 1738 (bulle pontificale In eminenti apostolatus specula du pape Clément XII). Ce rejet repose principalement sur les dimensions gnostique et sectaire des loges, ainsi que sur les pratiques ésotériques de certaines. Pour mieux le comprendre, on pourra se tourner vers le pape Léon XIII qui a clairement récapitulé le fait aux fidèles à l’occasion du 8 décembre 1892. Ce témoignage d’un ancien franc-maçon repenti le complète admirablement. L’incompatibilité entre appartenance à l’Église catholique et à la franc-maçonnerie n’est pas sans conséquence puisque l’accès aux sacrements, en particulier à l’Eucharistie, est de facto rendu impossible à tout membre de la secte. De là l’émoi.

Seulement, voilà : les obsèques ne relèvent pas du domaine des sacrements et l’Église se verrait mal refuser de prier pour une âme, qui plus est quand celle-ci aurait, selon toute vraisemblance, pris ses distances avec l’institution maçonne. L’archevêque a de plus mentionné la « quête spirituelle » des derniers temps du disparu dont la cadette, Camille, a reçu il y a peu le sacrement de confirmation. Tous se souviennent aussi de sa proximité de longue date avec le cardinal P. Barbarin, présent à la cérémonie, et de sa présence régulière au renouvellement annuel du vœu des échevins. Pour cet ensemble de raisons, il eut été difficile à l’Église de ne pas répondre favorablement... sans se départir toutefois d’une certaine prudence.

Une stratégie subtile, entre volonté missionnaire et contrôle discret

La possible vertu d’un seul ne gageant pas de celle des autres, le clergé a choisi de ne pas célébrer de messe mais une simple bénédiction, minimisant les risques de sacrilège et de scandale. Face à la déchristianisation de la société et au recul de l'influence ecclésiale, la volonté était double. Premièrement, il s’agissait pour de faire exister un rite catholique dans le paysage médiatique, chose devenue assez rare. Le pari est plutôt réussi de ce côté-là puisque l’événement était diffusé en direct et largement commenté. La qualité de cette évangélisation 2.0 et de sa réception n’est cependant pas garantie. Il suffit, pour s’en rendre compte, de relever les nombreuses bévues des « spécialistes » invités sur les chaînes de télévision. Loin d'éclairer l’auditoire profane, leurs erreurs de termes ont surtout participé à réduire la bonne compréhension de la liturgie. La seconde ambition, moins affichée mais tout aussi importante, était d’éviter le détournement de ces obsèques en glorification de la République laïque, ce qui était déjà a minima le cas, ou par des rituels maçonniques. Palliant toute éventualité, Mgr de Germay a demandé à un prêtre de réaliser l’inhumation au cimetière de Loyasse, s’assurant le contrôle jusqu’à la mise en terre.

À l’issue de ces adieux clivants, difficile de se prononcer sur leurs effets. La première présence officielle dans une église de l’actuel maire de Lyon, Grégory Doucet, porte l’espoir d’un meilleur dialogue avec le diocèse. Ce dernier et l’ensemble de l’institution catholique doivent pour le moins repenser leur stratégie missionnaire et leur communication. La réflexion devient urgente au sein d’une société en crise où beaucoup, surtout les jeunes, peinent à trouver des points d'ancrage spirituel ou des valeurs repères. À l’heure d’un islam conquérant et d’un protestantisme jugé plus attrayant, il devient nécessaire pour le catholicisme de se positionner entre sa branche traditionnelle au discours plus affirmé et celle progressiste qui pourrait, par volonté de discrétion, le mener à son tour à la tombe.


Louis Janmot, un poème de l'âme entre christianisme et platonisme

L’exposition du Musée d’Orsay, consacrée à Louis Janmot (jusqu'au 7 janvier) met en scène la vie d’une âme, de sa conception à son entrée au paradis.

L'âme, représentée par les traits d’un jeune garçon à la tunique rose, rencontre son âme sœur féminine. Tous deux s'échappent pour vivre une union platonique. La première partie de l’exposition est solaire, tout en couleur, elle célèbre l’union des deux âmes. L’un des tableaux représente notamment la chaleur du foyer familial qui abrite les jeunes enfants par rapport à la tempête extérieure qui est une allégorie du mal.

