C’est décidé : les principaux syndicats d’enseignants ont appelé à se mettre en grève le jeudi 13 janvier. L’objectif : manifester leur désaccord face au protocole indiqué par le ministre de l’Éducation Nationale concernant la crise sanitaire. 

Ven­dre­di 7 jan­vier, une grande majo­ri­té des syn­di­cats ensei­gnants a appe­lé le per­son­nel des écoles à se mettre en grève ce jeu­di 13. Objec­tif, sans sur­prise : dénon­cer les mesures prises contre le covid dans les écoles. En quatre jours, il y a eu bien trop d’interventions de Jean-Michel Blan­quer, « des ordres et des contre-ordres per­ma­nents », ful­mine André Dru­bay, secré­taire géné­ral du syn­di­cat Snes-FSU. Le ministre se montre beau­coup trop flou, et ne semble pas être sur la même lon­gueur d’onde que les ensei­gnants gré­vistes. En effet, le 3 jan­vier, la consigne exige que les enfants cas-contacts doivent faire un test anti­gé­nique ou sali­vaire le jour J pour pou­voir retour­ner à l’école, puis deux autres à J+2 et J+4. Quatre jours plus tard, il annonce un allè­ge­ment de ces mesures car elles sont « irréa­li­sables », selon ce même syn­di­cat : désor­mais, un cas-contact de moins de 12 ans n’est plus contraint à l’isolement et peut rejoindre sa classe dès lors que ses parents pro­duisent pour lui un test anti­gé­nique ou PCR néga­tif. Les deux autres tests sont deman­dés mais le délai d’application est plus long. Le résul­tat : « une pagaille indes­crip­tible et un sen­ti­ment fort d’abandon et de colère », s’agace André Drubay.

Le mot d’ordre : n’en faire qu’à sa tête

Les syn­di­cats gré­vistes sont una­nimes : le pro­to­cole mis en place le 6 jan­vier est incom­pré­hen­sible. « On n’a jamais vu ce niveau d’exaspération et d’épuisement », explique Sté­phane Cro­chet, secré­taire géné­ral du syn­di­cat d’enseignants SE-Unsa. « On a des col­lègues en pleurs qui passent leurs soi­rées à envoyer des mes­sages aux familles pour leur faire com­prendre la nou­velle pro­cé­dure », insiste-t-il. En l’absence de consignes expli­cites, chaque direc­tion d’établissement a appli­qué sa propre règle. Ain­si, d’après le cor­res­pon­dant Figa­ro de l’académie de Mont­pel­lier, dans une école pri­vée de Nîmes, 17 jours d’isolement pour les cas-contacts ont été main­te­nus entre lun­di et jeu­di, mais pas dans les écoles publiques voi­sines. De même, en Savoie, des direc­teurs d’école publique ont du attendre mar­di soir pour avoir des direc­tives, avant que celles-ci ne changent 3 jours après. Une confu­sion sans nom. Guis­laine David, cose­cré­taire géné­rale du syn­di­cat SNUipp-FSU dénonce un pro­to­cole « ahu­ris­sant ». « On a fait les choses par­tout dif­fé­rem­ment, par­fois même dans les écoles d’une même ville », peste-t-elle.

A cette incom­pré­hen­sion s’ajoute une crise de per­son­nel : les vies sco­laires sont sub­mer­gées par la ges­tion des absences et des cas contacts, les pro­fes­seurs malades ne sont pas rem­pla­cés. La menace d’une véri­table dégra­da­tion péda­go­gique plane. Les futurs gré­vistes se sentent seuls. Pour légi­ti­mer leur mou­ve­ment, ils s’appuient aus­si sur les der­niers chiffres dif­fu­sés jeu­di par l’Éducation Natio­nale : 47 453 élèves recen­sés posi­tifs et 9 202 classes fermées. 

Des revendications qui ne sont pas unanimes

Dans son appel à la grève, Sté­phane Cro­chet explique ce qu’il attend du gou­ver­ne­ment : plus d’autotests pour les cas-contacts et plus de masques FFP2 pour les ensei­gnants ; abon­der et recru­ter les listes com­plé­men­taires pour pal­lier à l’absence de pro­fes­seurs ; plus de fer­me­té pour le trai­te­ment des cas posi­tifs ; l’isolement des cas contacts intrafamiliaux. 

Mais com­ment mani­fes­ter son mécon­ten­te­ment ? Les avis divergent. Les parents d’élèves s’estiment plu­tôt sou­la­gés des nou­velles règles qui leur per­met de ne pas s’enfermer avec leurs enfants trop long­temps. Du côté des ensei­gnants, ce sont 7 syn­di­cats, pour la plu­part mar­qués à gauche voire très à gauche, qui pro­meuvent la grève pour le 13 jan­vier : Snuipp-FSU, Se-Unsa, Snu­di-FO, Snes-Fsu, Snalc, Sud édu­ca­tion et CGT Edu­ca­tion. Cette der­nière regarde même jusqu’à fin jan­vier, en pro­po­sant un second mou­ve­ment de grève le 27. Les ensei­gnants ont, quant à eux, jusqu’à lun­di soir pour se décla­rer gré­viste. Pour le moment, il n’est pas cer­tain que la majo­ri­té d’entre eux réponde pré­sent. Peut-être beau­coup se ral­lie­ront-ils au prin­ci­pal syn­di­cat de chefs d’établissement (SNPDEN-UNSA) qui se refuse à la grève : « On ne va pas dire qu’il ne faut pas le faire (…) mais faire grève, c’est aban­don­ner les élèves quelque part et fran­che­ment, ce n’est pas le moment. Quand on mani­feste notre mécon­ten­te­ment, on pré­fère le faire autre­ment ». Mais faire quoi ? La ques­tion reste en suspens… 

De son côté, Jean-Michel Blan­quer semble en posi­tion déli­cate : jeu­di 6, dans une réunion en visio­con­fé­rence avec ces syn­di­cats, il assure que « dans un mois tout ira mieux », et se refuse donc à écou­ter les reven­di­ca­tions. Expec­ta­tive de la semaine pro­chaine : le taux de par­ti­ci­pa­tion des ensei­gnants à la grève lui don­ne­ra tort ou raison.