Bien qu’Emmanuel Macron ne se soit toujours pas déclaré candidat et qu’il semble attendre le dernier moment pour le faire, le président sortant a déjà mis en marche sa logistique de campagne, sans trop s’exposer dans le débat public. 

« Avec vous ». Voi­là le pre­mier slo­gan de la cam­pagne d’Emmanuel Macron. Depuis la semaine der­nière, on peut le lire dans toute la France sur des cen­taines d’affiches pla­car­dées dans les rues. C’est éga­le­ment le nom du site ad hoc du “pas encore” can­di­dat. S’il attend son heure, le dis­po­si­tif est déjà là : outre le site inter­net, il y a la cel­lule de recherche de par­rai­nages, ain­si que l’é­bauche d’un pro­gramme. Sur le site, un mes­sage saute aux yeux : « Vous ne vous recon­nais­sez pas dans les décla­ra­tions des can­di­dats à l’é­lec­tion pré­si­den­tielle ? C’est nor­mal, ils ne parlent pas de vous, ils parlent d’eux. Notre démarche est à l’op­po­sé de ça. » Juste en-des­sous, un onglet inti­tu­lé « Décou­vrez-le » explique la démarche macro­nienne : trans­cen­der les cli­vages, se pré­oc­cu­per de la situa­tion réelle des Fran­çais. Pour cela, trois vidéos sont dis­po­nibles et per­mettent de décou­vrir les témoi­gnages d’un agri­cul­teur et d’une soi­gnante. Emma­nuel Macron pré­tend être le seul can­di­dat véri­ta­ble­ment à l’écoute des Fran­çais, au plus proche de leur quo­ti­dien. La bonne ges­tion de la pan­dé­mie de Covid-19 dont il se vante, en est un bon exemple.

Le coronavirus : un excellent moyen pour noyer le poisson

La crise du coro­na­vi­rus est une aubaine pour le pré­sident, se déso­lent les oppo­sants à Emma­nuel Macron. « Elle évite de cen­trer le débat public sur les sujets qui fâchent », peste un membre de l’équipe de cam­pagne d’Éric Zem­mour. Il est vrai que le pré­sident s’est plu à divi­ser la classe poli­tique avec l’ins­tau­ra­tion du pass vac­ci­nal fin jan­vier. L’équipe de Valé­rie Pécresse s’était retrou­vée à voter ce texte en ordre dis­per­sé. Quant à la gauche, elle s’est aus­si frac­tu­rée sur le sujet, Jean-Luc Mélen­chon y étant oppo­sé. « Pen­dant ce temps, on n’a pas par­lé de son bilan éco­no­mique, de l’endettement mas­sif du pays, ou encore de l’immigration », déplo­rait un élu des Répu­bli­cains, ajou­tant : « Heu­reu­se­ment que la crise s’est apai­sée et qu’elle nous per­met main­te­nant de par­ler des sujets de fond. » Tou­te­fois, les indi­ca­teurs éco­no­miques n’é­tant pas si mau­vais, il n’est pas facile d’at­ta­quer le gou­ver­ne­ment sur ce terrain.

Une économie apparemment saine

La crois­sance est esti­mée à 7 %, « un chiffre jamais atteint depuis 1969 », se vante le gou­ver­ne­ment. « C’est un rebond spec­ta­cu­laire de l’économie fran­çaise […], ça efface la crise éco­no­mique », s’est féli­ci­té Bru­no Le Maire sur France 2. Tou­te­fois, le ministre de l’E­co­no­mie a soi­gneu­se­ment évi­té de répondre à la ques­tion du coût pour les finances publiques : les 700 mil­liards d’euros d’endettement des­ti­nés à sou­te­nir les entre­prises et les com­mer­çants sont oubliés. D’ailleurs, aucun rem­bour­se­ment du prêt accor­dé par l’Etat aux entre­prises en 2020 n’est exi­gé pour l’instant. Qu’adviendrait-il s’il venait à l’être ? Les entre­prises conti­nue­raient-elles à embau­cher ? La crois­sance ne paraît donc pas engen­drée par les entre­prises mais bien par l’argent public, encore et tou­jours.                « L’économie fran­çaise tourne à plein régime », a conti­nué le patron de Ber­cy. Oui, à par­tir du moment où l’Etat la sou­tient. La conjonc­ture paraît donc plu­tôt bonne pour le futur can­di­dat Macron. D’au­tant qu’il n’a, pour l’instant, aucun adver­saire en passe de le concur­ren­cer sérieu­se­ment. À gauche, les divi­sions s’accroissent, et à droite, aucun can­di­dat ne par­vient à se dis­tin­guer. Dans les débats, cha­cun cherche à mar­quer des points en décré­di­bi­li­sant l’adversaire. C’est jus­te­ment ce que le pré­sident veut éviter.

