Construite entre le XIIe et XVe siècle, Notre-Dame de Strasbourg se situe au cœur des anciens quartiers de la capitale alsacienne. Cet édifice religieux plusieurs fois classé « plus belle cathédrale de France » est l’un des joyaux du gothique flamboyant.

 

En cette mati­née d’automne, la sil­houette ocre de Notre-Dame se dis­tingue du magni­fique ciel bleu. Quelques nuages viennent adou­cir le tableau. Mer­veilleuse incar­na­tion de l’art gothique, l’édifice sur­plombe la cam­pagne alsacienne.

 

« Un prodige du gigantesque et du délicat » (Victor Hugo)

Sil­houette recon­nais­sable par­mi tant d’autres, Notre-Dame domine Stras­bourg et ses alen­tours. Au XIXe siècle déjà, Vic­tor Hugo écri­vait : « la mon­tagne et la cathé­drale luttent de gran­deur. Je n’ai jamais rien vu de plus impo­sant ». Mais en péné­trant dans la capi­tale alsa­cienne, l’édifice reli­gieux dis­pa­rait, englou­ti par les ruelles étroites du centre-ville. Il faut atteindre la rue Mer­cière et ses immeubles à colom­bages pour retrou­ver la cathé­drale. La vue est alors pro­di­gieuse. En pro­gres­sant dans cette voie moyen­âgeuse, la façade se laisse décou­vrir petit à petit. Le grès rose des Vosges détonne avec les pavés gris de la place. Cette pierre lumi­neuse, com­po­sée en par­tie de quartz, varie de l’ocre au rose fon­cé selon les heures de la jour­née. Dans la rue, tous les pas­sants suivent du regard la façade jusqu’au som­met. Un véri­table élan vers le ciel ! Aux dimen­sions d’un immeuble de 35 étages, le monu­ment lie terre et cieux.

La flèche, ache­vée en 1439 et haute de 142 mètres, fait la fier­té des Stras­bour­geois. Sym­bole de puis­sance, Jean Hültz l’a vou­lu plus éle­vée que celle de la cathé­drale de Fri­bourg, construite quelques années plus tôt. Les archi­tectes ont repous­sé les limites de l’art encore plus loin. Jusqu’au XIXe siècle, Notre-Dame de Stras­bourg domi­nait l’ensemble du monde chré­tien. Aujourd’hui encore, cette unique flèche qui donne à la cathé­drale son allure si sin­gu­lière, impres­sionne. Pour mon­ter au som­met, ce n’est pas un mais huit esca­liers qui ont été construits. Après plus de 160 marches, le souffle cou­pé par l’effort phy­sique, une vue épou­sant toute la région s’offre aux plus spor­tifs. Le temps enso­leillé de ce début d’automne per­met de voir jusqu’aux pre­miers mas­sifs vos­giens. A une telle hau­teur, un vent sec et froid vient réveiller les quelques visi­teurs pré­sents ce jour-là sur la pla­te­forme. Le génie des ouvriers du Moyen-Âge est d’avoir eu recours à un cer­clage de fer et de plomb pour soli­di­fier l’ensemble. Ain­si, tel le roseau de La Fon­taine, la flèche de Stras­bourg « plie mais ne rompt pas ».

À Notre-Dame de Stras­bourg, la gran­deur se mêle à la légè­re­té. Dans son His­toire de France, Jules Miche­let rap­pelle que l’art gothique « a pour prin­cipe non la forme, mais l’œil ; non la colonne, mais la croi­sée ; non le plein, mais le vide ». La construc­tion en pierre de l’édifice stras­bour­geois, toute en den­telle, en est l’incarnation. En plein cœur du Moyen-Âge, Erwin von Stein­bach, l’un des pre­miers archi­tectes, a le génie de créer un trompe‑l’œil sur la façade occi­den­tale pour allé­ger l’ensemble. Devant un mur plein, ce ne sont pas moins de 120 monu­men­tales sta­tues qui sont taillées sur une seconde épais­seur. Vers la Place du Châ­teau, le génie de la tech­nique des ouvriers du XIVe siècle nous saute aux yeux. Les arcs-bou­tants construits sur la façade sud per­mettent à la cathé­drale de tenir debout en attei­gnant de belles hau­teurs. Ces arcs s’élancent élé­gam­ment don­nant à la struc­ture une dimen­sion aérienne.

 

Reflets verts, rouges et bleus

Les curieux prennent le temps de péné­trer à l’intérieur de l’édifice. Une fois le porche fran­chi, l’ambiance bruyante de la rue laisse place à une toute autre atmo­sphère. La grande rosace laisse pas­ser un doux filet de lumière. Les rayons prennent toute leur ampleur en tra­ver­sant la nef haute de plus de 32 mètres. Comme toutes les cathé­drales gothiques, Notre-Dame contient de mul­tiples vitraux. Ces fenêtres aux teintes variées couvrent près de 1 500 mètres car­rés. Sous les croi­sées d’ogives, les lumières vertes, rouges et bleues se mettent à jouer entre-elles. En s’approchant de plus près, le visi­teur aver­ti remar­que­ra l’originalité de cer­taines repré­sen­ta­tions sur ces ver­rières. Au sein du royaume de France, les maitres vitriers avaient pour habi­tude de repré­sen­ter des grands saints. Mais à cette époque, Stras­bourg est l’une des grandes villes du Saint-Empire romain ger­ma­nique. Les ouvriers ont donc choi­si d’y repré­sen­ter des rois et empe­reurs de cette grande puis­sance. En conti­nuant, un récit biblique entier s’offre à nos yeux : le Juge­ment Der­nier, la vie de la Sainte Vierge et celle de Jésus-Christ. Ces murs de verre per­mettent l’alliance du spi­ri­tuel et du temporel.

Au milieu de la nef, des tou­ristes anglais cherchent le célèbre « rayon vert » qui par­ti­cipe à la renom­mée mys­tique du lieu. Mais ce rayon n’est visible qu’aux équi­noxes d’automne et de prin­temps, lorsque le soleil croise le pied d’un apôtre sur l’un des vitraux pour venir illu­mi­ner le Christ de la chaire. Ce « rayon vert » est sûre­ment dû à une erreur de res­tau­ra­tion ou à la volon­té déli­bé­rée de l’un des ouvriers. Mais pour les Stras­bour­geois, pas de doute, il s’agit bien d’un miracle.

 

Les archi­tectes suc­ces­sifs ont réus­si à atteindre la per­fec­tion de l’art gothique. Par leurs prouesses tech­niques, ils ont par­ti­ci­pé à la célé­bra­tion du beau et du sacré. Ceci fera dire au poète alsa­cien, Jacques Wimp­fe­ling, que Notre-Dame de Stras­bourg est bien « la hui­tième mer­veille du monde ».

Clé­mence de Longraye.

 

Chro­no­lo­gie de la construc­tion de Notre-Dame de Strasbourg

 1015 : pre­mière pierre de la cathé­drale romane

1180 : construc­tion d’une nou­velle cathé­drale sur les fon­da­tions de l’ancienne

1318 : mort d’Erwin von Stein­bach, archi­tecte de la façade et du portail

1419 : mort d’Ulrich von Ensin­gen, archi­tecte de la tour

1419 : nomi­na­tion de Jean Hültz archi­tecte de la flèche.

1439 : fin des tra­vaux de la flèche et de la cathédrale