Le chouchou du cyclisme français a annoncé qu’il prendrait sa retraite en fin de saison, après deux ans de galère dont l’origine remonte à la première étape du Tour de France 2020.

Fait his­to­rique ce 29 août de l’an deux mil vingt, le Tour de France prend tout juste son départ à Nice. C’est l’édition la plus tar­dive que l’épreuve n’ait jamais connue, Covid oblige. Et si la suite de ce Tour sera à la hau­teur avec un chan­ge­ment de maillot jaune la veille de l’arrivée, la France cycliste retien­dra sa pre­mière jour­née. Ce same­di, pour le grand départ, quelques sup­por­ters, mas­qués, ont bra­vé la pluie esti­vale pour aller encou­ra­ger les cou­reurs, sur une étape plu­tôt des­ti­née aux sprin­teurs. Face à la route glis­sante, le pelo­ton se neu­tra­lise à 50 km de l’arrivée, frei­né par la pluie. La fin de l’étape se passe sans accrocs, jusqu’à l’arrivée sur la pro­me­nade des Anglais, où la ner­vo­si­té d’une arri­vée au sprint com­mence à se faire sen­tir. C’est à trois kilo­mètres de la ligne d’arrivée que se pro­duit une chute mas­sive, où de nom­breux cou­reurs sont impli­qués. Et rapi­de­ment, les camé­ras se braquent sur un homme : « Thi­baut Pinot est à terre ! »

La chute d’un empire

Le grim­peur de la Grou­pa­ma-FDJ était per­çu comme l’un des favo­ris pour le maillot jaune, aux côtés de Ber­nal et Roglic. L’an pas­sé, il était par­ve­nu à dis­tan­cer les favo­ris dans cer­tains cols, et était très bien pla­cé avant son aban­don pour une bles­sure mus­cu­laire. Son début de sai­son 2020 a été pro­bant, avec une seconde place à moins de 30 secondes du vain­queur sur le cri­té­rium du Dau­phi­né, devant Poga­car. La mine dépi­tée, Pinot se relève, il gri­mace, accou­dé sur son cadre. Son maillot est déchi­ré à l’épaule, et son cuis­sard montre une plaie à la cuisse droite. Le soir même, il déclare avoir connu « l’une des pires jour­nées de ma car­rière ». L’organisation décide fina­le­ment de clas­ser les cou­reurs tom­bés dans le temps du vain­queur, ne condam­nant pas encore le Franc-com­tois. Il sur­vit à la pre­mière semaine, évi­tant les bor­dures et res­tant dans le coup. Mais le cou­pe­ret tombe à la 8e étape, où il se fait dis­tan­cer en mon­tagne. Il s’étire, se tient le bas du dos : les espoirs tri­co­lores s’envolent. Il fini­ra cette Grande Boucle dans la dou­leur, vou­lant aller au bout, sans jamais par­ve­nir à faire la différence.

Pas de mental TiboPino ?

On a sou­vent dit de Pinot qu’il n’avait « pas de men­tal » pour expli­quer ses mul­tiples échecs (quatre aban­dons sur le Tour de France depuis 2016) et suc­cès inache­vés. Pour­tant, deux ans à ten­ter de reve­nir au plus haut niveau auront prou­vé qu’il a de grosses res­sources psy­cho­lo­giques. Après un an sans cou­rir pour se soi­gner, il effec­tue un retour timide avec deux vic­toires en 2022, mais jamais avec la même puis­sance en mon­tagne. Pour­tant le Fran­çais se bat jusqu’au bout, à 30 ans pas­sés : sur le Tour des Alpes 2022, il est rat­tra­pé par Miguel Angel Lopez sous la flamme rouge lors de la qua­trième étape et ter­mine deuxième du jour. « Ça fait chier parce que ça m’au­rait fait du bien […] j’au­rais pu tour­ner cette page de merde et pas­ser à autre chose », déclare-t-il en larmes. Cette page, c’est plus de 1000 jours sans lever les bras, depuis une arri­vée en soli­taire au Tour­ma­let, sur le Tour 2019. Sans avoir des bonnes jambes, Thi­baut conserve pour­tant tou­jours son esprit com­pé­ti­teur. Le len­de­main, pour la 5e étape du Tour des Alpes, il repart à l’attaque et s’impose cette fois dans un sprint, encore en pleurs. Le cyclisme fran­çais perd un homme au men­tal de gagnant, même dans les moments difficiles.