De nouveaux soutiens, des divisions sans fin

Le sou­tien offi­ciel de l’an­cien porte-parole du PS Eduar­do Rhian Cypel à Emma­nuel Macron, annon­cé lun­di, et les ral­lie­ments atten­dus de l’an­cien pré­sident de l’As­sem­blée natio­nale, Claude Bar­to­lone, ain­si que celui du maire de Dijon, Fran­çois Reb­sa­men, ne font que confor­ter le futur can­di­dat dans sa stra­té­gie :  attendre le der­nier moment pour entrer dans l’a­rène, en évi­tant de se bles­ser et en regar­dant ses concur­rents s’é­pui­ser. Une stra­té­gie payante pour l’ins­tant. La divi­sion crois­sante de la gauche est bien sûr une aubaine pour le futur de can­di­dat de Avec vous, qui par­vient à s’at­ta­cher les der­niers dino­saures du Par­ti socia­liste, décou­ra­gés par la triste cam­pagne d’Anne Hidal­go. La can­di­date offi­cielle du PS pla­fonne à 2,5 % des inten­tions de vote selon le der­nier son­dage. Et visi­ble­ment, Chris­tiane Tau­bi­ra, vain­queur de la Pri­maire popu­laire, ne paraît pas non plus convaincre. Emma­nuel Macron repré­sente la seule option pour ceux qui ne vou­draient pas rejoindre la gauche plus radi­cale de Jean-Luc Mélen­chon ou de Fabien Rous­sel. « Il se peut bien que des ral­lie­ments se fassent plus nom­breux dans les pro­chaines semaines », pré­vient un cadre de la Répu­blique en Marche. Des noms comme l’ad­jointe au maire de Mar­seille Samia Gha­li ou encore Thier­ry Repen­tin, maire de Cham­bé­ry, cir­culent depuis quelques jours. En atten­dant, l’é­quipe de cam­pagne d’Em­ma­nuel Macron est plei­ne­ment mobilisée.

Une campagne active, mais sans le candidat

En plus d’un site inter­net, les mili­tants de La Répu­blique En Marche vont frap­per aux portes, fidèles à la tra­di­tion anglo-saxonne reprise par le can­di­dat Macron en 2017. Par ailleurs, le pré­sident s’ex­prime par la voix de membres du gou­ver­ne­ment, en par­ti­cu­lier de son porte-parole, le jeune Gabriel Attal. Celui-ci affir­mait récem­ment à pro­pos des can­di­dats décla­rés « qu’à les écou­ter, tout était mieux hier et tout sera pire demain. Où est la foi dans les Fran­çais ? » À l’opposé de dis­cours obs­cu­ran­tistes, il y a, ajou­tait-il, « Emma­nuel Macron [qui] a fait entrer notre pays dans le temps des conquêtes. Quand la situa­tion sani­taire et inter­na­tio­nale le per­met­tra, il pro­po­se­ra, je l’es­père, d’al­ler plus loin encore pour l’a­ve­nir. » Appa­rem­ment, seul le pré­sident est capable de com­prendre les réa­li­tés com­plexes, por­teuses de sens et d’ou­ver­ture, alors que la droite, obnu­bi­lée par les ques­tions de sécu­ri­té, d’immigration et d’identité, s’en­lise dans un dis­cours rétro­grade. Par­vien­dra-t-il encore long­temps à main­te­nir cette pos­ture pré­si­den­tielle, au-des­sus de la mêlée élec­to­rale ? Si les son­dages lui sont tou­jours favo­rables, Emma­nuel Macron a tout inté­rêt à don­ner du temps au temps et à se décla­rer le plus tard pos­sible, début mars.