La chambre disciplinaire de la région Île-de-France n’a pas retenu la plainte déposée à l’encontre du professeur Christian Perronne. Il était accusé de propos controversés sur l’épidémie de covid.

L’ins­tance régio­nale rend la déci­sion publique ven­dre­di 21 octobre. Elle pré­cise que ce «spé­cia­liste inter­na­tio­na­le­ment recon­nu» était «légi­time» à s’ex­pri­mer sur le sujet. Il a été jugé qu’il n’a pas «appe­lé à la vio­lence, ni inci­té à la haine, ou eu un dis­cours “anti­vax”», ni «gra­ve­ment mis en cause des confrères». Le Conseil natio­nal de l’ordre des méde­cins (Cnom) compte faire appel « dans les meilleurs délais ».

Le Conseil de l’Ordre avait attaqué plusieurs médecins

Mar­di 13 sep­tembre, le pro­fes­seur Chris­tian Per­ronne était audi­tion­né pour répondre de pro­pos « indignes de la fonc­tion qu’il exerce » et de la « grave » mise en cause de « confrères ayant pris en charge un membre de sa famille ou ayant par­ti­ci­pé à des déci­sions sani­taires des pou­voirs publics ». Ces mots sont ceux du Cnom. L’ins­ti­tu­tion por­tait plainte en novembre 2020 contre six pra­ti­ciens aux avis contro­ver­sés sur l’épidémie de Covid-19. Par­mi eux, le pro­fes­seur Chris­tian Per­ronne, ancien pré­sident de la com­mis­sion spé­cia­li­sée « mala­dies trans­mis­sibles » du Haut Conseil de la san­té publique, vice-pré­sident en 2009 d’un groupe de tra­vail de l’OMS sur la poli­tique vac­ci­nale euro­péenne. Chef de ser­vice des mala­dies infec­tieuses à l’hô­pi­tal Ray­mond Poin­ca­ré de Garches, la direc­tion le démet de ses fonc­tions en décembre 2020 à cause de ses pro­pos sur l’é­pi­dé­mie. La petite foule venue le sou­te­nir avait applau­dit le méde­cin à sa sor­tie de la chambre dis­ci­pli­naire. « La dis­cus­sion était très calme et sereine, avait-il décla­ré. Toute ma car­rière, je l’ai dévouée aux malades ».

Quelle suite est don­née aux autres plaintes dépo­sées par l’Ordre en 2020 ? Le pro­fes­seur Didier Raoult, micro­bio­lo­giste fran­çais spé­cia­liste des mala­dies infec­tieuses, lau­réat du grand prix de l’Inserm en 2010, quitte la direc­tion de l’Institut hos­pi­ta­lo-uni­ver­si­taire de Mar­seille en août 2022. Il rece­vait en 2021 un blâme de l’Ordre des méde­cins de Nou­velle-Aqui­taine pour sa pro­mo­tion de l’hydroxychloroquine en trai­te­ment contre la covid. La chambre dis­ci­pli­naire du Centre-Val-de-Loire a de son côté condam­né Hélène Rezeau-Frantz, méde­cin géné­ra­liste de la région mon­tar­goise, accu­sée de la pres­crip­tion d’an­ti­his­ta­mi­niques contre la covid. Sa patien­tèle mène un dis­cret com­bat contre la déci­sion prise en novembre 2021. Le Cnom a fait appel de ces deux arrêts afin d’ag­gra­ver les peines.

La plainte de l’Ordre des médecins était permise par le Conseil d’État

Le 28 sep­tembre, le Conseil d’État rejette la requête en excès de pou­voir dépo­sées par le pro­fes­seur Per­ronne et cinq autres méde­cins en décembre 2020. Ils deman­daient l’an­nu­la­tion d’un décret adop­té le 22 décembre 2020 qui intro­dui­sait de nou­velles dis­po­si­tions dans le Code de déon­to­lo­gie des méde­cins. Celles-ci sti­pu­laient que « lorsque le méde­cin par­ti­cipe à une action d’information du public (…), il ne fait état que de don­nées confir­mées, fait preuve de pru­dence et a le sou­ci des réper­cus­sions de ses pro­pos auprès du public » et qu’il « doit se gar­der de pré­sen­ter comme des don­nées acquises des hypo­thèses non encore confir­mées ». Ce sont ces articles qui avaient per­mis la pour­suite et la condam­na­tion par l’Ordre de plu­sieurs pra­ti­ciens. Le Conseil d’État a jugé que ces obli­ga­tions ne por­taient pas une atteinte dis­pro­por­tion­née à la liber­té d’ex­pres­sion des médecins.

La crise de la covid met en lumière des pres­sions déjà pré­sentes dans le milieu médi­cal. En témoignent par exemple les anté­cé­dents des méde­cins cibles du Cnom en décembre 2020. Le pro­fes­seur retrai­té Hen­ri Joyeux, can­cé­ro­logue recon­nu, avait failli être radié de l’Ordre des méde­cins en 2016. Il avait lan­cé une péti­tion contro­ver­sée sur les dan­gers des vac­cins pour les nour­ris­sons. Le pro­fes­seur Per­ronne était lui vive­ment décrié depuis 2017 du fait de ses prises de posi­tion non conven­tion­nelles sur la mala­die de Lyme.