Selon l’O­NU, 2020 s’an­nonce comme l’une des trois années les plus chaudes jamais enre­gis­trées. Il y a un risque que la hausse du mer­cure dépasse les 1,5°C d’i­ci à 2024. Ven­dre­di der­nier, Emma­nuel Macron réunis­sait à l’E­ly­sée un Conseil de défense éco­lo­gique pour pro­cé­der à des “arbi­trages” sur les pro­po­si­tions de la Conven­tion citoyenne sur le cli­mat. Voi­ci quatre mois, le pré­sident annon­çait qu’il en repren­drait 146 de ses 149 mesures. Qu’en est-il aujourd’­hui ? Si le par­ti éco­lo­giste se livre à une sorte de chan­tage per­ma­nent, l’exé­cu­tif n’en­tend pas y céder. Et des conten­tieux subsistent.

L’é­co­lo­gie oui mais pas au détri­ment de l’é­co­no­mie. Plu­sieurs élé­ments montrent que le pré­sident de la Répu­blique joue les équi­li­bristes : don­ner des gages sans s’en­ga­ger. Ména­ger les éco­los mais pas démé­na­ger chez eux.

Le gly­pho­sate

On garde tous en mémoire le tweet de novembre 2017. Le pré­sident de la Répu­blique y annon­çait la mesure sui­vante : “J’ai deman­dé au gou­ver­ne­ment de prendre les dis­po­si­tions néces­saires pour que l’utilisation du gly­pho­sate soit inter­dite en France dès que des alter­na­tives auront été trou­vées, et au plus tard dans 3 ans.” 2019, chan­ge­ment de dis­cours : Emma­nuel Macron expli­quait que l’in­ter­dic­tion “à 100%” n’é­tait pas pos­sible en si peu de temps. On ne pou­vait prendre le risque de péna­li­ser le monde agri­cole sans pro­po­ser d’autres solu­tions que le glyphosate.

Emma­nuel Macron veut ain­si plai­der à Bruxelles pour un enga­ge­ment euro­péen à sor­tir du gly­pho­sate. Objec­tif qu’il lui sera dif­fi­cile d’at­teindre si ses voi­sins ne font pas de même. En effet, il y a trois ans, la France s’engageait à renon­cer à l’es­sen­tiel des usages du gly­pho­sate en 2021 avant une inter­dic­tion totale en 2023 mais, c’était sans pen­ser que cela reve­nait à se tirer une balle dans le pied. Sans aban­don­ner son pro­jet le gou­ver­ne­ment va tout de même déblo­quer une enve­loppe de 7 mil­lions d’eu­ros pour accé­lé­rer la recherche sur d’autres her­bi­cides à base de glyphosate.

Les néo­ni­co­ti­noïdes

Cette sub­stance était inter­dite depuis 2016. Pata­tra ! Début novembre, le Par­le­ment auto­ri­sait, via un ultime vote du Sénat, le retour tem­po­raire des néo­ni­co­ti­noïdes, insec­ti­cides accu­sés de tuer les abeilles, pour sau­ver la filière bet­te­rave. Un texte “dif­fi­cile”, de l’a­veu du gou­ver­ne­ment, dénon­cé à gauche comme un “recul envi­ron­ne­men­tal” mais qui n’en est pas un pour notre éco­no­mie. Le pro­jet de loi auto­rise, à titre déro­ga­toire, les pro­duc­teurs de bet­te­raves à sucre à uti­li­ser jus­qu’en 2023 des semences trai­tées avec ce genre de pes­ti­cides. Pour la filière, qui repré­sente près de 46.000 emplois, il y a urgence : les déro­ga­tions devraient en effet être effec­tives au plus tard ce mois-ci, pour lais­ser le temps aux indus­triels de pro­duire les semences néces­saires au semis de mars. En cause, un puce­ron vert qui trans­met à la bet­te­rave la jau­nisse, une mala­die qui affai­blit la plante, condui­sant à une perte impor­tante de ren­de­ment. Les bet­te­ra­viers sont una­nimes dans la défense de ce pro­duit pour leurs récoltes : sans les NNI les dégâts au sein de la filière seront consi­dé­rables avec 30 à 40% de perte dans cer­taines régions tan­dis que, du côté des api­cul­teurs, la pro­duc­tion euro­péenne de miel n’a pas bais­sé depuis 1960 contrai­re­ment à ce qui avait été avan­cé en 2016 en faveur de l’interdiction des néonicotinoïdes.

