Face à la colère que soulève la réforme des retraites, le gouvernement d’Élisabeth Borne s’est trouvé un nouvel allié : l’article 47–1 de la Constitution. Dans un contexte politique et social tendu, pourquoi le gouvernement utiliserait-il cet article ?
La plus que controversée réforme des retraites, en faisant passer l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans, a fait aussi descendre dans la rue plus de 1 million de manifestants Sur les bancs de l’Assemblée nationale, les députés font face aux 68 % de Français hostiles à ce projet de loi, ce qui rend son adoption délicate et périlleuse quand il faut revenir se faire élire ensuite dans sa circonscription.
L’article 47–1
Pour changer l’âge légal de départ à la retraite, le gouvernement a choisi un véhicule législatif particulier : un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale (PLFRSS). Cela n’est pas sans importance, car une loi qui change le fonctionnement de la Sécurité sociale est une loi budgétaire. Comme cette loi touche au budget de l’État, celle-ci ne peut, et ne doit pas être bloquée. Cela est prévu par… l’article 47–1 de la Constitution de la Ve république.
Cette loi sera présentée dans un premier temps à l’Assemblée nationale. Mais, grâce à l’article 47–1, le projet de loi ne pas pourra être débattu plus vingt jours au Palais Bourbon. Le véhicule législatif budgétaire s’explique : initialement, la Nupes annonçait vouloir déposer quelque 1000 amendements par député, pour que le mouvement social autour des syndicats se développe et prenne de l’ampleur. C’était sans compter l’impératif de temps qu’impose l’article 47–1.
Si la réforme n’est pas votée, ou si elle est rejetée au bout de 20 jours, elle passera dans un second temps au Sénat. C’est un autre bon point pour le gouvernement de Mme Borne : le Sénat majoritairement à droite est nettement plus favorable à la réforme des retraites. Mais, comme pour l’Assemblée nationale, le Sénat a une limite de temps pour débattre du texte et celui-ci est encore plus court : quinze jours seulement. Si la chambre haute déborde, alors le projet de loi devra être examiné par une commission mixte paritaire (CMP).
Ce troisième temps réunit des députés et des sénateurs qui devront trouver un compromis à présenter à l’Assemblée nationale. Celui-ci sera de nouveau débattu. Il y aura un temps de 15 jours pour être accepté ou rejeté. Une fois la limite dépassée, la loi sera directement adoptée par motion sans l’accord des députés.
Les avantages de cet article
Il y a plusieurs avantages à utiliser cet article. Tout d’abord, il évite une nouvelle utilisation du 49.3, déjà utilisé à de nombreuses reprises par l’Élisabeth Borne. Ce coup de force institutionnel donne une image antidémocratique au gouvernement d’Emmanuel Macron. De plus, l’article 47–1 ne peut pas être l’objet d’une motion de censure, ce qui pourrait être le cas au vu de l’impopularité du projet. Et si une motion était votée par les députés, cela pousserait le Premier ministre à la démission. Enfin, cet article et son impératif de délai siéent bien à la composition de l’Assemblée française, où les deux extrêmes de l’hémicycle (RN et NUPES) ne s’accordent que très rarement sur un vote commun, où le groupe Renaissance fait du pied aux Républicains attachés à leur indépendance.