Trois semaines après l’invasion de l’Ukraine, Emmanuel Macron est le favori de l’élection présidentielle, en dépit d’une campagne très courte lancée par une réunion publique à Poissy (Yvelines). Cette situation exceptionnelle inquiète ses concurrents à droite, tous à dix points derrière lui dans les sondages.
La campagne d’Emmanuel Macron est enfin lancée. Le chef de l’Etat est si débordé ! Entre les appels récurrents à Vladimir Poutine, les réunions de l’UE pour sanctionner la Russie, le président-candidat n’arrête pas. Charge aux membres du gouvernement et aux députés d’assurer sa promotion électorale. « Une situation qui n’est pas si gênante, affirme un cadre de LREM, la guerre actuelle ne fait que renforcer sa posture présidentielle qu’on lui reconnaissait déjà avant. »
Au pouvoir jusqu’au bout
On ne pourra pas lui reprocher d’avoir passé trop de temps en campagne. Jamais depuis le début de la Ve République un chef de l’Etat en exercice ne s’était présenté si tard à sa réélection. En 1962, le général Gaulle avait annoncé sa candidature au mois de novembre. En 1988, François Mitterrand s’était déclaré un 8 février, et Nicolas Sarkozy le 15 février 2012. Emmanuel Macron a confirmé son entrée en lice un 3 mars. Et malgré cette déclaration officielle, il n’a toujours pas le temps de se consacrer à sa campagne. Ce qui ne l’empêche pas d’être en tête dans les sondages, atteignant les 30% à 35% d’intention de vote au premier tour, selon les dernières estimations. Un gain de 5 à 10 points par rapport à la période précédant la crise ukrainienne.
Un président irréprochable
Malgré son échec à apaiser les tensions en Ukraine, cette guerre fut un bon moyen pour replacer le chef de l’Etat au centre du jeu. Ces dernières semaines, les candidats tous bords confondus n’ont cessé de le critiquer sur son bilan. Jusque-là, il ne pouvait se défendre que par l’intermédiaire de son équipe de campagne. Depuis le déclenchement de la crise ukrainienne, Emmanuel Macron est presque intouchable et réussit, malgré lui, à faire oublier pendant un temps les débats nationaux. De quoi provoquer l’ire des candidats de droite, en particulier d’Éric Zemmour et de Marine le Pen, sous le feu des reproches pour avoir déclaré plusieurs fois qu’ils admiraient Vladimir Poutine, devenu le diable en personne depuis trois semaines.
Une droite fragilisée par la crise en Ukraine
A peine la guerre déclenchée que les extraits d’interviews où Éric Zemmour et Marine le Pen affirmaient ne pas croire à l’invasion de l’Ukraine étaient diffusés par leurs adversaires, en particulier Valérie Pécresse. La candidate des LR, dont la campagne est au ralenti depuis son meeting désastreux du Zénith, en profita pour attaquer son adversaire de Reconquête, qui lui fait tellement peur. “Vladimir Zemmour”, voilà le surnom donné au candidat qui osa soutenir Poutine et affirmer – certes hâtivement – que l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’aurait jamais lieu. Mais début février, personne en France n’y croyait, même les plus grands spécialistes de la Russie. Les sondages montrent que Valérie Pécresse ne profite pas davantage de sa position anti-Poutine. Sa cote dans les sondages ne cesse de baisser. Le dernier sondage Ifop lui attribue 11% des intentions de vote, derrière Jean-Luc Mélenchon (11,5%), Éric Zemmour (13%) et Marine le Pen (14,5%). Sa difficulté à montrer de la conviction dans ses conférences de presse et ses meetings, son snobisme à peine voilé à l’égard d’un agriculteur voulant lui parler des défis de son métier, rendent la candidate peu sympathique. A droite, aucun candidat ne se démarque. Seul Éric Zemmour engrange encore des ralliements. Le dernier en date est celui de Marion le Pen, sans que cela ne crée de nouvelle dynamique.
Une gauche en petits morceaux
On pensait Jean-Luc Mélenchon inattaquable jusqu’à maintenant, mais la crise ukrainienne met aussi le candidat en difficulté, lui qui plaidait pour l’établissement d’une relation de confiance avec le président russe et refusait de croire à une invasion de l’Ukraine. Le Parti socialiste obligea l’équipe du candidat de La France Insoumise à se repositionner, voire à démentir toute complaisance envers le Kremlin. « C’est une calomnie », dénonça son entourage. L’épisode ukrainien ne changera sans doute pas grand-chose pour les autres candidats de gauche, évalués entre 2% et 7% des intentions de vote. Pas de quoi inquiéter le chef de LFI, fort du ralliement de la Primaire populaire, qui avait pourtant choisi Christiane Taubira en décembre dernier. La candidate ne récolta que 181 parrainages, et ne put donc se présenter.
La capacité des candidats à ramener le débat public sur des enjeux de politique intérieure pourra peut-être leur permettre de grimper avant le premier tour. Pour l’instant, tout porte à croire que le grand gagnant de 2022 sera Emmanuel Macron, malgré une campagne de courte durée.