Le 6 mars 2012, le Quai d’Orsay prenait la décision de rompre ses relations avec la Syrie. La France ferma son ambassade à Damas et ne reprit jamais ses quartiers dans la résidence du Djissere. Retour sur dix ans de relations tumultueuses.
« On discute avec les gens avec qui on n’est pas d’accord, ça sert à ça la diplomatie », résume Alexandre Goordazy, directeur adjoint des opérations pour l’ONG SOS Chrétiens d’Orient. Cet homme de 37 ans, au parcours déjà bien rempli, appelle de ses vœux « la réouverture de l’ambassade et la reprise d’un dialogue avec la Syrie ». C’est lui qui ouvre, en juin 2015, la mission de l’association en Syrie. Il y passera cinq ans, jusqu’à son enlèvement par des miliciens chiites. Début 2020, Alexandre et trois de ses collègues sont enlevés à Bagdad. Le calvaire dure 66 jours. Libéré grâce au covid, Alexandre rentre en France et y reste.
Depuis déjà dix ans, la France n’est plus présente en Syrie. Nicolas Sarkozy prit cette décision en réaction à la politique de Bachar el-Assad, ce qui ferma la voie à tout dialogue possible avec le pouvoir syrien. Malgré trois présidents différents, la position française ne bouge pas d’un iota. Tous considèrent que le dirigeant syrien est le principal responsable du conflit en cours.
« Ce régime doit partir »
« Ce régime doit partir », dit Nicolas Sarkozy en mars 2012 après la mort de Rémi Ochlik, photo-reporter français de 28 ans, dans un bombardement à Homs. Son mandat se termine et François Hollande prend le relais.
Le 29 mai 2012, à peine président, François Hollande n’exclut pas une intervention armée de la France en Syrie « à condition, dit-il, qu’elle se fasse dans le respect du droit international, c’est-à-dire par une délibération du Conseil de sécurité ». Ses propos ne sont suivis d’aucun acte. En réponse à l’attaque au gaz sarin du 21 août 2013, le chef de l’exécutif annonce, six jours plus tard, « chercher la réponse la plus appropriée aux exactions du régime syrien ». « La France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents », avertit le président français. Il ne se passera rien.
Il faut attendre le 27 septembre 2015 pour que la France entre dans le conflit, par le biais de l’opération Chammal. Les frappes aériennes visent les troupes et les différents bastions de l’État islamique. Elles se poursuivent jusqu’en 2019 et la perte de contrôle par Daech de ses territoires en Irak et en Syrie.
Une inflexion de la position française
À son arrivée au pouvoir, en mai 2017, Emmanuel Macron reprend la ligne rouge tracée par Barack Obama quelques années plus tôt : « toute utilisation d’armes chimiques fera l’objet de représailles et d’une riposte immédiate de la part des Français. » Il ne se passera, de nouveau, rien. Quelques mois plus tard, en septembre, il déclare : « Bachar el-Assad est un criminel, il devra être jugé et répondre de ses crimes devant la justice internationale. Mais je n’ai pas fait de sa destitution un préalable, par pragmatisme. »
Cette dernière déclaration tranche avec ses deux prédécesseurs, qui faisaient du départ de Bachar une condition sine qua non. Cette légère inflexion du pouvoir français aurait pu laisser espérer une reprise du dialogue entre les deux pays. Le 15 mars 2021, le président réaffirme, que la France reste aux côtés des Syriens pour « trouver enfin une solution politique, la seule possible ».
Une relation plus que séculaire
Dix ans après la rupture franco-syrienne, la situation semble toujours sans issue. Pourtant, la France occupe une place particulière au Proche-Orient. Depuis Louis IX et la charte de 1250, elle est régulièrement intervenue pour porter secours aux chrétiens d’Orient. Pour l’historien Jean-Louis Thiérot, cette protection instaurée par le roi est même « un marqueur essentiel de la diplomatie française ». Cette protection traverse les siècles et les régimes, y compris la laïque Troisième république. Aussi, l’entêtement de l’Elysée sur le sujet paraît d’autant plus incompréhensible.