Le 24 novembre, le Premier ministre annonçait devant l’Assemblée nationale qu’il saisirait le Conseil constitutionnel afin qu’il statue sur l’article 24 de la proposition de loi « sécurité globale ». Ce recours illustre la volonté du gouvernement de renforcer la valeur juridique de ce texte : un jeu à double tranchant.
« Ce texte est excellent », déclarait Jean Castex au sujet de la proposition de loi dite « sécurité globale » dont l’article 24 punit la diffusion d’images ou de vidéos malveillantes de forces de l’ordre. Néanmoins, après son adoption par le Sénat, le Premier ministre le soumettra quand même à l’avis du Conseil constitutionnel. Le locataire de Matignon souhaite qu’il « ne subsiste aucun doute » quant à sa volonté « d’assurer l’indispensable protection des forces de sécurité ».
Bien que cette intention soit louable, elle n’est pas altruiste. Le Conseil constitutionnel s’assure que les lois soient conformes à la Constitution. En d’autres termes, il vérifiera que l’article 24 ne viole pas les droits fondamentaux, notamment des journalistes.
Castex coupe l’herbe sous les pieds de ses détracteurs
Après cette saisine, soit l’article 24 est censuré et n’entre pas en vigueur, soit il est déclaré conforme aux principes constitutionnels. Il sera alors appliqué et ne pourra faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. La QPC permet à tout justiciable de demander au Conseil constitutionnel si, dans le cadre d’un litige le concernant, telle ou telle loi ne transgresse pas la Constitution. Mais pour cela, il faut que le texte attaqué n’ait jamais été jugé conforme à celle-ci. Concrètement, cela signifie que les sages de la rue de Montpensier ne pourrait pas abroger l’article 24 si, par exemple, des journalistes incriminés souhaitaient le contester.
Le gouvernement sur une ligne de crête
Homme pragmatique, le Premier ministre a conscience que cet article 24 sera examiné par le Conseil constitutionnel, soit avant sa promulgation, soit après, dans le cadre d’une QPC. Par conséquent, au lieu de laisser cet examen au hasard des événements qui pourraient survenir après son entrée vigueur, Jean Castex préfère agir en amont.
Néanmoins, cette stratégie comporte un risque vital pour l’article 24 de la loi dite « sécurité globale ». C’est celui d’une censure nette et sans concession du Conseil constitutionnel. La dernière fois qu’un membre de l’exécutif agissait de la sorte, c’était Emmanuel Macron. L’an dernier, le président de la République avait soumis l’article 3 de la loi « anti-casseurs » à l’avis de la juridiction suprême. Cet article visait certaines personnes déjà connues des services de police. Il soumettait leur droit de manifester à des autorisations administratives. Controversé, les Sages du Palais-Royal le retoquèrent.
Déjà, des figures de l’opposition — comme Jean-Luc Mélenchon — accusent le gouvernement d’instaurer un « régime autoritaire ». Un second refus du Conseil constitutionnel donnerait l’image d’un exécutif peu soucieux des droits fondamentaux, et ce à 18 mois de la présidentielle. Si une telle bévue se produisait, cela affaiblirait le chef de l’Etat et renforcerait ses adversaires.