La deuxième partie est plus sombre. Les tableaux sont peints au fusain. Elle figure la perte de l’âme sœur. Désespéré, le garçon se met à fréquenter différents vices. Mais finalement, il finit par atteindre le paradis où l'être aimé, qui y est déjà, l'accueille.

Un style préraphaélite

Le style de l’auteur est inspiré des préraphaélites, eux-mêmes descendants de la Renaissance italienne, selon un mode plus stylisé. Les traits sont très fins, et la figure du jeune garçon est presque féminine. L’auteur ne révolutionne pas l’art de son époque, mais reproduit avec beauté et sûreté du trait l’école de peinture britannique. L’amour qu'il célèbre oscille entre une vision chrétienne et platonicienne. L'amour physique est dévalorisé et les deux âmes sœurs ne donnent pas naissance à une famille au cours de leur vie terrestre.


La Chine et la Biélorussie renforcent leur coopération bilatérale

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko est arrivée à Pékin dimanche 3 décembre pour une visite de deux jours durant laquelle il rencontrera le chef de l'Etat chinois, Xi Jinping. C'est la deuxième fois cette année qu'il se rend en Chine.

L'alliance contre l'Occident continue de s'étoffer. La Biélorussie et la Chine continuent leur rapprochement amorcé en début d'année. Le président Loukachenko est partie prenante du conflit ukrainien. En effet de nombreuses troupes russes avaient lancé leur offensive depuis son territoire. Son homologue chinois quant à lui profite de ce conflit pour pousser ses pions vers Taïwan. Officiellement les deux pays cherchent à tisser des liens économiques plus étroits dans le cadre de l'initiative chinoise "la Ceinture et la Route". Officieusement, leurs politiques de défense seront également au coeur de leurs discussions. Ce rapprochement entre deux puissances autocratiques entérine l'émergence d'un nouvel ordre mondial dominé par des dictatures hostiles à l'Occident. C'est également le signe que les pays occidentaux sont en perte d'influence économique. La Chine constitue autour d'elle un bloc composé des pays déçus par l'Ouest. Si d'autres pays suivent, cela signifie plus de débouchés pour les entreprises chinoises et donc moins pour leurs rivales occidentales.

«La Biélorussie est, était et sera un partenaire fiable pour la Chine»

                                                                                                  - Alexandre Loukachenko

Mais il n'est pas sûr que ce rapprochement fasse pour autant le bonheur de la Russie. En effet la Biélorussie est directement dans sa sphère d'influence et dépend fortement d'elle économiquement. De facto, Minsk, la capitale biélorusse, est vassale de Moscou. Une coopération accrue avec la Chine ne peut qu'atténuer cette dépendance. Or, la Russie n'aime pas être contestée dans ce qu'elle considère comme son pré carré. L'alliance qu'elle entretient avec la Chine est avant tout circonstancielle. Les deux puissances ne sont unies que dans leur rejet commun du modèle occidental et elles se disputent de facto le leadership des pays rivaux de l'Occident. Dans ce contexte de rivalité interne, ce rapprochement est donc une victoire stratégique de Pékin. En atténuant la dépendance économique de la Biélorussie envers son voisin, la Chine s'assure en effet que celle-ci sera plus prompt à soutenir ses propres décisions.

 


Après Thomas, une « réponse à la corse » est-elle à craindre en France ?

Le jeune mouvement nationaliste corse « Palatinu » a organisé une conférence à Nice à l’invitation du conseiller municipal Philippe Vardon. Son président, Nicolas Battini, a établi un parallèle entre les manifestations d’ultra-droite de la cité de la Monnaie (Romans-sur-Isère) et les régulières expéditions punitives corses.

 

Nous sommes deux semaines après le meurtre de Thomas à Crépol (Drôme). Une semaine après les manifestations d’ultra-droite dans la cité d’où serait originaire l’assaillant, selon certains témoignages. Certains déçus de l’annulation par le préfet des Alpes-Maritimes du rassemblement « Justice pour Thomas » à Nice ont terminé dans le bar identitaire 1543 où doit se tenir la conférence de Nicolas Battini. L’ancien cadre de "Femu a Corsica", premier parti de l'île, raconte l’évolution du nationalisme corse et la nécessité d’un parti à la fois autonomiste et identitaire. Toutefois, l’assemblée d’une soixantaine de personnes semble plus intéressée par comprendre comment les Corses font pour « envahir » une cité après l’agression de l’un d’entre eux.

