REPORTAGE — Les Arméniens de France manifestaient mardi 24 janvier à Paris, devant l’Assemblée nationale, pour dénoncer le blocage du couloir de Latchin qui relie la République d’Arménie à la République autoproclamée d’Artsakh.

Ils sont quelques cen­taines à s’être regrou­pés mal­gré le froid sur la petite place Her­riot, à côté de l’Assemblée natio­nale, ce mar­di 24 jan­vier. Quelques dra­peaux aux cou­leurs de l’Arménie et du Haut-Kara­bagh flottent ou reposent sur les épaules des mani­fes­tants. Tous dénoncent le blo­cus orga­ni­sé par l’Azerbaïdjan du cor­ri­dor de Lat­chin, cette bande de terre qui relie l’enclave du Haut-Kara­bagh à l’Arménie. Orga­ni­sée par le CCAF (Conseil natio­nal des Conseils de coor­di­na­tion des orga­ni­sa­tions Armé­niennes de France), la mani­fes­ta­tion mobi­lise des armé­niens, mais aus­si des fran­çais soli­daires, dont des élus.

Actuel­le­ment, 120.000 habi­tants sont tou­jours cou­pés du reste du monde, par­mi les­quels 30.000 enfants empê­chés d’aller à l’école et 20.000 per­sonnes âgées. Pri­vés de gaz et d’électricité, sou­mis à un ration­ne­ment dras­tique, les Armé­niens de l’Artsakh sur­vivent. Seuls passent les camions de la Croix Rouge. Marie est petite fille d’un res­ca­pé du géno­cide armé­nien. “Je trouve cela incroyable qu’à quelques heures d’avion de Paris, on laisse une popu­la­tion se faire affa­mer, assoif­fer, assas­si­ner. Ce sont 120.000 per­sonnes qui ne demandent rien d’autre que le droit de vivre sur leurs terres”, explique-t-elle à l’Info déchaî­née. “Je me bat­trai de toutes mes forces contre un second géno­cide, car c’est ce vers quoi nous nous diri­geons. D’ailleurs, Erdo­gan et Aliev ne s’en cachent pas”, pour­suit-t-elle. 

Michael est né en Armé­nie, à l’époque sous le joug sovié­tique. Il est arri­vé en France il y a 60 ans. “Mes parents sont des res­ca­pés du géno­cide, tout ce qui touche à l’Arménie me concerne au pre­mier degré”, explique-t-il à l’Info Déchaînée. 

L’Arménie toute entière menacée d’effacement 

Sur le pro­mon­toire dres­sé pour l’oc­ca­sion, plu­sieurs élus de tous bords poli­tiques sont pré­sents pour accom­pa­gner les pré­si­dents du CCAF, Mou­rad Papa­zian et Ara Tora­nian. “Nous serons ici mar­di pro­chain et tous les mar­dis sui­vants s’il le faut, notre mobi­li­sa­tion ne ces­se­ra pas tant que le blo­cus n’est pas levé”, mar­tèle Sarah Tan­zilli, dépu­tée LREM de la 13ème cir­cons­crip­tion du Rhône. Patrick Kan­ner, séna­teur PS du Nord, s’insurge quant à lui de l’indifférence géné­rale avec laquelle les Armé­niens du Haut Kara­bagh sont trai­tés. “Le sort des Armé­niens vaut-il moins que le sort des Ukrai­niens ?”, demande-t-il à la foule, sous les applaudissements. 

Si le blo­cus du Haut-Kara­bagh est la prio­ri­té, le sort de l’Arménie toute entière est concer­né, comme en témoignent les dif­fé­rentes prises de parole des ora­teurs. Les attaques directes de l’Azerbaïdjan sur le ter­ri­toire de la Répu­blique d’Arménie, en sep­tembre 2022, ont rap­pe­lé, si cela était néces­saire, que les inten­tions bel­li­queuses de Bakou ne se limitent pas au seul Haut-Karabagh. 

Une timide réponse de la communauté internationale

Face à la menace que repré­sente Bakou, “la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale semble se réveiller”, selon Mou­rad Papa­zian. Récem­ment, Anto­ny Blin­ken a appe­lé le pré­sident azé­ri Aliev pour lui deman­der de ces­ser le blo­cus. L’Union Euro­péenne a déci­dé, de son côté, de l’envoi d’une mis­sion d’observation sur place. Quant à la France, Emma­nuel Macron rece­vait la veille de la mani­fes­ta­tion les deux pré­si­dents du CCAF, Mou­rad Papa­zian et Ara Tora­nian, en com­pa­gnie de Syl­vain Tes­son et Jean-Chris­tophe Buis­son. La France, selon les dépu­tés pré­sents sur scène, joue tant bien que mal son rôle diplo­ma­tique pour extir­per l’Arménie de l’étau tur­co-azé­ri, au sein d’une UE majo­ri­tai­re­ment dépen­dante du gaz pro­ve­nant de Bakou. Pour Michael, les rela­tions fran­co-armé­niennes demeurent pri­mor­diales : “elles remontent aux croi­sades, et même avant”, sou­rit-il. 

Mais pour beau­coup, la porte de sor­tie à ce conflit est la recon­nais­sance offi­cielle de la Répu­blique auto-pro­cla­mée d’Artsakh par la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale. Une reven­di­ca­tion réité­rée mar­di, mais qui, pour le moment, ne trouve pas d’écho. Ni en France, ni ailleurs.