Une école “innovante et inspirante” vient d’ouvrir ses portes à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). Depuis janvier 2020, le Cours des Frères Montgolfier accueille “des enfants atypiques en décrochage dans le système scolaire classique”. Cet établissement hors-contrat se distingue par sa pédagogie personnalisée et son enracinement local.

Ici, on lève d’a­bord les yeux aux ciel. Au Cours des Frères Mont­gol­fier, les élèves sont des “équi­piers”, les pro­fes­seurs des “pilotes”, les assis­tants des “seconds”. Quant au direc­teur, on l’ap­pelle l’“aérostier”. Chaque classe regroupe deux niveaux : CP et CE1 forment la pelouse ; CE2 et CM1 la nacelle ; CM2 et 6e le foyer ; enfin 5e et 4e le bal­lon. Tous, de l’é­lève au direc­teur, portent l’u­ni­forme : un pan­ta­lon beige et un pull à capuche bleu ciel sur lequel est écrit leur nom.

L’é­cole accueille 32 élèves et en vise 64, soit huit par niveau. L’inscription répond à une néces­si­té, celle de l’in­clu­sion de l’en­fant ne pou­vant pas conti­nuer sa sco­la­ri­té dans l’enseignement clas­sique. Notam­ment parce qu’il est « dys » (pour dys­lexique) avec des troubles spé­ci­fiques du lan­gage et de l’apprentissage. Il peut être intel­lec­tuel­le­ment pré­coce ou souf­frir de troubles de l’attention. Le second cas de figure, c’est l’en­fant issu de l’ins­truc­tion à domicile.

Le maître-mot : s’adapter aux besoins de l’élève

Le Cours des Frères Mont­gol­fier assure aux élèves une péda­go­gie adap­tée, dans une classe à l’ef­fec­tif réduit et gérée cha­cune par deux pro­fes­seurs. Ici, « le pro­gramme attend l’enfant. Tout débute à par­tir de lui et de son besoin », vante le direc­teur, Albé­ric de Ser­rant, un nom bien connu des milieux hors-contrat. Ce sui­vi per­son­na­li­sé inclut la trans­mis­sion du socle com­mun de com­pé­tences, conforme aux direc­tives de l’Éducation nationale.

Le fon­da­teur de l’école insiste sur la confron­ta­tion au réel. En plus des tra­vaux pra­tiques régu­liers, les élèves font des sor­ties ou accueillent un inter­ve­nant tous les ven­dre­dis après-midi. Le hors-contrat per­met de s’or­ga­ni­ser libre­ment. Il faut savoir que toutes les écoles pri­vées nou­vel­le­ment créées res­tent sous ce sta­tut pour cinq ans. Pas­sé ce délai, elles peuvent choi­sir de le conser­ver ou non.

Participer à la dynamique locale

Les élèves ne res­te­ront pas toute leur sco­la­ri­té au Cours. Arri­vés en 3e, ils rejoin­dront les éta­blis­se­ments publics ou pri­vés sous-contrat. L’examen d’admission sera alors plus facile que pour l’en­trée en seconde. Il ne s’a­git pas de se sub­sti­tuer à l’Éducation natio­nale ou de lui faire concur­rence mais bien d’y ame­ner les élèves après les avoir fait suf­fi­sam­ment grandir.

Pour Albé­ric de Ser­rant, « toutes les auto­ri­tés doivent com­prendre que nous sommes apo­li­tiques, acon­fes­sion­nels, et que nous nous ins­cri­vons dans une dyna­mique locale ». L’é­cole se pré­sente comme par­te­naire des éta­blis­se­ments clas­siques. Elle appar­tient à la struc­ture du Futé, espace de cotra­vail et incu­ba­teur dont pour­ront aus­si pro­fi­ter ses pro­fes­seurs, édu­ca­teurs et parents d’élèves.

Avant d’ou­vrir son école, Albé­ric de Ser­rant avait deman­dé l’ac­cord du curé de Noi­sy-le-Grand « pour ne pas court-cir­cui­ter son élan pas­to­ral ». « Pour autant, ajoute-t-il, j’ai l’imam de la ville qui est père d’enfants chez moi ; cela montre une vraie cohé­rence d’accueil ».

La légitimité du hors-contrat

En défi­ni­tive, don­ner une légi­ti­mi­té au hors-contrat, c’est tout l’enjeu du Cours des Frères Mont­gol­fier. Albé­ric de Ser­rant le sou­tient avec convic­tion : « Il est intel­li­gent, parce qu’il n’est pas une fuite, une anar­chie, ou un îlot d’intégrisme mais véri­ta­ble­ment une pièce du puzzle qui tra­vaille la complémentarité. »

À l’avenir, deux autres Cours ver­ront le jour à Paris et à Meaux (Seine-et-Marne). L’aé­ros­tier estime suf­fi­sant d’a­voir ain­si trois écoles pilotes, cha­cune dans un contexte dif­fé­rent : centre-ville, ban­lieue et rural. « Nous ne sommes pas là pour nous implan­ter, mais pour être des moteurs de créa­tion », s’é­crie-t-il. « Des gens déve­lop­pe­ront sûre­ment notre péda­go­gie à tra­vers leurs propres écoles, et nous dépas­se­ront. Tant mieux ! »