Oui, l’UNEF, le syndicat étudiant de gauche historique, organise bien des réunions « racisées » : entendez, interdites aux blancs. Les aveux de sa présidente Mélanie Luce sur Europe 1 le 17 mars l’attestent, et révèlent une idéologie racialiste. Une énième polémique secoue l’UNEF et divise profondément la gauche.

« Ce n’est pas moi qui orga­nise des réunions où les blancs ne sont pas admis », pointe la jour­na­liste Sonia Mabrouk. Méla­nie Luce, son invi­tée sur Europe 1 tente péni­ble­ment de jus­ti­fier le bien-fon­dé de réunions inter­dites aux blancs à l’UNEF.

Cet aveu sur­vient peu de temps après la récente affaire de l’Ins­ti­tut d’é­tudes poli­tiques de Gre­noble. L’antenne locale de l’U­NEF livrait alors à la vin­dicte popu­laire deux pro­fes­seurs de l’établissement qu’elle accu­sait d’islamophobie. Leurs noms ont été pla­car­dés sur les murs de l’établissement et cités dans un tweet sup­pri­mé depuis devant le tol­lé géné­ral. Déclen­chées quelques mois seule­ment après l’assassinat de Samuel Paty, ces accu­sa­tions ont valu aux deux pro­fes­seurs d’être pla­cés sous pro­tec­tion poli­cière.

L’UNEF, une rupture entre universalisme et “islamo-gauchisme”

Depuis quelques années, les polé­miques se mul­ti­plient à l’UNEF sur des ques­tions tan­tôt de racisme, tan­tôt d’atteintes à la laï­ci­té que d’aucuns qua­li­fient de dérives isla­mo-gau­chistes. Ces polé­miques sont l’occasion d’a­li­men­ter le nou­veau cli­vage qui frac­ture la gauche.

D’un côté, les par­ti­sans d’un uni­ver­sa­lisme fran­çais tendent à uni­fier des popu­la­tions dif­fé­rentes sous l’égide d’une même culture indé­pen­dam­ment de leurs ori­gines. De l’autre, les tenants du com­mu­nau­ta­risme trient les indi­vi­dus selon leur appar­te­nance eth­nique ou reli­gieuse. Ces deux concep­tions par­fai­te­ment anta­go­nistes éta­blissent une rup­ture nette au sein de la gauche. Le pre­mier camp accuse le second de repro­duire de la ségré­ga­tion raciale sous cou­vert du com­bat antiraciste.

Des per­son­na­li­tés comme Chris­tophe Cas­ta­ner, pré­sident du groupe LREM et ancien élu du PS, ou Jean-Chris­tophe Cam­ba­dé­lis ancien secré­taire du PS, ont ain­si rejoint les posi­tions fermes de Jean-Michel Blan­quer et de Bru­no Retailleau. Le ministre de l’Education natio­nale et le séna­teur LR appellent à des sanc­tions strictes contre l’UNEF. Eric Ciot­ti, dépu­té LR,  a même évo­qué une éven­tuelle dis­so­lu­tion de l’association, qu’il qua­li­fie « d’a­vant garde de l’islamo-gauchisme ».

L’islamo-gauchisme au secours de l’UNEF ?

Alors qu’une par­tie de la gauche s’est déso­li­da­ri­sée du syn­di­cat, l’UNEF a reçu entre autres le sou­tien de Jean-Luc Mélen­chon. Sans sur­prise, l’an­cien élu PS et actuel lea­der de La France insou­mise a fus­ti­gé « une cam­pagne d’extrême-droite » à l’encontre du syn­di­cat étu­diant. Depuis sa par­ti­ci­pa­tion à la Marche contre l’is­la­mo­pho­bie aux côtés du CCIF en 2019, La France insou­mise est régu­liè­re­ment accu­sée d’islamo-gauchisme par ses opposants.
Par ailleurs, une tri­bune publiée dans Le Monde s’op­pose à une éven­tuelle dis­so­lu­tion de l’U­NEF, une mesure qui ren­ver­rait dos à dos le syn­di­cat étu­diant et Géné­ra­tion iden­ti­taire. Les 250 signa­taires, anciens diri­geants de l’U­NEF, refusent de voir dans les acti­vi­tés racia­listes du syn­di­cat une dérive anti-répu­bli­caine.

Les polé­miques autour de l’UNEF cris­tal­lisent ain­si la rup­ture consom­mée au sein de la gauche. Pour lut­ter contre le racisme, une par­tie d’entre elle s’est rap­pro­chée d’une droite favo­rable à un trai­te­ment égal des indi­vi­dus quelle que soit leur cou­leur de peau. L’autre a choi­si d’exacerber les appar­te­nances iden­ti­taires de cha­cun pour mieux impo­ser une vision du monde com­mu­nau­ta­riste, ins­pi­rée du modèle anglo-saxon.

Mal­gré un très faible taux de par­ti­ci­pa­tion aux élec­tions syn­di­cales étu­diantes de 7%, l’UNEF conserve une influence impor­tante dans le monde uni­ver­si­taire. Le syn­di­cat reçoit par ailleurs plus de 400 000€ de sub­ven­tions publiques annuelles, pour for­mer ses élus, argent qui sert en réa­li­té à prendre en charge des dépenses cou­rantes. Reste donc à savoir quelle ligne poli­tique l’emportera à l’université dans ce contexte de crise de la repré­sen­ta­tion étudiante.