Comme chaque début d’année, la galette des rois est mise à l’honneur dans les vitrines des boulangeries et rayons de supermarchés ; ce produit de consommation a supplanté le phénomène historique.
En ce 8 janvier, devant la boulangerie « À la Petite Marquise » du XVIe arrondissement de Paris, les gens vont et viennent avec baguettes de pain, sandwiches ou… galette des rois ! « Manger une galette c’est un peu pour clôturer les fêtes de fin d’année, c’est vraiment la dernière chose qui est liée à la période de Noël avant de reprendre l’année donc c’est important », explique Valentine, jeune pâtissière de 27 ans.
Un phénomène commercial
L’incontournable dessert de janvier est devenu un business lucratif pour les pâtissiers et industriels, qui réalisent jusqu’à 10% de leur chiffre annuel, selon Agro-média. Chaque année sont vendues plus de 30 millions de galettes en janvier en France. Un phénomène qui touche tous les Français, et se partage, entre amis, entre familles ou entre salariés. « Avec l’entreprise, on a fait notre galette des rois, le plus jeune est allé sous la table. Quitte à manger une galette, autant jouer le jeu qu’il y a autour », poursuit Valentine. Le marché est donc plutôt rentable pour les pâtissiers, qui n’hésitent pas à laisser libre cours à leur imagination et à rivaliser d’ingéniosité pour attirer le client. Galette au chocolat, galette aux pommes, la tradition s’est bien diversifiée. Toutefois, la traditionnelle frangipane reste la plus consommée, et ce à 80%. Et les Français n’hésitent pas à payer plus cher, jusqu’à 50€ la galette, pour profiter d’une fabrication artisanale.
Le phénomène commercial est si puissant qu’on en a oublié la véritable histoire, devenue un énième phénomène de consommation dont le seul but est de manger pour partager ; c’est ce que suggère Jules, jeune homme que nous avons rencontré : « C’est convivial, c’est bien pour tout le monde, c’est à partager ; il y a la fève, c’est toujours bien pour les enfants. En famille, on la fait tout le temps ». Pourtant, Valérie, enseignante et mère de trois enfants, se souvient de la tradition chrétienne : « moi je suis catholique, c’est une tradition religieuse après Noël. On parle des Rois Mages chez nous dans les pays catholiques latins ».
La longue histoire de la galette…
Fête commerciale ou tradition culturelle ? En réalité, la galette est l’héritage d’une tradition païenne ; elle vient des Saturnales, fête romaine qui célébrait Saturne et le retour progressif du soleil par un repas partagé entre maître et esclaves, d’après le dictionnaire Littré. Une fève – premier légume qui pousse au printemps – était glissée dans un gâteau dont l’aspect rond rappelait le soleil. Puis au XIVe siècle, l’Église a réinvesti cette célébration, en la faisant coïncider avec la fête de l’Épiphanie, jour de l’arrivée des Rois Mages. Celui qui tombe sur la fève se voit alors attribuer le titre de roi le temps d’une journée, en référence aux Rois Mages.
Selon Nadine Crétin, docteur en histoire et spécialiste en anthropologie religieuse, « ‘’tirer un roi’’ était commun dès le Moyen-Âge, le 5 janvier. Normalement, celui qui trouvait la fève devait payer sa tournée à la tablée. Certains prétendent que les plus avares avalaient la fève afin de ne pas débourser d’argent. C’est ainsi que serait née la fève en porcelaine, pour que le roi craigne de l’avaler ».
La tradition de la galette reste propre à la France ; elle s’est seulement exportée chez nos voisins belges et suisses. D’autres pays européens ont maintenu, mais moins massivement, la coutume, élaborant leur propre spécialité : le bolo rei brioché et fruité du Portugal, la vassilopita grecque et sa pièce de monnaie cachée ou encore le pitka bulgare. Mais nulle part ailleurs la tradition n’a pris la même ampleur que la France.