Nicolas Battini connaît le sujet. En 2015, après que des fonctionnaires locaux ont été interdits d’entrer dans la cité des Cannes à Ajaccio par des caïds, des centaines de Corses envahissent le quartier et terrorisent la population. Les cadres du parti nationaliste condamnent l’action et perdent en chemin une partie de leurs électeurs. C’est un précédent. En 2017, un Corse est agressé au couteau à Siscu. Nouvelle émeute corse : l’appartement de l’assaillant est brûlé et son bar saccagé. Mais, cette fois-ci, personne ne réprime ni ne condamne. Trop risqué car le soutien populaire pour cette action est total. Quelques jours après les émeutes urbaines de l’été 2023, il se produit la même chose dans la cité des Jardins de l’Empereur. Aucune condamnation ni répression à nouveau.

 

Les « zozos » de « l’ultra-droite » ne font pas un peuple

Peut-on craindre le même réflexe « d’auto-justice » en France métropolitaine après la « descente » de la cité de la Monnaie ? Rien n’est moins sûr. Comme l’analyse Nicolas Battini, l’opinion publique hexagonale n’est pas préparée à soutenir et encore moins à participer à de telles expéditions. Ils étaient moins de 100 à se rendre à Romans-sur-Isère pour intimider les habitants. D’autre part, la quasi-totalité de la classe médiatique et politique a condamné ces jeunes gens, les qualifiant tantôt de « crétins », tantôt d’extrémistes. Seul le parti Reconquête a fait preuve de complaisance. On est loin du mouvement populaire intergénérationnel et spontané que l’on retrouve en Corse. L’intervenant distingue également l’esprit de village corse qui fait que « tout le monde se connaît » et qu’il y a une solidarité naturelle entre les habitants. Un esprit selon lui absent des grandes villes françaises qui atomisent les individus.

Sonder les Français sur leur soutien ou non à l’action de Romans-sur-Isère est donc crucial. Un appui massif pourrait valoir encouragement et renforcer ce mode opératoire inquiétant.


Sound of Freedom : vecteur du questionnement utile d'une société clivée

Sorti dans les cinémas français le 15 novembre 2023, le film d'Alejandro Monteverde est au cœur d'une gigantesque controverse héritée de sa diffusion mouvementée aux États-Unis à l'été 2022. Zoom sur un film marqué de nombreux anathèmes.

Le réalisateur croyait que son œuvre ne sortirait jamais. Tournée en 2018, sa production était initialement portée par Fox International, filiale du géant 20th Century Fox. Ce dernier ayant été racheté en mars 2019 par la firme Disney, le film subit la situation et se retrouve dans un tiroir. Finalement exhumé et acquis par la société indépendante de distribution Angel Studios, il se fraye un chemin sur le grand écran le 4 juillet 2023 aux États-Unis. C'est alors que tout bascule et que son procès médiatique commence selon plusieurs chefs d'accusation. D'un côté, l'équipe du film est visée pour ses convictions. De Monteverde, réalisateur catholique revendiqué, à l'ultraconservateur producteur Mel Gibson en passant par la société de distribution elle-même, fondée par quatre frères mormons, les parties prenantes dérangent par leurs idées... et c'est sans parler des acteurs ! Jim Caviezel, catholique conservateur connu pour son incarnation du Christ au cinéma, campe le rôle principal au côté du très sulfureux mexicain Eduardo Verástegui. Celui-ci, co-producteur du film via sa société Metanoia, n'est rien de moins que le candidat indépendant conservateur aux éléctions présidentielles mexicaines de 2024. Le fait indique la dimension politique de la controverse qui se trouve encore renforcée par les soutiens d'Elon Musk et Donald Trump à l'œuvre. Déjà largement crtitiqués, les individus en question et leurs idées ne sont pourtant pas le cœur de la débâcle.

