L’article 24 de la loi de “sécurité globale” suscite toujours de très vives réactions, alimentées par des interpellations médiatisées comme celle du professeur de rap dans le XVIIe arrondissement de Paris. Jeudi 26 novembre, la préfecture de police annonçait avoir suspendu les quatre agents accusés d’agression.

Même Kylian Mbap­pé s’en mêle : sur Twit­ter, l’at­ta­quant-vedette de l’é­quipe de France et du Paris SG  dénonce “une vidéo insou­te­nable” et “des vio­lences inad­mis­sibles” à pro­pos du pas­sage à tabac fil­mé d’un pro­duc­teur de rap noir par des poli­ciers à Paris. Le tweet de Mbap­pé, conclu par les mots “Stop au racisme”, fait suite à celui de son coéqui­pier sous le maillot des Bleus Antoine Griez­mann qui avait écrit plus tôt sur son compte Twit­ter: “J’ai mal à ma France”.

La scène dure cinq minutes

Les faits remontent au soir du same­di 21 novembre. Michel Zecler, pro­fes­seur de rap, se rend à son stu­dio sans masque lors­qu’il voit une voi­ture de police. Il presse alors le pas pour évi­ter une amende. Selon leur pro­cès ver­bal consul­té par l’AFP, les trois poli­ciers tentent de l’in­ter­cep­ter, mais “il nous entraîne de force dans le bâti­ment”, écrivent-ils. Sur les images de vidéo­sur­veillance de ce stu­dio, on voit les trois fonc­tion­naires de police entrer dans le local en agrip­pant l’homme puis le frap­per à coups de poing, de pied ou de matraque. Dans leur rap­port, les poli­ciers sou­tiennent que Michel les a frap­pés. Selon ces mêmes images, l’homme résiste en refu­sant de se lais­ser embar­quer, puis tente de se pro­té­ger le visage et le corps. Il ne semble pas por­ter de coups. La scène dure cinq minutes. Dans un second temps, des per­sonnes qui se trouvent dans le sous-sol du stu­dio par­viennent à rejoindre l’en­trée, et pro­voquent le repli des poli­ciers à l’ex­té­rieur et la fer­me­ture de la porte du stu­dio. Les poli­ciers tentent ensuite de for­cer la porte et jettent à l’in­té­rieur du stu­dio de rap une gre­nade lacrymogène.

Sitôt les images dif­fu­sées sur les réseaux sociaux, le ministre de l’In­té­rieur Gérald Dar­ma­nin demande au pré­fet de police de Paris Didier Lal­le­ment de sus­pendre les poli­ciers concer­nés. Trois pre­miers sont d’a­bord sus­pen­dus. Puis un qua­trième, arri­vé en ren­fort et soup­çon­né d’a­voir lan­cé la grenade.

Les syndicats appellent à la prudence

Denis Jacob, secré­taire géné­ral du syn­di­cat d’Al­liance Police CFDT, se dit “très cir­cons­pect par rap­port à cette affaire”. Pour lui, les images de vio­lences qui mettent la toile en émoi ne sont pas for­cé­ment des preuves de “vio­lences poli­cières”. Celles-ci peuvent faire suite à un refus d’ob­tem­pé­rer, auquel cas les poli­ciers sont là pour faire leur tra­vail” et conduire au poste Michel, la pré­su­mée vic­time. Denis Jacob pré­cise que l’exi­guï­té de la pièce et le gaba­rit de l’in­ter­pel­lé ren­daient l’ar­res­ta­tion dif­fi­cile. Cepen­dant, des soup­çons de faux en écri­ture pèsent sur les poli­ciers, qui auraient jus­ti­fié l’in­ter­pel­la­tion et la garde à vue par de faux témoi­gnages. Un com­por­te­ment “tout sim­ple­ment scan­da­leux”, selon Denis Jacob.

Cette nou­velle affaire tombe en pleine polé­mique sur la loi dite de “sécu­ri­té glo­bale” dont l’ar­ticle 24oblige à flou­ter les visages des poli­ciers pré­sents sur les vidéos et images. Les syn­di­cats de la pro­fes­sion rap­pellent que, sur les trois mil­lions d’in­ter­pel­la­tions annuelles, seules 1000 donnent lieu à une enquête de l’IGPN, les­quelles res­tent majo­ri­tai­re­ment sans suite.

Sans la vidéo, Michel serait peut-être en prison

Après cette inter­pel­la­tion, Michel Zecler avait dans un pre­mier temps été pla­cé en garde à vue dans le cadre d’une enquête ouverte pour “vio­lences sur per­sonne dépo­si­taire de l’au­to­ri­té publique” et “rébel­lion”. Mais le par­quet de Paris a clas­sé cette enquête et ouvert mar­di une nou­velle pro­cé­dure, cette fois pour “vio­lences par per­sonnes dépo­si­taires de l’au­to­ri­té publique” et “faux en écri­ture publique”. “Si nous n’a­vions pas les vidéos, mon client serait peut-être actuel­le­ment en pri­son”, a dit à l’AFP, Me Hafi­da El Ali, avo­cat de Michel.