Lundi 18 novembre 2024, 7h01 du matin. La nationale 118, près de Vélizy dans les Yvelines, est déserte. Depuis la veille au soir, le trafic est paralysé par des agriculteurs venus exprimer leur colère contre les accords du Mercosur. 

Au milieu de l’axe rou­tier habi­tuel­le­ment satu­ré, des dizaines de trac­teurs en bloquent l’accès dans un par­fum de cam­pagne. Des ban­de­roles aux cou­leurs des Jeunes Agri­cul­teurs et de la FNSEA (Fédé­ra­tion natio­nale des syn­di­cats d’ex­ploi­tants agri­coles) flottent au gré du vent. Des pan­cartes, par­fois acerbes, sont bran­dies comme celle-ci : « Macron, si tu vas à Rio, n’ou­blie pas tes péque­nots », en réfé­rence à la célèbre chan­son de Dario More­no. Mal­gré l’intensité de la pro­tes­ta­tion, l’atmosphère reste éton­nam­ment bon enfant pour un sujet aus­si vital pour le monde agri­cole : « On n’est pas là pour blo­quer, mais pour sur­vivre », glisse Chris­tophe, venu de l’Essonne, en me ten­dant un café chaud. Une colère mais sur­tout une rési­lience se lit sur les visages des manifestants. 

Les éle­veurs sont par­mi les plus tou­chés par les consé­quences des accords de libre-échange entre l’Europe et l’Amérique du Sud. « Si ces accords passent, c’est fini pour nous. Com­ment riva­li­ser avec du bœuf bré­si­lien qui nous coûte moins cher que nos propres coûts de pro­duc­tion ? », s’interroge Chris­tophe.  Pour Valen­tin Del­bos, pré­sident des Jeunes Agri­cul­teurs can­ta­liens, les enjeux ne se limitent pas aux seules ques­tions éco­no­miques. « On se bat pour gar­der nos pro­duits de qua­li­té. Ce n’est pas seule­ment de la viande, c’est un patri­moine. Si on perd ça, on perd une par­tie de ce qui fait la France. »

« Si on doit revenir on reviendra »

Depuis plu­sieurs années, les agri­cul­teurs alertent sur une concur­rence jugée déloyale : «On nous demande de res­pec­ter des règles envi­ron­ne­men­tales strictes, ce qui est nor­mal. Mais impor­ter des pro­duits qui ne les res­pectent pas ? On marche sur la tête ! », dénonce Chris­tophe.  Les syn­di­cats agri­coles tels que la FNSEA et les Jeunes Agri­cul­teurs alertent sur ces doubles stan­dards. Ils accusent les gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs d’ignorer les impacts catas­tro­phiques de ces accords sur le monde rural. Peu ici espèrent une réac­tion forte de la part du pré­sident Emma­nuel Macron en dépit de ses récentes décla­ra­tions en marge du G20, à Rio de Janeiro.

Autour d’un bar­be­cue impro­vi­sé, les agri­cul­teurs dis­cutent, échangent sur les solu­tions à prendre et ne se laissent pas abattre. Mal­gré l’incertitude, l’espoir demeure : « Si on doit reve­nir, on revien­dra. Autant de fois qu’il le fau­dra. On ne lâche­ra rien », pro­met Marie, éle­veuse de bre­bis dans les Pyrénées.

Alors que le soleil se lève dou­ce­ment sur la route blo­quée, une ques­tion reste en sus­pens : quel ave­nir pour l’agriculture fran­çaise dans un monde globalisé ?

A.M

Nombre de signes : 2909