Timothy Ballard, un héros qui dérange

En effet, le récit de 2h11 porté à l'écran tourne autour de l'histoire vraie de Timothy Ballard et c'est lui qui est la clef de lecture des tensions. Mormon américain et père de neuf enfants ayant travaillé pour le gouvernement, il a participé à démanteler des réseaux criminels de pédoprostitution. Afin de lutter contre le trafic d'enfants, il a conçu son ONG ''OUR'' il y a dix ans mais celle-ci est vivement critiquée sur ses méthodes et son financement, attribué pour partie aux réseaux complotistes américains QAnon. Ces courants conspirationnistes soutiennent qu'une guerre cachée a lieu entre Donald Trump et le Deep State américain et leur soutien massif au film, doublé du lien avec certaines personnalités polémiques, fait l'objet d'attaques incessantes dans la presse. La situation française, avec quelques mois d'inertie, est calquée sur l'épisode estival nord-américain. Les discours visent majoritairement à décrédibiliser le long-métrage et les salles sont frileuses pour le programmer - situation qui n'est pas sans rappeler le cas "Vaincre ou mourir" à l'hiver dernier.

Au-delà des critiques, l'occasion d'une prise de recul

Si la réception du film par la critique française est moyenne voire mauvaise, le public a tendance en revanche à le plébisciter et les bons scores de la première semaine pourraient amener plusieurs cinémas à le mettre à l'affiche. Cette discordance entre élites médiatiques et opinion populaire ressemble à s'y méprendre à la situation étatsunienne de l'été et doit nous interroger car elle est un constat transversal dans nos sociétés contemporaines. Ce n'est pas tant le contenu qui est attaqué - France Info vérifie d'ailleurs les faits dans un décryptage fin et sourcé - que l'eau qu'il apporte à des moulins qui dérangent. La question est de savoir qui est en réalité offusqué de la montée en puissance du conservatisme et de ses discours, dans cette affaire comme dans d'autres. Se pourrait-il que le danger ne se trouve pas sous le feu des projecteurs braqués à outrance mais qu'une manipulation des consciences plus ou moins savamment orchestrée ait court ? Quelle est la part des lobbies dans le traitement médiatique d'un objet finalement plutôt neutre ? Le meilleur choix pour l'individu lambda reste encore de se forger sa propre opinion en écoutant tous les avis et en allant juger par soi-même du produit. C'est le spectateur qui reste in fine décideur car il est un nerf de la guerre sur lequel tous s'accordent : ce sont les recettes qui enregistrées qui diront si l'opération est, ou non, un franc succès.

Corentin Rahier


Espagne: la droite révoltée par la victoire du socialiste Pedro Sanchez

Le 16 novembre, le Premier ministre sortant était reconduit à la majorité absolue par le Parlement espagnol. La clef de cette troisième élection : une promesse faite aux indépendantistes catalans, celle d’un projet de loi d’amnistie pour les séparatistes poursuivis en justice. La droite, suivie dans les rues par des dizaines de milliers de personnes, y voit un scandale, une trahison.

Parmi les 179 voix qui ont réélu Perdo Sanchez à la tête du gouvernement, 14 proviennent de députés des partis indépendantistes catalans (ERC et Junts). Décisifs, ce sont les scrutins séparatistes qui ont fait basculer la balance en faveur du responsable du PSOE, contre lequel se sont ligués le Parti Populaire (PP) et Vox, avec 171 voix. Sanchez a su rallier les premiers par la promesse d’une amnistie pour les près de 4 000 personnes impliquées dans le mouvement de sécession catalane en 2017. Achetant ainsi son troisième mandat par ce qu’il appelle un geste de « générosité », il éveille la colère d’une grande partie de la population espagnole dans tout le pays. Elle suit les appels à manifester du PP et de Vox, qui amènent 100 000 personnes, d’après leurs dires, à envahir les rues de la capitale. Depuis le lundi 8 octobre, les manifestants brandissent des drapeaux rouges et or s’indignent devant ce qu’ils considèrent comme une injustice qui menace l’unité de la nation à des fins purement électorales. « Cette amnistie n'est pas négociée au nom de l'Espagne, elle est négociée au nom de Sanchez » conteste Alberto Nunez Feijoo, conservateur, responsable du Parti Populaire. Il appelle toute la communauté européenne à constater la menace ainsi faite à l’état de droit.

