Same­di 5 Février, Marine le Pen, can­di­date du Ras­sem­ble­ment Natio­nal, tenait son pre­mier grand mee­ting à Reims. Plus de 3000 mili­tants se sont ras­sem­blés pour sou­te­nir celle qui, selon eux, est leur der­nier espoir. Au même moment, à Lille, le can­di­dat Eric Zem­mour orga­ni­sait éga­le­ment un grand meeting. 

La Marine-mania 

“ Marine je t’aime” , entends-on crier au milieu du par­terre de mili­tants. Patrick, 54 ans, ouvrier dans le bâti­ment. “ Selon moi, Marine incarne le cou­rage, la fidé­li­té, la force et sur­tout le ras­sem­ble­ment, elle est pour moi un sym­bole et un sau­veur” nous explique t‑il. 

Ce phé­no­mène de Marine-mania est très pré­sent au sein des élec­teurs de Ras­sem­ble­ment natio­nal. Marine Le Pen leur plait car elle dit leur res­sem­bler : elle aime ain­si rap­pe­ler qu’elle fut mère céli­ba­taire, avec 3 enfants en un an, qu’elle à connu le har­cè­le­ment, les menaces, les tra­hi­sons. Ses confi­dences la rap­prochent de son élec­to­rat qui la consi­dère comme un membre de leur famille. Plus que ses idées, les mili­tants connaissent et aiment Marine. 

Aucune cri­tique à son égard n’est accep­tée. Lorsque nous les inter­ro­geons sur les récentes décla­ra­tions de leur can­di­date à l’égard du can­di­dat Recon­quête, qui l’ac­cu­saient de comp­ter par­mi ses équipes des “nazis” et des “ catho­liques tra­di­tio­na­listes”, ils accusent la fatigue, la pres­sion, l’injustice de la can­di­da­ture d’Eric Zem­mour et les tra­hi­sons de ceux qui sont partis. 

Ce mee­ting de ren­trée avait des allures de bal popu­laire où l’on se retrouve “en famille” pour par­ta­ger une ter­rine, une bou­teille, une danse mais éga­le­ment des craintes et des choix politiques. 

La menace Zemmour 

Les récentes décla­ra­tions et accu­sa­tions de la part de Marine Le Pen envers les mili­tants de Recon­quête exa­cerbent les ten­sions ini­tiales et les ran­cœurs mutuelles. 

“ Eric Zem­mour n’est là que pour faire gagner Macron, c’est un pion du gou­ver­ne­ment” nous explique Patri­cia, mère céli­ba­taire sans emploi de 37 ans.  Si les mili­tants RN pré­fèrent aujourd’hui Marine Le Pen à Eric Zem­mour, c’est bien parce qu’elle est ins­tal­lée dans le pay­sage poli­tique depuis long­temps et que cet ancrage lui donne une cré­di­bi­li­té due à l’ex­pé­rience. Beau­coup d’électeurs du Ras­sem­ble­ment Natio­nal nous confient leur sym­pa­thie pour Eric Zem­mour, mais le voient encore comme un polé­miste et un jour­na­liste. “ Il aurait dû res­ter sur CNews, pen­dant le confi­ne­ment on le regar­dait tous les soirs. Ses idées sont les mêmes que Marine Le Pen en termes d’immigration mais il ne nous com­prend pas, lui, le cita­din, le bour­geois. En plus, il n’a pas ce côté social qu’à Marine Le Pen”.  L’é­lec­to­rat de Marine Le Pen semble donc appré­cier Zem­mour jour­na­liste, mais hon­nir Zem­mour can­di­dat. Le pro­gramme social de Marine Le Pen est d’ailleurs bien dif­fé­rent de celui du can­di­dat Recon­quête . La retraite à 60 ans par exemple est une mesure phare du Ras­sem­ble­ment Natio­nale, tan­dis que le par­ti d’Eric Zem­mour, lui, veut pro­lon­ger l’âge de départ à la retraite à 64 ans.

La France déclassée 

La lutte entre les deux camps est en réa­li­té une lutte entre deux classes : la classe popu­laire, habi­tuée aux emplois plus pré­caires, phy­si­que­ment plus fati­gants, et la classe plus bour­geoise, moins tou­chée par le chô­mage et le manque de moyens. Ces deux classes qui s’entendent sur la seule ques­tion de l’i­den­ti­té de leur peuple ont cepen­dant toutes deux la France che­villée au cœur.  Atta­chés à la même terre et aux mêmes fron­tières, ces deux classes vivent en autar­cie et dans deux mondes dif­fé­rents, presque oppo­sés. La France d’E­ric Zem­mour s’at­tache à la rura­li­té par prin­cipe mais sans y habi­ter. La France qui vote Marine Le Pen est fina­le­ment la France des oubliés, des déclas­sés. La France oubliée qui tient à ses clo­chers sans plus pra­ti­quer, la France qui “monte à la ville”, la France qui appelle au secours depuis des années mais que les gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs ont aban­don­née, au pro­fit des cités. Cette France n’a pas besoin qu’on lui parle de Napo­léon ou d’Auguste Comte, elle à besoin qu’on vienne la récon­for­ter, la com­prendre et l’écouter. Marine Le Pen à su le faire.  

Et si le fond du dis­cours iden­ti­taire est sem­blable chez Eric Zem­mour et Marine Le Pen, la forme est bien dif­fé­rente : quand Eric Zem­mour orga­nise des mee­tings, Marine Le Pen va dans les foires agri­coles.  Il y a la France de John­ny et la France de Charles de Gaulle. Marine le Pen à su entendre la pre­mière, mais ne par­vien­dra jamais à s’allier la seconde. Eric Zem­mour ne s’adapte pas à la pre­mière mais pas­sionne la seconde.