En Egypte, les chrétiens en carême et les musulmans en ramadan vivent le même temps de jeûne, de prière et de charité. Au-delà de la religion, le sentiment national égyptien aide à surmonter les difficultés économiques.
Les chrétiens d’Egypte entrent ce dimanche 9 avril dans la semaine sainte, alors que les chrétiens d’Occident fêtent déjà Pâques. Cette différence de date s’explique par le calendrier suivi : julien pour les premiers, grégorien pour les seconds.
Des églises remplies de fidèles
Ce temps très particulier chargé d’offices permet de revivre les derniers jours de la vie de Jésus Christ sur Terre. Les célébrations commencent le dimanche des Rameaux. Les fidèles se rassemblent avec des rameaux d’olivier et des palmes tressées pour rappeler l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem.
Le jeudi saint, l’Eglise commémore le dernier repas du Christ, la Cène, puis le vendredi saint sa passion et sa mort. Lors de la veillée pascale du samedi saint, les chrétiens célèbrent la résurrection du Christ. Les églises sont pleines et les paroisses qui le peuvent aménagent des espaces de prières supplémentaires.
Le grand carême pour préparer Pâques
Le temps de préparation à Pâques, la plus grande fête chrétienne, s’appelle ici grand carême, et ce n’est pas par hasard. En effet, les coptes ont quatre autres périodes de jeûne, dont une avant Noël par exemple. Mais le grand carême se distingue des autres par sa longue durée : cinquante-cinq jours, comprenant une semaine de préparation, les quarante jours de Jésus au désert, et la semaine sainte.
De plus, les règles du jeûne y sont plus strictes : abstinence totale de viande, de poisson, et de tout produit d’origine animale. L’Eglise copte demande également de ne prendre qu’un seul repas par jour, de préférence l’après-midi.
Le père Abraham Malak, prêtre dans la paroisse Saint Athanase située dans un quartier populaire d’Alexandrie, précise que cette dernière règle n’est pas obligatoires, mais recommandable : « Nous sommes tous membres de l’Eglise, le Corps de Jésus. Il n’est pas bon qu’un membre fasse différemment que les autres. »
Jeûne, prière, charité
Le carême n’est pas qu’une affaire de jeûne, mais il inclut aussi des efforts sur la prière personnelle, la charité, et l’attention à son prochain. « Puisque nous nous privons de nourriture, nous ressentons davantage les difficultés que vivent les plus pauvres », explique Abouna Abraham.
Un temps de fraternité partagé avec les musulmans en ramadan
Le temps du carême coïncide avec celui du ramadan pour les musulmans, cette année du 23 mars au 22 avril. « C’est une bonne opportunité pour nous rapprocher, se réjouit Abouna Abraham. Nous jeûnons ensemble, nous prions, ils prient, nous faisons des donations, eux aussi. »
Les internautes ne manquent d’ailleurs pas de plaisanter avec ce temps de jeûne commun. Les vidéos et les mèmes abondent sur les réseaux sociaux, montrant par exemple un jeune copte qui boit de l’eau en narguant son ami musulman, et celui-ci se rattrape dès le coucher de soleil en mangeant devant lui un gros morceau de viande.
Le temps de l’iftar, la rupture du jeûne, permet de beaux moments de fraternité. Les musulmans invitent les chrétiens qui partagent leur repas à l’exception bien sûr des produits d’origine animale. Le plat phare de la cuisine égyptienne qui les réunit le mieux, c’est le foul, les fèves, qui rassasie longtemps et qui est très bon marché.
Un temps d’espérance malgré les difficultés économiques
Avec les lumières dans les rues, les pâtisseries et les sériés télévisées propres, l’ambiance festive et conviviale, Abouna Abraham confie qu’il aime beaucoup le ramadan. Mais au-delà de la religion, « nous sommes d’abord égyptiens, puis musulmans et chrétiens. Pas l’inverse. Même si nous traversons des périodes difficiles, l’important est d’avancer ensemble. »
Les chrétiens, comme tous les Égyptiens, souffrent de la mauvaise situation économique du pays : la dévaluation de la livre égyptienne, la hausse des prix des produits de première nécessité, le chômage et les bas salaires. L’Eglise se démène pour aider les pauvres de plus en plus nombreux. La paroisse Saint Athanase dont dépendent environ 7000 familles, offre ainsi un centre éducatif, une crèche, une maison de retraite et un hôpital ouverts à tous, quelle que soit la confession.