Ambition. C’est le sentiment qui anime le président de la région des Hauts-de-France à l’approche de l’élection présidentielle de 2022. Selon une enquête publiée par le quotidien l’Opinion et CommStrat, Xavier Bertrand recueillerait 16% des voix si l’élection se déroulait dimanche 24 janvier 2021. Troisième homme potentiel, il se placerait derrière Marine le Pen (27%) et Emmanuel Macron (24%). Reste à savoir si l’ancien ministre de la Santé de Nicolas Sarkozy parviendra à s’imposer dans la course à l’Élysée.  

Nico­las Dupont-Aignan, l’ex figure de proue des Gilets jaunes Éric Drouet, Marine Le Pen ou encore Jean Las­salle, ont déjà offi­cia­li­sé leur can­di­da­ture. D’autres can­di­dats poten­tiels comme Anne Hidal­go, Valé­rie Pécresse ou Chris­tiane Tau­bi­ra refusent pour l’instant de cla­ri­fier leur posi­tion sans néan­moins dis­si­mu­ler leur ambi­tion. Quant à Xavier Ber­trand, il se pré­sente comme une autre option au duel oppo­sant Marine Le Pen à Emma­nuel Macron. 

Un rempart (régional) face à Marine Le Pen. 

« […] Ici je suis le pre­mier rem­part contre l’extrême droite de Madame Le Pen. » Lors des élec­tions régio­nales de 2015, Xavier Ber­trand s’était fait net­te­ment devan­cé par sa rivale du FN au pre­mier tour. Mais le retrait du socia­liste Pierre de Sain­ti­gnon lui avait per­mis de béné­fi­cier d’un large report de voix et de s’imposer au second tour avec 57,8% des suf­frages. C’est cette image de triom­pha­teur que le can­di­dat sou­haite incar­ner : être à la fois un obs­tacle natio­nal à une vic­toire de Marine Le Pen en 2022, et concur­rent à Emma­nuel Macron. D’ailleurs, depuis 2017, plu­sieurs de ses proches appar­tiennent au gou­ver­ne­ment tels que le ministre de l’Intérieur Gérald Dar­ma­nin. La can­di­da­ture de Xavier Ber­trand menace Emma­nuel Macron. Il pose comme condi­tion à sa can­di­da­ture d’être réélu à la tête de la région en juin pro­chain. Le pré­sident sor­tant aurait alors inté­rêt à le mettre en dif­fi­cul­té. Cepen­dant, on ne sait pas encore quel can­di­dat LREM se pla­ce­ra en face de lui dans les Hauts-de-France. Comme le sou­li­gnait l’Opinion le 3 décembre, le secré­taire d’État char­gé des retraites Laurent Pie­tras­zews­ki serait pres­sen­ti même si des dis­cus­sions ont lieu entre des dépu­tés de la majo­ri­té, élus des Hauts-de-France et des conseillers d’Emmanuel Macron pour qu’aucune liste ne soit for­mée face à Xavier Bertrand.

Dans tous les cas, même si ce der­nier par­vient à se faire réélire en juin pro­chain à la tête de sa région, il n’est pas cer­tain que sa can­di­da­ture sera capable de bou­le­ver­ser le duel  Macron/Le Pen annon­cé par les son­dages.  

Une concurrence rude à droite

Xavier Ber­trand n’est pas la seule per­son­na­li­té à vou­loir incar­ner la droite et le centre, même si les son­dages le consi­dèrent comme le mieux pla­cé. Faut-il se fon­der sur une enquête menée à 16 mois du scru­tin ? Pour en tirer des ensei­gne­ments, les son­dages doivent être com­pa­rés sur une période longue afin de déga­ger une dyna­mique élec­to­rale. Par ailleurs, des poli­to­logues comme Patrice Lehingue sou­lignent la vola­ti­li­té du vote, ce qui laisse une part d’incertitude dans les résul­tats d’une élection.

Sa pre­mière rivale semble être Valé­rie Pécresse. La pré­si­dente de la région Île-de-France compte éga­le­ment sur son bilan régio­nal et sa réélec­tion en 2021 pour cré­di­bi­li­ser une poten­tielle can­di­da­ture. Elle est cré­di­tée de 14% des inten­tions de vote. Selon le Jour­nal du Dimanche, des res­pon­sables LR lui reprochent son manque de posi­tion­ne­ment clair.

Au sein du par­ti Les Répu­bli­cains, Rachi­da Dati et Bru­no Retailleau laissent entendre qu’ils envi­sagent une can­di­da­ture pré­si­den­tielle. Si Xavier Ber­trand reven­dique sa fidé­li­té à une « droite sociale », la can­di­date mal­heu­reuse aux muni­ci­pales à Paris et le séna­teur se situent plus à droite de l’échiquier poli­tique.  Dans des pro­pos publiés par le quo­ti­dien bri­tan­nique The Times, Rachi­da Dati affirme « I want to be pre­sident ». Mal­gré sa défaite face à Anne Hidal­go, elle a mené une cam­pagne saluée dans son camp alors que la droite pari­sienne était divi­sée depuis la défaite des muni­ci­pales en 2014. 

Très média­ti­sé en rai­son du contexte sani­taire, le Pr Phi­lippe Juvin, maire LR de La Garenne-Colombes dit « se pré­pa­rer » à une pri­maire des Répu­bli­cains.  Or ce mode de dési­gna­tion ne fait tou­jours pas l’unanimité y com­pris chez les mili­tants. Aujourd’hui, Xavier Ber­trand refuse l’idée d’y par­ti­ci­per. Son mou­ve­ment, « La Manu­fac­ture » a selon lui voca­tion « à ras­sem­bler les Fran­çais », ce qu’une pri­maire l’empêcherait de faire. De plus, en quoi se sen­ti­rait-il concer­né puisqu’il n’est plus adhé­rant LR depuis 2017.

Des militants partagés

Avant d’être en mesure de ras­sem­bler les Fran­çais, Xavier Ber­trand devra convaincre les mili­tants et sym­pa­thi­sants de sa propre famille poli­tique lato sen­su. Si dans le son­dage Elabe/Les Échos du 8 jan­vier, il béné­fi­cie d’une popu­la­ri­té stable auprès des Fran­çais et des sym­pa­thi­sants de droite, sa can­di­da­ture ne fait pas l’unanimité.

Michel, mili­tant LR depuis des années dans les Hauts-de-France, estime que Xavier Ber­trand « res­semble trop à Macron ; c’est un cen­triste, il est prêt à tout pour être élu ». Une bonne par­tie des membres du par­ti fon­dé par Nico­las Sar­ko­zy en 2016 vécut comme une tra­hi­son le départ de cadres après la défaite de Fran­çois Fillon.

Élec­teur de droite déçu par Emma­nuel Macron, enga­gé au sein des Jeunes avec Xavier Ber­trand, Elie consi­dère que le pré­sident des Hauts-de-France est « un homme qui s’est construit tout seul […] Si son bilan à la tête de la région est excellent, les idées qu’il a mises en place à la région pour­raient être appli­quées à l’ensemble du ter­ri­toire ». 

Si Xavier Ber­trand rem­por­tait les régio­nales, il aurait jusqu’à l’automne pour s’imposer et per­tur­ber le match Macron/Le Pen. Tout récem­ment, l’ancien chef de l’État Nico­las Sar­ko­zy aurait décla­ré à l’ancien maire de Saint-Quen­tin : « Si tu es à 18% à l’automne, tu t’imposeras ».