Cette semaine, les dépu­tés exa­mi­naient une kyrielle de mesures sécu­ri­taires, dont l’en­ca­dre­ment contro­ver­sé de la dif­fu­sion de l’i­mage des poli­ciers et gen­darmes. Aus­si bien dans l’hé­mi­cycle que dans la rue, l’ar­ticle 24 sus­ci­ta une vive contes­ta­tion. Celle-ci fit oublier que la pro­po­si­tion de loi LREM dite de “sécu­ri­té glo­bale” incluait aus­si la créa­tion d’une police muni­ci­pale à Paris. Jeu­di 19 novembre, l’As­sem­blée natio­nale en approu­vait le prin­cipe et met­tait fin à un par­ti­cu­la­risme pré­va­lant dans la capi­tale depuis la Révolution.

Paris serait-elle encore une ville rebelle, indis­ci­pli­née, où bouillonne le péril de la rue ? On le pen­sait encore il y a peu car la capi­tale jouis­sait d’un sta­tut spé­cial qui n’é­tait pas dû au hasard mais à l’his­toire. La foule pari­sienne ren­ver­sa l’Ancien régime en 1792, Charles X en 1830, la Monar­chie de Juillet en 1848, sans même par­ler de la ter­reur qu’elle fit régner sous la Com­mune en 1871. Ces tumultes obli­gèrent les pou­voirs suc­ces­sifs à tenir la bride aux Pari­siens. Pour cette rai­son, il n’y eut pas de maire jusqu’en 1977 mais un pré­fet de la Seine (ancien nom du dépar­te­ment de Paris), nom­mé par le gou­ver­ne­ment et sou­mis à ses ordres. Jacques Chi­rac fut le seul édile de France sans police muni­ci­pale. L’administration des forces de l’ordre était réser­vée à l’Etat depuis Napo­léon Bona­parte. L’arrêté du 12 mes­si­dor An VIII (1er juillet 1800) créa la pré­fec­ture de police, admi­nis­tra­tion unique en France qui se voyait accor­der l’en­semble des mis­sions de police, natio­nale et municipale.

Les années 80 virent les milieux popu­laires pro­gres­si­ve­ment chas­sés vers la ban­lieue. L’embourgeoisement puis la boboï­sa­tion de la capi­tale devaient la rendre moins dan­ge­reuse pour le pou­voir cen­tral. Le prix de l’im­mo­bi­lier se révé­la être la bar­ri­cade la plus effi­cace contre l’ins­tinct de révolte. Aus­si la loi tient-elle compte aujourd’­hui de la nature de la popu­la­tion à pro­té­ger et à… sur­veiller. Le prin­cipe d’une police muni­ci­pale est sou­hai­tée depuis 2018 par la maire PS Anne Hidal­go et le gou­ver­ne­ment y est éga­le­ment favorable.

Moins de pré­ro­ga­tives pour la pré­fec­ture de police

La police muni­ci­pale de Paris devrait être lan­cée en 2021. Pour atteindre le nombre de 5.000 poli­ciers, des recru­te­ments se suc­cè­de­ront pour com­plé­ter le contin­gent for­mé actuel­le­ment par les 3.200 agents de la Direc­tion de la pré­ven­tion, de la sécu­ri­té et de la pro­tec­tion (DPSP), essen­tiel­le­ment des Agents de sur­veillance de Paris (ASP) venus de la pré­fec­ture de police et Ins­pec­teurs de sécu­ri­té de la Ville de Paris (ISVP). For­més dans une école pari­sienne, ces poli­ciers seront dotés de bâtons “Ton­fa” pour lut­ter notam­ment contre les inci­vi­li­tés. Leur mis­sion ? Prin­ci­pa­le­ment faire appli­quer les arrê­tés muni­ci­paux et dres­ser des contra­ven­tions pour les infrac­tions au code de la route. En revanche, les affaires de ban­di­tisme ou de tra­fic de drogues res­sor­ti­ront tou­jours du pré­fet de police.