Un délit n’est pas un crime

La semaine der­nière, le gou­ver­ne­ment annon­çait la mise en place d’un “délit d’é­co­cide”, ini­tia­tive accueillie avec cir­cons­pec­tion par les citoyens de la Conven­tion cli­mat et les défen­seurs de l’en­vi­ron­ne­ment, cer­tains dénon­çant un renon­ce­ment. En juin, Emma­nuel Macron avait pro­mis de créer un “crime d’é­co­cide”, et de mili­ter pour son ins­crip­tion en droit inter­na­tio­nal. Alors avan­cée ou reculade ?
“Enter­re­ment du crime d’é­co­cide (…) mais créa­tion très inté­res­sante de deux nou­veaux délits envi­ron­ne­men­taux”, réagis­sait sur Twit­ter l’a­vo­cat spé­cia­li­sé Arnaud Gos­se­ment. “Je suis déçu. On n’est mani­fes­te­ment pas sur l’é­co­cide, on est sur un délit de pol­lu­tion”, regrette Guy Kulit­za, un “citoyen” par­ti­cu­liè­re­ment inves­ti dans cette cause, inter­ro­gé par l’AFP. “Le gou­ver­ne­ment a tout sim­ple­ment col­lé le mot éco­cide sur sa pro­po­si­tion de délit géné­ral de pol­lu­tion”, ren­ché­rit Marine Cal­met, juriste et pré­si­dente de l’as­so­cia­tion Wild Legal. Côté éco­lo, on craint qu’une telle défi­ni­tion, a mini­ma en droit fran­çais, “donne un très mau­vais signal” dans le cadre de la cam­pagne pro­mise par le chef de l’E­tat pour faire entrer la notion d’é­co­cide en droit international.

Fes­sen­heim

Autre dos­sier sen­sible : la fer­me­ture de la cen­trale nucléaire de Fes­sen­heim (Alsace). EDF va rece­voir de l’État 377 mil­lions d’euros pour la mener à bien. Mais dans le même temps, la France va relan­cer des cen­trales à char­bon pour com­pen­ser la perte en élec­tri­ci­té. La ministre de la Tran­si­tion éco­lo­gique Bar­ba­ra Pom­pi­li aver­tis­sait mi-novembre que des “cou­pures très courtes” d’élec­tri­ci­té pour­raient avoir lieu cet hiver en cas de “grosses vagues de froid”. La droite accu­sa l’exé­cu­tif de s’être pré­ci­pi­té. Le chef de file des dépu­tés LR Damien Abad vit “une démons­tra­tion fla­grante d’in­co­hé­rence et d’a­ma­teu­risme”. “Après avoir fer­mé (la cen­trale nucléaire de) Fes­sen­heim, alors que Fla­man­ville est en tra­vaux, le gou­ver­ne­ment annonce tran­quille­ment de pos­sibles cou­pures d’élec­tri­ci­té cet hiver ! La tiers-mon­di­sa­tion de la France est bien en marche”, rele­vait-il dans un tweet. Le dépu­té LR du Haut-Rhin Raphaël Schel­len­ber­ger esti­mait que la “res­pon­sa­bi­li­té du gou­ver­ne­ment était immense”.En fer­mant Fes­sen­heim par idéo­lo­gie, En Marche a expo­sé notre pays à des cou­pures d’élec­tri­ci­té. C’est indigne de la France”, twee­tait-il de son côté.

Plan de relance

Face à ce qui parait pour cer­tains être des recu­lades, l’exé­cu­tif fait valoir son plan de relance : 100 mil­liards d’eu­ros. Il por­te­ra pour 30 mil­liards sur des mesures en faveur de la  tran­si­tion éco­lo­gique et repren­dra 20 % des pro­po­si­tions de la Conven­tion, en par­ti­cu­lier les aides à la réno­va­tion éner­gé­tique des bâti­ments. “Un vrai virage vert”, selon un conseiller.

L’a­gen­da éco­lo­gique du chef de l’E­tat est éga­le­ment inter­na­tio­nal. La France pré­pare la célé­bra­tion des cinq ans de l’Ac­cord de Paris sur le cli­mat avec un som­met orga­ni­sé avec la Grande-Bre­tagne et l’O­NU au cours duquel les Etats seront invi­tés à rele­ver leurs ambi­tions de réduc­tion des émis­sions. La France compte s’ins­crire dans l’ob­jec­tif de l’U­nion euro­péenne d’at­teindre d’i­ci à 2030 une réduc­tion de 55 % de ses émis­sions par rap­port à 1990. Paris espère que cet objec­tif sera acté lors du som­met euro­péen des 10 et 11 décembre.