Saint Exupéry donne la parole, dans cet ouvrage posthume, à un seigneur berbère, sans doute un lointain cousin du Petit Prince. porte les méditations personnelles et spirituelles de l’auteur.
Depuis 1936, l’aviateur vit avec ce jeune souverain du désert qui a reçu de son père de sages conseils. Saint Exupéry fait partager des réflexions sur les hommes, la cité, et l’art difficile de les faire l’un et l’autre grandir. Le désert y est bien plus qu’une toile de fond ; il colore le récit de son parfum de liberté. Liberté d’ériger une noble citadelle. Liberté pour l’auteur, à la fois poète et philosophe, de laisser sa plume passer des métaphores aux pensées profondes d’un chef. Le ton humble dessine tout un art de gouverner, de guider les hommes, non pas vers le bonheur mais vers la grandeur. La Citadelle nous construit. Le lecteur devient bâtisseur lui aussi de sa citadelle intérieure.
Une beauté diffuse
« N’est rien une victoire qui dure. Non plus vivifiante. Mais amollissante et ennuyeuse. Car il n’est point alors victoire mais simple paysage accompli », écrit Saint Exupéry sous les traits du jeune prince. Au ton bref et mystérieux, ces mots imagés témoignent d’une esthétique épurée comme le sont les immensités de dunes. Il livre dans cet extrait les délibérations d’un stratège sur la victoire et ses conséquences, mais aussi les rêveries d’un homme prenant conscience de ce que la vie lui a enseigné. Certains passages, succédant parfois à des explications sur la justice ou le courage dans la cité, ne se donnent pas aisément à comprendre mais évoquent avec symbolisme un souvenir, une impression. Cette beauté diffuse, sans pourquoi, fait l’ardeur d’un peuple et lui donne son âme. Car l’éthique et l’esthétique sont intimement liées.
« Ta cité mourra avant d’être achevée. Car ils vivaient non de ce qu’ils recevaient mais de ce qu’ils donnaient. » Comme les citadelles des hommes, le recueil de Saint Exupéry demeure inachevé, publié après sa mort par ses proches qui assemblèrent eux-mêmes ses notes. Mais chaque chapitre de ce qui se voulait d’abord être un poème contient à lui seul une grande puissance de réflexion sur des sujets variés que l’auteur traverse au passage dans d’autres de ses ouvrages.