L’annonce officielle de la candidature de Christiane Taubira dans la journée de samedi dernier, ainsi que le refus officiel d’Anne Hidalgo de se soumettre à une primaire ont démontré une fois de plus l’ampleur des divisions à gauche. Retour sur un week-end chaotique.
« Pour toutes ces exigences d’un gouvernement d’une grande démocratie, débarrassé de fantasmes monarchiques. Pour satisfaire toutes ces exigences, je suis candidate à la présidence de la République. » Dans un meeting en plein air, tenu dans le quartier de la Croix Rousse à Lyon, l’ancienne ministre de la Justice annonça officiellement sa candidature, emmitouflée dans une écharpe rose et une doudoune de couleur sombre. Sous les applaudissements de quelques centaines de militants, rassemblés dans un froid glacial, elle voulut se présenter comme la vraie candidate de gauche, à l’écoute des besoins des citoyens, en particulier des plus modestes et des opprimés. La Croix Rousse, symbole de la révolte des Canuts au XIXe siècle, est un lieu bien choisi pour faire passer ce message. Redéfinir le contenu du contrat social, lutter contre les inégalités en tous genres, protéger les salariés, ou encore assurer la transition écologique, Christiane Taubira présenta les grandes lignes d’un programme typiquement de gauche, que l’on saurait ne vraiment distinguer de celui de ses concurrents pour l’instant. Une déclaration de candidature attendue depuis déjà quelques semaines, qui ne crée aucun engouement à gauche, surtout chez la candidate du Parti socialiste, Anne Hidalgo.
« Une mauvaise nouvelle »
La candidate à 3 % ne put que faire un constat amer à propos de la candidature de l’ancienne ministre de la Justice. « C’est une candidature de plus, c’est une mauvaise nouvelle, […] cela crée de la confusion », regretta-t-elle sur BFMTV, renonçant ainsi au discours en faveur de l’union de la gauche, dont elle fut pourtant le défenseur acharné en décembre. L’entrée en campagne de Christiane Taubira ne présage rien de bon pour la candidate socialiste, qui a désormais face à elle une candidate plutôt populaire dans son camp, du moins chez certains militants. L’équipe de Christiane Taubira n’est pourtant pas très fournie en personnalités politiques. Parmi les soutiens d’élus, on trouve Renaud Payre, élu de la mairie de Lyon, et Olivia Fortin, adjointe au maire de la mairie de Marseille, des personnalités de second plan. Le défi pour la nouvelle candidate est de convaincre qu’elle est la seule à répondre aux aspirations de ses militants et sympathisants. Si elle y parvenait, elle mettrait la maire de Paris en danger. Toutefois, il y a du travail. Elle n’est pas seule à gauche, et doit faire face à d’autres candidats de plus grande envergure, en particulier Jean-Luc Mélenchon, dont le meeting à Nantes hier après-midi, rassembla plusieurs milliers de personnes, et qui montra une fois de plus que le candidat de La France Insoumise était encore bien établi.
Mélenchon : le refus de l’union
Dans une salle gigantesque, devant des centaines de militants exaltés, le candidat de la France Insoumise fustigea l’absence de sérieux de la gauche, et rappela sa détermination à mener sa campagne jusqu’au bout. « Nous ne sommes pas concernés pas les mésaventures du centre-gauche. Nous n’irons pas nous disputer avec eux, parce que nous ne sommes pas concernés par la compétition entre le Parti radical de gauche de Mme Taubira, et le Parti socialiste de Mme Hidalgo. » Dans un meeting à 360 degrés, et une salle avec des écrans géants, immergeant les participants dans l’ambiance correspondant aux thématiques abordées, Jean-Luc Mélenchon fit fureur. Surtout, il parvint à montrer qu’il avait encore de la vigueur. Politique étrangère, environnement, énergies, ou encore politique de l’espace, le candidat insoumis montra sa capacité à présenter un programme large, ambitieux et innovant, en promouvant par exemple la fondation d’une université spatiale francophone, afin d’unifier les savoirs de nombreux pays. Nous sommes loin des revendications d’Hidalgo sur la sanctuarisation de la retraite à 62 ans, idée dont Mélenchon ne manqua point de se moquer, ou encore des 800 € mensuels de salaire minimum proposés par Christiane Taubira à chaque étudiant. Jean-Luc Mélenchon a l’art d’enthousiasmer ses militants, jeunes et moins jeunes. Ce succès du candidat insoumis inquiète les organisateurs de la Primaire populaire, qui paraissent de moins en moins sûrs d’eux-mêmes.
Une primaire populaire en berne
Le projet de Samuel Grysbowski avait du plomb dans l’aile dès le départ, et n’est toujours pas près de décoller. Le premier tour de la primaire populaire, prévu le 27 janvier, doit choisir un candidat, parmi les sept parrainés par les militants. Parmi ceux qui sont sélectionnés, trois ont déjà refusé d’y prendre part : Jean-Luc Mélenchon, Jannick Jadot et Anne Hidalgo. Cette primaire, qui avait pour projet d’unir la gauche, pourrait à l’inverse contribuer à la diviser davantage si elle choisissait un autre candidat que ceux déjà lancés dans la présidentielle. Au total, cela ferait huit candidats, au lieu de sept aujourd’hui. À l’heure actuelle, les organisateurs revendiquent 250 000 inscrits. Si Christiane Taubira – parrainée aussi par cette primaire – n’est pas choisie, renoncera-t-elle à être candidate ? Pour l’instant, elle semble bien déterminée à aller jusqu’au bout. Peut-être sent elle le vent tourner en sa faveur ? Si toutefois la primaire la choisissait, son socle électoral s’élargirait sûrement, et des soutiens pourraient venir s’agréger autour d’elle. De quoi affaiblir encore un peu plus Anne Hidalgo. Il reste quelques jours à Christiane Taubira pour convaincre les militants de la primaire populaire. Sinon, elle fera cavalier seul, sans parti.