Le 16 novembre, le Premier ministre sortant était reconduit à la majorité absolue par le Parlement espagnol. La clef de cette troisième élection : une promesse faite aux indépendantistes catalans, celle d’un projet de loi d’amnistie pour les séparatistes poursuivis en justice. La droite, suivie dans les rues par des dizaines de milliers de personnes, y voit un scandale, une trahison.

Par­mi les 179 voix qui ont réélu Per­do San­chez à la tête du gou­ver­ne­ment, 14 pro­viennent de dépu­tés des par­tis indé­pen­dan­tistes cata­lans (ERC et Junts). Déci­sifs, ce sont les scru­tins sépa­ra­tistes qui ont fait bas­cu­ler la balance en faveur du res­pon­sable du PSOE, contre lequel se sont ligués le Par­ti Popu­laire (PP) et Vox, avec 171 voix. San­chez a su ral­lier les pre­miers par la pro­messe d’une amnis­tie pour les près de 4 000 per­sonnes impli­quées dans le mou­ve­ment de séces­sion cata­lane en 2017. Ache­tant ain­si son troi­sième man­dat par ce qu’il appelle un geste de « géné­ro­si­té », il éveille la colère d’une grande par­tie de la popu­la­tion espa­gnole dans tout le pays. Elle suit les appels à mani­fes­ter du PP et de Vox, qui amènent 100 000 per­sonnes, d’après leurs dires, à enva­hir les rues de la capi­tale. Depuis le lun­di 8 octobre, les mani­fes­tants bran­dissent des dra­peaux rouges et or s’indignent devant ce qu’ils consi­dèrent comme une injus­tice qui menace l’unité de la nation à des fins pure­ment élec­to­rales. « Cette amnis­tie n’est pas négo­ciée au nom de l’Es­pagne, elle est négo­ciée au nom de San­chez » conteste Alber­to Nunez Fei­joo, conser­va­teur, res­pon­sable du Par­ti Popu­laire. Il appelle toute la com­mu­nau­té euro­péenne à consta­ter la menace ain­si faite à l’état de droit.

Le début du Novembre National

Plus que le refus de cette loi d’amnistie, pro­mise déma­go­gi­que­ment par le Pre­mier ministre réélu, c’est une exas­pé­ra­tion plus pro­fonde qu’exprime une par­tie de la popu­la­tion espa­gnole. Assié­geant dans cer­taines villes des locaux du PSOE, ils scandent « San­chez traître ! » et « Viva España », mais aus­si « Espagne chré­tienne, pas musul­mane ». C’est en réac­tion au socia­lisme de San­chez et dans un contexte de crise éco­no­mique per­sis­tante que nombre d’espagnol prennent d’assaut les rues. Sa poli­tique d’accueil migra­toire figure en bonne posi­tion par­mi les points de contes­ta­tion. Les mani­fes­tants issus de la frange conser­va­trice répondent à des pro­fils divers : natio­naux popu­listes, radi­caux, iden­ti­taires, bour­geois catho­liques… Ils pré­sentent l’image d’une droite dis­pa­rate mais unie pour accu­ser son adver­saire com­mun de cor­rup­tion, de tra­hi­son, de coup d’état. D’autres se disent « socia­listes mais pas san­chistes », refu­sant la divi­sion de l’Espagne sym­bo­li­sée par la loi d’amnistie. Ces émeutes ne sont pas sans vio­lence, quelques affron­te­ments entre mani­fes­tants déter­mi­nés et forces de l’ordre ont lieux, et plus de 1600 poli­ciers ont été déployés autours du Par­le­ment. Qu’il se pro­longe ou s’enlise avant de s’éteindre, ce mou­ve­ment du Noviembre Nacio­nal met en lumière le mécon­ten­te­ment pro­fond de la socié­té espa­gnole tra­ver­sée par des divi­sions poli­tiques structurelles.