Le Sénat a donc exclu en deuxième lecture l’article phare de la loi bioéthique ouvrant l’accès à la PMA (procréation médicalement assistée) aux femmes célibataires et aux couples lesbiens. Un projet de loi clivant adopté dans la cacophonie.

L’examen en deuxième lec­ture de la loi bioé­thique ne s’est pas pas­sé sans heurts au Sénat, début février. 132 voix contre, 48 pour, 152 abs­ten­tions. L’hémicycle à majo­ri­té de droite a reje­té l’article 1 de la loi, mesure emblé­ma­tique ouvrant la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes. Une déci­sion choc qui n’a pas man­qué de sur­prendre les par­le­men­taires. Le Sénat avait en effet vali­dé en pre­mière lec­ture cet article du pro­jet de loi mais avait exclu le rem­bour­se­ment par la Sécu­ri­té sociale au motif qu’elle est réser­vée aux soins liés à des patho­lo­gies et ne sau­rait être éten­due à une pres­ta­tion de ser­vice pour des femmes natu­rel­le­ment fécondes.

Le texte se trouve donc en pleine navette par­le­men­taire. En octobre 2019, l’Assemblée natio­nale l’a­vait voté en pre­mière lec­ture, sui­vie par le Sénat en février 2020. En juillet 2020, l’Assemblée l’a adop­té en deuxième lec­ture, et en février 2021, le Sénat vient de voter le pro­jet de loi mais a for­te­ment modu­lé ses posi­tions d’origine.

Autour de la PMA : conservation des gamètes et accès aux origines

Outre l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, le texte a éga­le­ment subi d’autres amen­de­ments comme la chao­tique sup­pres­sion de la PMA post-mor­tem.

Les séna­teurs ont aus­si reti­ré la pos­si­bi­li­té pour les femmes d’une auto­con­ser­va­tion de leurs ovo­cytes sans rai­son médicale. 

Par ailleurs, ils pré­co­nisent de deman­der l’accord du don­neur pour que les enfants nés d’un don puissent avoir accès à leurs ori­gines bio­lo­giques. L’accès des enfants à leur filia­tion natu­relle serait ain­si lais­sé au bon vou­loir du don­neur, là où le texte ini­tial per­met­tait aux enfants d’accéder à l’identité de leur don­neur à leur majo­ri­té. Adrien Taquet, secré­taire d’État en charge de l’En­fance et des Familles, a ain­si regret­té que les dépu­tés réduisent ces enfants à des « objets de droits » plu­tôt qu’à « des sujets de droit » ava­li­sant de fait l’hy­po­thèse très inflam­mable du « droit à l’enfant ».

Par­mi les autres cor­rec­tions sug­gé­rées, le Sénat a ins­crit un sys­tème d’« adop­tion accé­lé­rée » per­met­tant d’établir la filia­tion juri­dique de la mère d’intention (celle qui n’a pas accou­ché) avec l’enfant. Or cette dis­po­si­tion de l’article 4 a été votée par le Sénat qui a un peu plus tôt reje­té l’article 1 léga­li­sant la « PMA pour toutes ». Une situa­tion jugée “ubuesque” par les séna­teurs som­més mal­gré tout de se pro­non­cer en dépit de toute logique.

GPA, recherche sur l’embryon et avortement

Afin de ren­for­cer l’interdiction de la GPA (ges­ta­tion pour autrui), la Chambre haute a pro­hi­bé la retrans­crip­tion com­plète à l’état civil fran­çais d’un acte de nais­sance étran­ger d’un enfant né de mère por­teuse. En d’autres termes, lorsque deux hommes com­man­di­taires d’une GPA sont recon­nus léga­le­ment comme les parents de l’en­fant dans son pays de nais­sance, cette filia­tion juri­dique ne serait pas éta­blie en France. Le Sénat espère ain­si enté­ri­ner le refus caté­go­rique du com­merce d’utérus.

Concer­nant le volet de la recherche, les séna­teurs ont inter­dit la créa­tion d’embryons chi­mé­riques homme-ani­mal et d’embryons transgéniques. 

Enfin, ils ont sup­pri­mé la clause de « détresse psy­cho­so­ciale » qui visait à auto­ri­ser l’avortement jusqu’à neuf mois de grossesse.

Et maintenant, quelle suite pour la loi bioéthique ?

Dans plu­sieurs semaines, sept séna­teurs et sept dépu­tés se réuni­ront en CMP (com­mis­sion mixte pari­taire) pour ten­ter de trou­ver un ter­rain d’entente.

La CMP est une étape du pro­ces­sus légis­la­tif pré­vue par la Consti­tu­tion. Elle est char­gée de trou­ver un com­pro­mis entre l’As­sem­blée natio­nale et le Sénat en cas de désac­cord per­sis­tant dans l’élaboration d’une loi.

En cas d’échec, le pro­jet de loi bioé­thique sera exa­mi­né au prin­temps pro­chain une troi­sième fois par l‘Assemblée natio­nale qui aura alors le der­nier mot. En atten­dant, les orga­ni­sa­teurs des mani­fes­ta­tions anti-PMA et GPA, qui ont réus­si à mobi­li­ser leurs troupes un peu par­tout en France juste avant l’examen du texte par le Sénat et mal­gré la pan­dé­mie, se féli­citent du “coup d’ar­rêt pour la PMA sans père et la GPA”.