Le président de la Fédération nationale des chasseurs Willy Schraen a le sourire en ce samedi 8 janvier : Yannick Jadot est à peine crédité de 7% d’intention de vote aux présidentielles. Le candidat EELV joue un bras de fer avec le monde rural sur les questions liées à la chasse et à la mobilité, les vifs débats entre animalistes membres d’EELV et chasseurs sur les plateaux télé nous le rappellent quotidiennement.  Certains cadres du parti souhaiteraient toutefois tenter une réconciliation avec les habitants de la France des champs.

EELV en oppo­si­tion au monde rural ?

EELV a tou­jours eu du mal à com­mu­ni­quer avec le monde rural. Entre éco­lo­gistes et ruraux existent de nom­breux points de ten­sions au sujet de l’agriculture, de la voi­ture et bien sûr de la chasse. Yan­nick Jadot, can­di­dat des Verts aux pré­si­den­tielles, a expli­qué que durant son man­dat la chasse serait inter­dite durant le week-end et les vacances sco­laires. Les chas­seurs ont vive­ment pro­tes­té contre cette pro­po­si­tion, arguant que les pra­ti­quants régu­liers de la chasse sont sou­vent des Fran­çais de classe moyenne ne pou­vant se per­mettre de rater un jour de tra­vail pour aller chas­ser. Cette réponse brise la vision un brin cari­ca­tu­rale que EELV avait des chas­seurs. Un conseiller de Yan­nick Jadot confiait en effet aux équipes du Point que pour eux, ceux-ci étaient for­més uni­que­ment de cadres supé­rieurs, d’indépendants et de ren­tiers. Si on ne consi­dère que la chasse à courre, ce cli­ché peut se confir­mer : une sai­son de chasse coûte entre 1500€ et 150 000 €. Il faut ache­ter le che­val, assu­mer les soins vété­ri­naires, se pro­cu­rer une tenue, payer entre 300 € et 5000 € l’en­trée dans un équipage…

Mais cela ne concerne qu’une mino­ri­té de chas­seurs, la grande majo­ri­té pra­ti­quant la chasse dite « clas­sique ». EELV se situe donc très loin du réel. Il faut noter qu’en plus de son pro­gramme hos­tile aux chas­seurs, EELV ne se gêne pas pour les iden­ti­fier comme enne­mis de leur idéo­lo­gie. Rap­pe­lons-nous ces affiches de Julien Bayou en avril 2014, lors des élec­tions pour la pré­si­dence d’Ile de France : le can­di­dat y ciblait direc­te­ment les chas­seurs et les boo­mers en expli­quant que leurs votes aller faire pen­cher la balance en faveur de la LREM ou de LR. Si Julien Bayou avait rapi­de­ment fait machine arrière en expli­quant ne pas avoir été mis au cou­rant de l’existence de ces affiches, ce déra­page illus­trait bien la vision néga­tive que EELV avait et a tou­jours des chasseurs.

Outre la ques­tion épi­neuse de la chasse, celle de la mobi­li­té occupe aus­si les esprits. Les ruraux uti­lisent plus leurs voi­tures que les urbains, ce qui pour les cadres de EELV est une preuve d’ab­sence de conscience éco­lo­gique. Dif­fi­cile pour EELV de com­prendre que lorsqu’on habite en dehors des villes, la voi­ture est non seule­ment néces­saire mais vitale pour aller tra­vailler, se soi­gner et pour socia­bi­li­ser. La volon­té de l’équipe de Jadot d’aug­men­ter les prix à la pompe est per­çue comme un mépris total par les Fran­çais des champs, ce qui pour­rait ral­lu­mer les braises du mou­ve­ment des gilets jaunes.

Par-delà les clichés 

Mal­gré tout ces points de ten­sion entre EELV et les ruraux en rai­son de la vision cari­ca­tu­rale des conseillers de Jadot, une par­tie des cadres ral­liés à San­drine Rous­seau tentent d’in­ver­ser la ten­dance. Ces cadres pos­sèdent une sen­si­bi­li­té aux pro­blé­ma­tiques sociales que les équipes de Jadot n’ont pas. Pour eux, il faut com­prendre pour­quoi les ruraux uti­lisent la voi­ture et répondre à ce besoin. Ils pensent notam­ment qu’il est néces­saire de réha­bi­li­ter les petites gares pour per­mettre à tous de se mou­voir sans uti­li­ser la voi­ture. Cette idée a été ajou­tée au pro­gramme après la fusion des équipes Jadot et Rous­seau. Sur la ques­tion de la chasse, l’équipe Rous­seau est aus­si plus ouverte que celle de Jadot et l’i­dée serait sur­tout d’in­ter­dire les chasses dites cruelles comme la chasse à la glue et la chasse à courre. Ils se refusent à inter­dire tota­le­ment la chasse, San­drine Rous­seau disant à Libé­ra­tion qu’elle n’était pas contre si celle-ci est bien enca­drée… Après cette décla­ra­tion, l’équipe de la can­di­date s’est murée dans le silence pour toutes les ques­tions liées à la chasse. Ce silence nous oriente vers le cœur du pro­blème : et si le pro­blème ne venait pas des cadres mais des élec­teurs éco­lo­gistes ? D’après l’IFOP, 90% d’entre eux vivent dans les grandes villes, ce qui oblige le par­ti à se plier à cette majo­ri­té qui n’a jamais eu de contact avec la rura­li­té. Le tra­vail péda­go­gique doit donc cibler les mili­tants et élec­teurs éco­lo­gistes et non pas les cadres.

En fait, cette frac­ture entre EELV et le monde rural est aus­si celle qui existe entre le monde des villes et celui des champs, appa­ru en France à l’après-guerre ; avec l’exode rural, de plus en plus de Fran­çais ont per­du tout contact avec la cam­pagne. Ce contact qui à l’époque des grands parents pas­sait par un oncle, un frère ou un père agri­cul­teur a tota­le­ment dis­pa­ru dans notre France contem­po­raine. Cette frac­ture n’est donc pas seule­ment l’affaire de EELV mais bien celle de l’ensemble des Français.