Mardi 19 janvier, l’Assemblée nationale rendait une première décision sur la proposition de loi visant à rétablir le vote par correspondance. Le gouvernement semble encore très réticent à ce sujet.

L’Assemblée natio­nale a adop­té mar­di 19 jan­vier une série de retouches tech­niques pour les pro­chaines élec­tions sans pour autant accep­ter le retour du vote par cor­res­pon­dance. Elle a cepen­dant fran­chi un pre­mier pas en auto­ri­sant cette pra­tique uni­que­ment pour les déte­nus. Nor­ma­le­ment les déte­nus doivent deman­der une auto­ri­sa­tion de sor­tie (très rare­ment accor­dée) ou bien avoir recours à une pro­cu­ra­tion. En mai 2019, un vote par cor­res­pon­dance s’était excep­tion­nel­le­ment dérou­lé dans les pri­sons au cours des élec­tions euro­péennes. Une liste vir­tuelle et unique avait été créée pour les déte­nus et des espaces de vote avaient été mis en place dans les pri­sons. Cela avait per­mis à 5000 déte­nus de voter. Ce chiffre est quatre fois supé­rieur au chiffre habi­tuel, en effet, les popu­la­tions incar­cé­rées se sentent géné­ra­le­ment peu concer­nées par leur citoyen­ne­té et votent très peu. Le chiffre reste très faible par rap­port à l’ensemble du nombre de déte­nus (il y avait envi­ron 50 000 déte­nus concer­nés au moment du vote).

Le vote par correspondance, une fausse bonne idée ?

Retour sur le dérou­lé des évé­ne­ments : au cours de l’é­té 2020, sous cou­vert du risque sani­taire, un cer­tain nombre d’élus de droite comme de gauche font une pro­po­si­tion de loi visant à réta­blir le vote par cor­res­pon­dance en vue des pro­chaines élec­tions pré­si­den­tielles. Les élec­tions dépar­te­men­tales et régio­nales à venir devaient ser­vir de galop d’essai. L’idée est por­tée par le MoDem, le par­ti cen­triste de Fran­çois Bay­rou et allié de la majo­ri­té. Cela se passe au len­de­main des élec­tions muni­ci­pales de juin qui se font remar­quer par un taux d’abstention record. En rai­son de la crise sani­taire, une grande majo­ri­té d’électeurs n’ose pas se dépla­cer. La peur du coro­na­vi­rus est trop forte et les résul­tats des élec­tions font par­fois l’ob­jet de scan­dales à cause de la sur­prise qu’ils pro­voquent. En novembre 2020, la ques­tion res­sur­git de plein fouet au moment même où se déroule l’élection pré­si­den­tielle amé­ri­caine et où un peu moins de la moi­tié des votes a été effec­tué par cor­res­pon­dance (envi­ron 70 millions).

Plu­sieurs élus de tous bords ont donc relan­cé le débat en novembre for­çant le ministre de l’in­té­rieur Gérald Dar­ma­nin à s’exprimer une pre­mière fois à ce sujet :

Le ministre s’op­pose donc à ce pro­jet de loi et le confirme quelques jours plus tard dans un autre tweet:

Le vote par correspondance ne peut assurer l’anonymat, pourtant essentiel

Le pro­blème du vote par cor­res­pon­dance réside prin­ci­pa­le­ment dans sa sin­cé­ri­té. Il est aisé de voter à la place d’un membre de sa famille qui s’abs­tient. Un élec­teur ne peut jamais se trou­ver à l’a­bri des pres­sions de son entou­rage au moment de glis­ser le bul­le­tin dans l’en­ve­loppe. C’est ce qu’on appelle le poids com­mu­nau­taire auquel l’i­so­loir devait jus­te­ment nous sous­traire. Rap­pe­lons éga­le­ment qu’en 1975, la France s’é­tait débar­ras­sée du vote par cor­res­pon­dance à cause de fraudes mas­sives (Le Monde titrait le 13 novembre 1975 « Pour réduire la fraude élec­to­rale, le vote par cor­res­pon­dance est sup­pri­mé »). Mal­gré cela, les dépu­tés s’entêtent puis­qu’ils ne voient dans le vote par cor­res­pon­dance que le taux de par­ti­ci­pa­tion record qui a été consta­té aux États-Unis. En matière d’abs­ten­tion, la France bat chaque année son propre record. Le retour du vote par cor­res­pon­dance est donc essen­tiel­le­ment moti­vé par la peur de l’abstention.