25 ans de réclu­sion cri­mi­nelle pour le meurtre de sa femme Alexia. C’est la peine infli­gée à Jona­thann Daval, condam­né same­di 21 novembre par la cour d’as­sises de la Haute-Saône. Après deux heures et demie de déli­bé­ré, les jurés ren­dirent un ver­dict plus clé­ment que les réqui­si­tions de l’a­vo­cat géné­ral Emma­nuel Dupic qui avait deman­dé la réclu­sion cri­mi­nelle à per­pé­tui­té. Ce pro­cès res­te­ra comme l’un des épi­sodes judi­ciaires les plus hale­tants et les plus média­ti­sés de ces der­nières années. BFM avait même dif­fu­sé une série en 4 épi­sodes, pour trans­po­ser l’audience jusque dans tous les foyers.

« T’as vou­lu voir Vesoul, et on a vu Vesoul », chan­tait Jacques Brel. Grâce à BFM, la France vécut cette semaine au rythme de la vie vésu­lienne. En sa cour d’as­sises, la plus petite pré­fec­ture de France héber­geait un pro­cès hors norme. BFM dif­fu­sa une série qui fai­sait revivre l’en­quête depuis le début. Chaque Fran­çais pou­vait ain­si s’i­den­ti­fier au sort de cette famille, à la maman d’Alexia, à son père, à sa belle-sœur ou tout sim­ple­ment à ses voi­sins. Depuis l’af­faire Gré­go­ry, on avait jamais vu pour un fait divers une cou­ver­ture média­tique si impres­sion­nante. Faut-il y voir le contexte actuel, sen­sible aux fémi­ni­cides ? Probablement.

Cette série com­pre­nait 4 épi­sodes de 25 minutes. On y décou­vrait l’histoire de ce couple et sur­tout de ce crime. Tous les per­son­nages étaient ceux que l’on allait retrou­ver dans le pré­toire. La jus­tice solen­nelle ren­due par des jurés se dou­blait d’une jus­tice télé­vi­suelle mon­tée par une équipe de jour­na­listes. BFM avait évi­dem­ment choi­si de dif­fu­ser ces épi­sodes à par­tir du pre­mier jour de l’audience.

Sous cou­vert d’informations, le cas Jona­thann Daval était décor­ti­qué sur les pla­teaux. Per­sonne n’y échap­pa : ni les avo­cats, ni les experts, ni les par­ties civiles. Cha­cun don­na son opi­nion, s’étonna de la réac­tion de l’accusé, pro­po­sa sa ver­sion des faits.

Informer sur un procès n’est pas refaire le procès

Cer­tains furent cho­qués par cet embal­le­ment média­tique. L’avocat et édi­to­ria­liste Alain Jaku­bo­wicz se dit effa­ré : « Je consi­dère que c’est un dys­fonc­tion­ne­ment majeur de l’institution judi­ciaire. » Il esti­ma que le rôle des médias n’est pas de faire le pro­cès. « La Justice n’est pas un pro­duit qu’on vend pour faire de l’argent », s’é­cria-t-il.

La Jus­tice et les media ne sont pas sou­mis aux mêmes obli­ga­tions. L’ac­cu­sé béné­fi­cie de la pré­somp­tion d’innocence jusqu’à l’é­non­cé du ver­dict. La Jus­tice est lente car elle ne doit pas se trom­per. Elle prend toutes les pré­cau­tions. Mais que pèse la fonc­tion sym­bo­lique de cette ins­ti­tu­tion face aux impé­ra­tifs des grandes chaînes de télé­vi­sion ? Lun­di 16 novembre, envi­ron un mil­lion de télé­spec­ta­teurs regar­dèrent les deux pre­miers épi­sodes de la série Daval sur BFM, ce qui fai­sait d’elle la chaîne la plus regar­dée de France.