Le début du Novembre National

Plus que le refus de cette loi d’amnistie, promise démagogiquement par le Premier ministre réélu, c’est une exaspération plus profonde qu’exprime une partie de la population espagnole. Assiégeant dans certaines villes des locaux du PSOE, ils scandent « Sanchez traître ! » et « Viva España », mais aussi « Espagne chrétienne, pas musulmane ». C’est en réaction au socialisme de Sanchez et dans un contexte de crise économique persistante que nombre d’espagnol prennent d’assaut les rues. Sa politique d’accueil migratoire figure en bonne position parmi les points de contestation. Les manifestants issus de la frange conservatrice répondent à des profils divers : nationaux populistes, radicaux, identitaires, bourgeois catholiques... Ils présentent l’image d’une droite disparate mais unie pour accuser son adversaire commun de corruption, de trahison, de coup d’état. D’autres se disent « socialistes mais pas sanchistes », refusant la division de l’Espagne symbolisée par la loi d’amnistie. Ces émeutes ne sont pas sans violence, quelques affrontements entre manifestants déterminés et forces de l’ordre ont lieux, et plus de 1600 policiers ont été déployés autours du Parlement. Qu’il se prolonge ou s’enlise avant de s’éteindre, ce mouvement du Noviembre Nacional met en lumière le mécontentement profond de la société espagnole traversée par des divisions politiques structurelles.

 

 

 


Sound of Freedom : un cri méritant votre attention

Le 15 novembre, la France a découvert Sound of Freedom, le film percutant d'Alejandro Monteverde. Dans le top 10 du box-office américain depuis le 4 juillet 2023, ce long-métrage lève le voile sur la réalité du trafic sexuel des enfants. Les polémiques entourant ce film sont nombreuses. Si elles visent à décourager les spectateurs, elles détournent surtout de la gravité du sujet.

14 500 pédocriminels. 32 700 victimes mineures exploitées dans le monde. Ces chiffres d’Interpol doivent alarmer. Alors que la « journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants » approche le 19 novembre, ce film entend réveiller les consciences.

Alejandro Monteverde, cinéaste mexicain, tourne Sound of Freedom en 2018. Le réalisateur romance la première opération de Tim Ballard, ancien agent spécial pour le ministère de la sécurité intérieure américaine, longtemps affecté à l’équipe en charge de la lutte contre la pédocriminalité sur internet, lorsqu'il infiltre la mafia colombienne en 2013. Après avoir quitté son poste, il se consacre en effet à la recherche des enfants esclaves des réseaux de trafiquants. Un acte noble. Pourquoi, donc, tant de controverses ? Peut-être parce que Jim Caviezel, dans le rôle de Tim Ballard, a interprété Jésus dans La Passion du Christ. Peut-être parce que Jim Caviezel a apporté un soutien à certaines théories de la secte QAnon. Et après ? Car le problème est bien le suivant : les polémiques éclipsent le coeur du film, qu'est la traite sexuelle des enfants.

Polémiques injustes pour un sujet crucial

D'autres critiques fusent à l'encontre de Tim Ballard et de sa fondation, Operation Underground Railroad. Cette organisation à but non lucratif lutte contre le trafic sexuel des enfants, en montant des opérations pour délivrer les jeunes mineurs de leurs prédateurs. Des reproches, souvent adressés par Vice News, portent sur le suivi psychologique des enfants libérés ou sur les trop spectaculaires méthodes d’arrestation des pédocriminels. Ainsi, les enfants ne seraient pas suffisamment pris en charge et filmer les arrestations des trafiquants serait peu louable. A croire qu'il vaut mieux qu'aucune structure n'existe.

Au-delà de ces accusations, le seul soutien de la droite conservatrice suffit à en irriter plus d'un. Parce que Donald Trump a diffusé ce film dans son club de golf, il faudrait le boycotter. Ce qui devait donc être un appel à se mobiliser pour les droits humains et contre l’exploitation sexuelle des enfants, s’est mué en bataille idéologique et politique.

En France, c'est la distribution par Sage qui suscite des interrogations. Pourquoi ? Parce que cette société de distribution est « chrétienne » et « conservatrice » et qu'elle a autrefois diffusé Unplanned. Pourtant, comme le souligne Alejandro Monteverde, « aucun groupe d’intérêt ne doit s’approprier la question de la traite des êtres humains ». Et si le film dérange par sa vérité crue, il est à voir, mouchoirs à la main.