Lundi 13 décembre, le pape François recevait la Conférence des évêques de France à Rome. Cette rencontre n’a rien d’inhabituel, mais le menu était chargé : rapport sur les abus sexuels dans l’Eglise et démission de Mgr Aupetit. Face aux difficultés rencontrées par l’Eglise en France, le souverain pontife adopte une attitude jugée mesurée par certains, douteuse par d’autres.

Depuis le Vati­can, les sou­cis de l’Eglise en France semblent dépas­ser le saint Père. Deux évé­ne­ments récents le mani­festent par­ti­cu­liè­re­ment. D’abord, la démis­sion de Mgr Aupe­tit qui déclare au Pari­sien le 14 décembre que le pape “ a un peu mélan­gé les élé­ments de l’histoire ». Les pro­pos de ce der­nier dans l’a­vion qui le rame­nait de Grèce le 6 décembre étaient en effet trou­blants. Autre point d’am­bi­guï­té : la sus­pen­sion de la réunion avec les membres de la Com­mis­sion indé­pen­dante pour les abus sexuels dans l’Eglise ini­tia­le­ment pré­vue le 9 décembre.  S’il est vrai que l’Eglise en France n’est pas la pre­mière pré­oc­cu­pa­tion du Vati­can, les déci­sions du saint Siège montrent qu’il ne dis­pose pas de tous les élé­ments. En témoignent les pro­pos tenus lors de la réunion du lun­di 13 décembre avec les membres de la CEF.

Des propos (d)étonnants sur l’affaire Aupetit 

Cette ren­contre a été l’occasion pour l’évêque de Rome de reve­nir sur la démis­sion de l’archevêque de Paris et de réaf­fir­mer sa tris­tesse à ce pro­pos : « Il nous a sim­ple­ment dit sa tris­tesse devant cette situa­tion et la déci­sion qu’il avait dû prendre », rap­porte Mgr de Mou­lins-Beau­fort. En effet, Mgr Aupe­tit a été contraint de pré­sen­ter sa démis­sion au Vati­can après une enquête à son sujet parue dans le Point le 22 novembre der­nier, enquête lais­sant sup­po­ser une liai­son fémi­nine datant de ses années de vicaire géné­ral. Mal­gré « toute son estime (…) pour l’action pas­to­rale de Mgr Aupe­tit », le pape n’a eu besoin que de 10 jours pour répondre à sa demande par l’affirmative. Lors de l’audience, il « a redit ce qu’il avait dit dans l’avion, à savoir qu’il avait pris cette déci­sion sur l’autel de l’hypocrisie et non pas de la véri­té parce qu’il esti­mait que le cli­mat qui avait été créé ne per­met­tait pas à Mgr Aupe­tit de gou­ver­ner le dio­cèse pai­si­ble­ment », rap­porte Mgr de Mou­lins-Beau­fort. Allant jusqu’à don­ner des détails des gestes qui pou­vaient avoir exis­té entre l’archevêque et la femme en ques­tion — de quoi créer un cer­tain malaise chez les fidèles -, le pape recon­naît donc que l’accusation por­tée contre son évêque est injuste. 

Mais de deux choses l’une. D’abord, s’il y a vrai­ment eu faute ou ambigüi­té de la part de l’archevêque, pour­quoi regret­ter sa démis­sion ? Et si au contraire, il est inno­cent, pour­quoi ne pas le défendre ? En outre, il est cer­tain que les détails échappent com­plè­te­ment au pape Fran­çois qui confond la secré­taire et la parois­sienne concer­née par l’affaire. 

Changement d’agenda pour la commission Sauvé

« Le Saint-Père nous a beau­coup encou­ra­gés, nous a beau­coup remer­ciés. Il a sou­li­gné la digni­té de notre atti­tude et de notre manière de prendre en compte le rap­port de la Ciase », a décla­ré Mgr Éric de Mou­lins-Beau­fort à la suite de son audience avec le pape. Ce rap­port choc com­man­dé par la CEF et publié le 5 octobre der­nier par la Ciase a donc été salué par le pape qui se montre satis­fait des déci­sions des évêques fran­çais. Pour­tant, une ana­lyse cri­tique du rap­port Sau­vé dif­fu­sée fin novembre par huit membres de l’Académie catho­lique de France parais­sait avoir frei­né le saint Père dans son enthou­siasme. En la rece­vant, il invi­tait la semaine der­nière à la « pru­dence » sur « l’interprétation » du rap­port Sau­vé, bien qu’il ne l’ait pas lu. La réunion avec les membres de la Ciase ini­tia­le­ment pré­vue le 9 décembre avait donc été suspendue.

Mais le saint Père n’en a tou­ché mot lors de son audience lun­di : « Le pape nous a dit […] qu’il sou­hai­tait tout d’abord nous entendre et s’est mon­tré tout à fait dis­po­nible sur le prin­cipe de rece­voir les membres de la Ciase. Reste main­te­nant à trou­ver la date oppor­tune », a décla­ré Mgr Éric de Mou­lins-Beau­fort à Rome. Le pape Fran­çois sou­haite vrai­sem­bla­ble­ment recueillir tous les avis avant de don­ner la marche à suivre… Les catho­liques n’ont plus qu’à espé­rer qu’elle sera ferme et sans appel quant à l’interprétation du rapport.