Lundi 14 février s’est ouvert le procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray (76), devant la Cour d’assise spéciale de Paris. Encore meurtrie par l’égorgement du Père Hamel, les victimes et leurs proches espèrent « comprendre ». 

Presque six ans. Six ans que deux jiha­distes de 19 ans – du reste fichés S — Adel Ker­miche et Abdel-Malik Petit­jean, ont assas­si­né à coups de cou­teau le père Hamel, âgé de 85 ans ; celui-ci célé­brait la messe dans son église de Saint-Étienne-du-Rou­vray, devant trois reli­gieuses et un couple de parois­siens. Quelques heures plus tard, l’attaque était reven­di­quée par l’État Isla­mique. Et le ver­dict de la Jus­tice se fait tou­jours attendre : de nom­breuses inter­ro­ga­tions sont res­tées sans réponse, ce qui rend « le deuil dif­fi­cile », a dit Mgr Domi­nique Lebrun, arche­vêque de Rouen, lors d’une récente confé­rence de presse.

Depuis lors, les juges anti-ter­ro­ristes char­gés de l’enquête ont pro­cé­dé à l’arrestation de trois proches des assaillants jiha­distes, tués sur place le 26 février : Jean-Phi­lippe Jean Louis, Farid Khe­lil et Yas­sine Sebai­hia, Les trois hommes sont soup­çon­nés d’avoir été aver­tis des pro­jets des meur­triers du père Hamel. Ils ont été mis en exa­men pour « asso­cia­tion de mal­fai­teurs en rela­tion avec une entre­prise ter­ro­riste », crime pas­sible de 30 ans de réclu­sion. Un qua­trième accu­sé, Rachid Kas­sim, est jugé par défaut : il aurait été tué en Syrie en 2017.

Comprendre pour pardonner

Selon Me Béran­ger Tour­né, avo­cat de Jean-Phi­lippe Jean Louis, le pro­cès paraît arti­fi­ciel : les pré­ve­nus ne sont « que trois lam­pistes que l’on tente de rac­cro­cher » à un crime. Mais l’Église n’est pas de cet avis et espère com­prendre, pour pou­voir par­don­ner. Guy Copo­net, qui assis­tait à la messe avec sa femme le 26 juillet 2016, sou­haite que l’audience per­mette de « régler le pro­blème une bonne fois pour toutes », et espère que « ceux qui sont res­pon­sables demand[ent] par­don à tous ceux à qui ils ont fait de la peine ». Tout comme Jacques Simon, suc­ces­seur du père Hamel, inter­ro­gé sur Radio Clas­sique : « Est-ce que le père Hamel était connu par ses assaillants ? » s’indigne-t-il. « En tous cas il a été assas­si­né comme prêtre et j’espère que ce pro­cès va nous éclai­rer davantage ».

Le père Hamel, martyr pour sa foi

Pour Rose­line Hamel, sœur du Père Hamel, la souf­france est encore bien vivante : « La mort de mon frère, de cette façon tel­le­ment bar­bare, a immé­dia­te­ment pro­vo­qué une déchi­rure que je res­sens encore aujourd’hui », témoigne-t-elle auprès du Pari­sien […] « Et puis, au bout de quelques jours, j’ai com­pris que son mar­tyre avait fait de lui un frère uni­ver­sel ». Pour­tant, celle-ci estime que « ce sera l’occasion de reve­nir sur le rôle des ser­vices de l’État qui n’ont pas assez sur­veillé ces per­sonnes que l’on savait radi­ca­li­sées ». « Je suis cer­taine qu’avec plus de sérieux, la mort de Jacques aurait pu être évi­tée », poursuit-elle.

Le pro­cès doit durer quatre semaines. Outre le volet judi­ciaire, il y a la dimen­sion ecclé­siale. Le père Hamel est au cœur d’un autre pro­cès, en béa­ti­fi­ca­tion cette fois. L’ar­che­vê­ché de Rouen a remis un dos­sier de quelque 12000 pages à la Congré­ga­tion pour les causes des saints. Le prêtre devrait être recon­nu mar­tyr, c’est-à-dire “mort en haine de la foi”.