Si les footballeurs français dominent globalement le monde du football (on ne mentionnera pas le match nul concédé aujourd’hui face aux Hongrois), les Bleus suscitent également de nombreux espoirs en rugby, notamment grâce à leur ligne de trois-quarts étincelante. Est-ce la meilleure du monde ? Petit tour d’horizon, poste par poste.
9 : Dupont, adoubé par le All Black Aaron Smith
Commençons par le plus simple : Antoine Dupont. Si le débat existait encore, l’ancien meilleur demi de mêlée du monde Aaron Smith l’a tranché : Dupont n’est pas seulement le meilleur numéro neuf du monde, il est le meilleur joueur de la planète tous postes confondus en ce moment. Toutes les équipes qui l’affrontent sont obligées de mettre au point un « plan anti-Dupont ». Ses courses de soutiens systématiques lui valent le surnom de « ministre de l’intérieur » tant il sait se porter à l’intérieur de ses coéquipiers après un franchissement. Doté de qualités physiques hors-norme, il se distingue aussi par sa capacité à choisir le bon avant lancé dans l’intervalle, à inquiéter (à juste titre) les défenseurs aux abords des rucks, ce qui offre de précieux espaces à ses coéquipiers au large. Contre l’Italie en début de tournoi, Dupont remporte le trophée d’homme du match pour son essai et ses quatre passes décisives. Il fait aussi bien en un match que le meilleur passeur sur l’intégralité du tournoi 2020 ! Même Aaron Smith, numéro 9 All Black, admet sur Twitter que personne n’arrive à la cheville du nôtre. Tout est dit, non ?
@Dupont9A this guy is on another level! No one is near him atm. He’s the point of difference for both his Club and country. He’s helping me look at parts of my game to improve #Respect #9Gang
— Aaron Smith (@Te_Nug) February 10, 2021
10 : Ntamack et Jalibert, futurs meilleurs ?
S’ils ne sont pas encore les meilleurs du monde à l’ouverture, Romain Ntamack et Matthieu Jalibert ont tout pour le devenir. Déjà, lors du tournoi des six nations 2020 (le Toulousain n’avait que 20 ans !) Ntamack termina meilleur marqueur de la compétition et fut passeur décisif à quatre reprises. Si son style ressemble à celui de George Ford ou de Owen Farrell, Jalibert (22 ans seulement) a des airs de Beauden Barrett ou de Richie Mo’unga. Sa première mi-temps face aux Anglais lors du tournoi 2021 impressionna tous les observateurs internationaux.
Ce qui marque le plus, c’est la progression rapide de ces deux jeunes ouvreurs déjà bien matures, qui disputent régulièrement des matchs en Champions Cup face à des grandes écuries européennes en club comme Exeter, le Leinster, ou encore Bristol. D’ici un ou deux ans la France pourrait disposer de(s) meilleur(s) ouvreur(s) de la planète rugby. Absurde, vraiment ?
12/13 : Fickou/Vakatawa, centres d’attentions
Gaël Fickou possède toute la panoplie du centre moderne, sans défauts particuliers. Capable de défendre comme un troisième ligne, de réfléchir comme un numéro 9, de jouer au pied comme un ouvreur, de glisser à l’aile s’il le faut ou de percuter plein axe lorsque c’est nécessaire, le centre ne cesse d’épater son monde. À seulement 27 ans, ses 63 sélections font déjà de lui le taulier de cette jeune équipe de France. Il n’est concurrencé que par le féroce Damian de Allende pour le titre prestigieux de meilleur 12 du globe.
Plus généralement, le fait de jouer désormais aux côtés de Virimi Vakatawa au Racing 92 génère une osmose entre les deux joueurs qui fera (fait ?) d’eux la meilleure paire de centres au monde. Le Franco-Fidjien affole une nouvelle fois les compteurs cette saison, toutes compétitions confondues. Il fait partie des meilleurs passeurs après contact, et offre ainsi régulièrement des ballons précieux aux gazelles autour de lui. Hormis le Fidjien Semi Radradra et l’Irlandais Robbie Henshaw, personne d’autre ne peut rivaliser avec eux au poste de numéro 13 dans le monde.
11/14 : Penaud/Thomas aux ailes, la vie est belle
La paire Fickou/Vakatawa nourrit Damian Penaud et Teddy Thomas de bons ballons à négocier. Ces deux finisseurs compensent leurs fragilités défensives par des aptitudes offensives hors du commun qui les placent parmi les meilleurs. Le Francilien aura marqué huit essais en Top 14 et six en champions cup (deuxième ex-æquo de la compétition) cette saison, tandis que le Clermontois est reconnu comme un des meilleurs à son poste. Si ces deux travaillent leur défense et leur solidité aérienne (secteurs où leur compatriote Gabin Villière a un peu d’avance), ils pourraient prochainement s’imposer comme les meilleurs ailiers du monde et ainsi dépasser Anthony Watson ou encore Cheslin Kolbe.
15 : Dulin fait du bien
Le plus vieil élément de cette ligne de trois-quarts (31 ans) se nomme Brice Dulin. Solide sous les chandelles, il a notamment brillé face à l’Irlande, à tel point que le magazine L’Équipe a titré « Dulin, Dublin, du bien ». Le petit arrière était d’ailleurs titulaire en demi-finale de Champions Cup face au Leinster d’Hugo Keenan, l’arrière de l’Irlande. Sa sérénité et son coup d’œil tactique viennent magnifiquement étoffer cette ligne arrière de feux-follets. Le Rochelais n’a cependant plus le coup de reins d’un All Black comme Damian McKenzie en Nouvelle-Zélande.
Conclusion : Les Bleus possèdent trop de « facteurs X » pour que l’équipe adverse puisse se contenter de se focaliser uniquement sur un ou deux joueurs.
Voici une illustration édifiante, la combinaison réussie face aux Anglais le 13 mars :
Sur cet enchaînement magistral, digne des All Blacks, Marchand est à la touche à l’entrée des 22 m. Le ballon atterrit entre les mains de Fickou, dont les 100 kg concentrent les regards anglais. À son intérieur, Thomas se lance, et attire également l’attention de l’adversaire. Sauf que la passe de Fickou part dans le dos de Thomas en direction de Dupont. Trois Anglais le fixent des yeux (preuve de la crainte qu’il inspire), ce qui lui permet d’attendre le dernier moment pour donner la balle dans le dos de Vakatawa. Lancé plein fer, le 13 aspire ainsi le 13 anglais et le ballon échoit à Jalibert. La vitesse et le danger qu’il incarne obligent l’ailier anglais à « mordre » sur lui, ce qui crée une situation de trois contre deux. L’ouvreur saute Dulin (marqué par son vis-à-vis) pour offrir un essai à Penaud.
Chaque joueur de la ligne de trois-quarts représentait individuellement un vrai danger, ce qui permit d’installer une grande incertitude dans la défense anglaise. L’adversaire ne put se concentrer sur un ou deux « facteurs X » (ce qui eût été bien plus simple à défendre). Avec de tels arrières, ce n’est pas un hasard si la finale de la champions cup 2021 fut franco-française !
La moyenne d’âge de cette ligne de trois-quarts est de 26 ans pour une moyenne de 30 sélections par joueur seulement. Autant dire que son potentiel reste gigantesque. Si cette ligne d’arrières n’est peut-être pas encore la meilleure du monde, elle a toutes les chances de le devenir prochainement.
Ça tombe bien, la prochaine coupe du monde aura lieu en 2023… en France.