Suspension sans préavis du vaccin AstraZeneca le lundi 15 mars et achat de cinq avions patrouilleurs américains le même jour, fermeture de la frontière avec la Moselle le mardi 2 mars, accaparement du savoir-faire de Dassault… Le couple franco-allemand s’étiole au profit de Berlin, tandis que Paris s’enfonce dans la soumission.

 

Les pro­messes de Ber­lin n’engagent que Paris qui les écoute. Mi-mars, l’Al­le­magne sus­pend le vac­cin anti-Covid Astra­Ze­ne­ca, sans pré­ve­nir la France. Les deux États avaient pour­tant conve­nu ensemble d’at­tendre un avis de l’A­gence euro­péenne des médi­ca­ments, mais Ber­lin perd patience ou n’en fait qu’à sa tête. La volte-face « prend de court » le gou­ver­ne­ment fran­çais, selon les sources de Fran­cein­fo. Dans l’heure qui suit, Paris est obli­gé de suivre « notre prin­ci­pal par­te­naire euro­péen » pour ne pas res­ter iso­lé.  « Il faut avoir confiance dans le vac­cin Astra­Ze­na­ca », disait encore pour­tant 24 heures plus tôt le Pre­mier ministre Jean Cas­tex sur Twitch, alors qu’une dou­zaine d’États euro­péens se méfiaient déjà du vac­cin anglo-sué­dois et avaient déjà sus­pen­du son utilisation.

La France, qui navigue à vue dans sa ges­tion de la crise sani­taire, accepte donc une humi­lia­tion de plus de la part de son voi­sin. Sachant que depuis le début du mois, les fron­ta­liers qui vivent en Moselle doivent se munir d’un test néga­tif et d’une décla­ra­tion élec­tro­nique pour se rendre en Alle­magne. Des règles qui ne s’appliquent pas dans l’autre sens, pour les Alle­mands sou­hai­tant entrer en France.

L’humiliation de la France à travers la pseudo-coopération militaire franco-allemande

L’in­dus­trie fran­çaise de l’ar­me­ment prend éga­le­ment du plomb dans l’aile à tra­vers une coopé­ra­tion très dés­équi­li­brée en faveur de l’Al­le­magne. MI-mars, Washing­ton auto­rise la vente à l’Al­le­magne de cinq avions de patrouille mari­time, pour 1,77 mil­liard de dol­lars. Ces Boeing 737 mili­ta­ri­sés concur­rencent les modèles du fran­çais Das­sault et de l’européen Air­bus. Leurs équi­pe­ments (GPS, radars, détec­teurs de mis­siles…) sont tous issus de l’industrie de défense américaine.

En 2018, la ministre de la Défense alle­mande de l’é­poque Ursu­la von der Leyen et son homo­logue Flo­rence Par­ly annon­çaient pour­tant leur inten­tion de créer ensemble un avion de patrouille mari­time, à tra­vers le pro­gramme MAWS, pour Mari­time Air­borne War­fare System.

Ce revers s’ajoute aux vives dis­cus­sions qui opposent Ber­lin et Paris dans leur pro­jet du SCAF, le Sys­tème de com­bat aérien du futur. Les Alle­mands réclament en effet à Das­sault de par­ta­ger les bre­vets de l’a­vion dont il a la maî­trise d’œuvre. La récente arri­vée de l’Espagne et la par­ti­ci­pa­tion d’Airbus brouillent encore davan­tage l’entente.

Le sursaut nécessaire de la France du Rafale

La France idéa­liste mais aus­si en manque de finan­ce­ments cherche à tout prix la coopé­ra­tion euro­péenne, c’est-à-dire d’abord avec l’Allemagne. Cepen­dant, celle-ci ne compte sur la France que pour lui arra­cher ses der­niers savoir-faire exclu­sifs et se per­mettre d’en­trer ensuite en concur­rence avec son ancien par­te­naire. En ce sens, la mise en garde d’Éric Trap­pier, Pré­sident-direc­teur géné­ral de Das­sault Avia­tion, est très claire. Pour lui, les bre­vets appar­tiennent à celui qui les crée, non à ceux qui les financent.

Éric Trap­pier admet que Das­sault serait « tech­ni­que­ment » capable de faire le SCAF seul. L’o­ri­gine du Rafale prouve bien que la France est capable d’as­su­rer elle-même son arme­ment. A la fin des années 1970, elle amor­çait le pro­jet d’un nou­vel avion de com­bat poly­va­lent avec l’Al­le­magne de l’Ouest, le Royaume-Uni, l’Es­pagne et l’I­ta­lie. Néan­moins, les diver­gences de besoins, notam­ment la capa­ci­té d’o­pé­rer depuis un porte-avions, ame­nèrent la France à se déso­li­da­ri­ser de ses par­te­naires en 1985. Elle déve­lop­pa donc le Rafale, tan­dis que les quatre autres États fina­li­sèrent l’Eu­ro­figh­ter Typhoon.

Berlin fait son retour en puissance devant Paris amorphe et soumis

Ber­lin ne cache pas son retour en puis­sance. En février 2021, 150 ans après l’humiliante défaite fran­çaise de 1870 et la pro­cla­ma­tion de l’Empire alle­mand en 1871, le gou­ver­ne­ment fédé­ral réno­vait à Ham­bourg la monu­men­tale sta­tue du chan­ce­lier du IIe Reich Bis­marck, haute de 34 mètres, pour un coût de 9 mil­lions d’euros. Dans le même temps en France, les poli­tiques comme Alexis Cor­bière ou Auré­lien Taché renient l’hé­ri­tage de Napo­léon Ier et refusent de célé­brer le bicen­te­naire de sa mort le 5 mai 2021.

Entre sa mau­vaise ges­tion de la crise sani­taire et sa sou­mis­sion face à l’Al­le­magne, la France emprunte la pente ver­ti­gi­neuse du déclas­se­ment. En réa­li­té, la France a encore bien des atouts à mettre en valeur… à condi­tion qu’elle ne les brade pas sur l’au­tel de la construc­tion euro­péenne.