Une semaine après que le Premier ministre a renoncé à demander la confiance aux députés, l’intergroupe de la Nupes a vu sa motion de censure rejetée. C’était l’occasion pour la coalition de gauche d’opérer un coup de com’ et de donner le ton à la nouvelle législature, pourtant à peine entamée.

Les dépu­tés de la Nupes ne s’attendaient sans doute pas à ce que leur texte fût adop­té. Pour cela, il leur aurait fal­lu réunir la majo­ri­té abso­lue, soit plus de 289 votes. Or, elle n’en a réuni que 146. Para­doxe, six dépu­tés socia­listes ont man­qué à l’appel et Nico­las Dupont-Aignan a voté le texte. Inter­ro­gés sur leur volon­té de faire tom­ber le gou­ver­ne­ment, le pré­sident du groupe PS à l’Assemblée Oli­vier Faure a reje­té toute vel­léi­té de désta­bi­li­ser les ins­ti­tu­tions : « Ce que nous disons, c’est qu’il n’y a à l’Assemblée aucun groupe majo­ri­taire, il n’y a que des groupes mino­ri­taires », a‑t-il dit en repro­chant « aux regards de la Macro­nie » de ne se tour­ner que sur sa « droite », voire de « recher­cher les com­plai­sances de l’extrême-droite ». Le repré­sen­tant du groupe socia­liste a tou­te­fois ouvert la porte à la coopé­ra­tion : « Si elle [Eli­sa­beth Borne, NDLR] est prête à faire en sorte que tous les efforts qui sont faits ne soient pas com­pen­sés par des pertes de salaires dif­fé­rés, […] eh bien, nous sommes prêts à dis­cu­ter », a‑t-il pour­sui­vi en déplo­rant que pour l’instant, « on reste sur une poli­tique ultra-libé­rale ». Ce dis­cours en appa­rence modé­ré cache mal le suc­cès d’Olivier Faure auprès des Insou­mis, qui ont l’ont ova­tion­né à plu­sieurs reprises lors de son dis­cours, très offen­sif à l’égard du gou­ver­ne­ment. En fin de compte, il n’y a pas que la France insou­mise qui aura pro­fi­té de cette motion.

Accuser, fustiger

Le dis­cours le plus reven­di­ca­tif dans l’hémicycle a été tenu par le chef de file des Insou­mis, Mathilde Panot, dont la tour­nure res­sem­blait beau­coup à celles de Jean-Luc Mélen­chon : « Votre arro­gance vous empêche toute forme de désa­veu, cette même arro­gance est à l’origine de votre débâcle », a‑t-elle dénon­cé, en insis­tant sur la défaite du par­ti pré­si­den­tiel lors des der­nières légis­la­tives et son absence de majo­ri­té à l’Assemblée. Elle a ensuite fus­ti­gé la ligne « ultra­li­bé­rale » du gou­ver­ne­ment et l’hypocrisie d’Elisabeth Borne lorsqu’elle parle de com­pro­mis, un mot men­tion­né cinq fois dans son dis­cours de poli­tique géné­rale. « Ceux qui ne vote­ront pas cette motion seront les par­ti­sans de votre poli­tique pour les riches et du RSA condi­tion­né à des heures d’activité gra­tuite », a‑t-elle scan­dé. Un moyen facile pour accu­ser les oppo­si­tions, toute ten­dance confon­due – y com­pris le RN – de coopé­rer avec le gou­ver­ne­ment. Par cette motion de cen­sure, la Nupes, via la voix de la France insou­mise, désire s’af­fir­mer comme le seul mou­ve­ment d’opposition par­le­men­taire et le seul à se pré­oc­cu­per des plus modestes.

Un Premier ministre offensif

Si le dis­cours de poli­tique géné­rale d’Elisabeth Borne res­sem­blait à un cata­logue de mesures tech­no­cra­tiques, celui d’hier après-midi était déjà plus offen­sif. Le Pre­mier ministre a sur­tout poin­té l’absence de bonne volon­té de la Nupes : « Aujourd’hui, Mes­dames et Mes­sieurs les dépu­tés, nous pour­rions être en train d’agir pour les Fran­çais. Au lieu de cela, nous débat­tons d’une motion de cen­sure cou­sue de pro­cès d’intention, qui fait obs­tacle au tra­vail par­le­men­taire et, de ce fait, à la volon­té des Fran­çais », a‑t-elle regret­té. « L’avenir en com­mun [nom du pro­gramme de Jean-Luc Mélen­chon] a été rem­pla­cé par l’invective en com­mun. La motion de pos­ture a rem­pla­cé la motion de cen­sure », a‑t-elle enchaî­né sur un ton plein d’assurance. Ses expres­sions étaient, elles aus­si, bien choi­sies. Elle n’a pas non plus man­qué de remettre la France insou­mise à sa place, en rap­pe­lant qu’elle avait bel et bien per­du et les pré­si­den­tielles et les légis­la­tives. Après avoir ensuite appe­lé les oppo­si­tions à refu­ser la motion de cen­sure, elle a indi­qué que sa porte était ouverte pour des dis­cus­sions : « Je ne renon­ce­rai pas à vous écou­ter et à cher­cher ce qui pour­rait nous ras­sem­bler », s’est-elle engagée.

L’ambiance de ce début de quin­quen­nat paraît déjà bien ins­tal­lée et il n’est pas cer­tain que le ton baisse d’ici les pro­chains mois.