Si le dis­cours d’Emmanuel Macron du 28 sep­tembre a pu sus­ci­ter des espoirs chez les auto­no­mistes de Femu a Cor­si­ca majo­ri­taires à l’Assemblée ter­ri­to­riale, nom­breux sont ceux qui, au sein du mou­ve­ment natio­na­liste corse, pointent du doigt la néces­si­té de reprendre la lutte contre l’Etat.

En Corse, les indé­pen­dan­tistes comptent un nou­veau mou­ve­ment : Chja­ma Patriot­ta (l’Appel Patriote). Il entend renouer avec les fon­da­men­taux du natio­na­lisme : indé­pen­dance, offi­cia­li­sa­tion de la langue corse, lutte contre la spé­cu­la­tion immo­bi­lière, etc. CP réunit des indé­pen­dan­tistes de Cor­si­ca Libe­ra, du Syn­di­cat des tra­vailleurs corses (STC), ain­si que l’ancien pré­sident de l’Assemblée ter­ri­to­riale Jean-Guy Tala­mo­ni sans oublier un col­lec­tif d’anciens pri­son­niers « politiques ».

Chja­ma Patriot­ta est né à Corte, ancienne capi­tale de la Corse pao­lienne et cœur bat­tant du natio­na­lisme. Fon­dé sur l’idée de « construc­tion natio­nale alter­na­tive », son pro­gramme reprend une par­tie du « Livre blanc » du Front de libé­ra­tion natio­nale corse (FLNC) des années 1980.

Deux idées du dis­cours d’Emmanuel Macron, approu­vées par la majo­ri­té auto­no­miste à l’Assemblée corse, ont pro­vo­qué l’ire d’une par­tie du camp natio­na­liste dans son ensemble, et des indé­pen­dan­tistes en par­ti­cu­lier. 

D’a­bord, la locu­tion acro­ba­tique employée par le pré­sident de la Répu­blique : « com­mu­nau­té insu­laire corse ». Emma­nuel Macron ne vou­lait pas par­ler de peuple corse, bien que ladite com­mu­nau­té se défi­nisse par sa langue, sa place sur la terre corse, sa culture et son histoire…

Ensuite, le fait de devoir « ancrer la Corse dans la France et la Répu­blique », idée per­çue par cer­tains comme un renon­ce­ment au cœur du com­bat nationaliste.

Beau­coup de mou­ve­ments poli­tiques corses consi­dèrent que le dis­cours d’Emmanuel Macron ne fut pas clair. Core in Fronte, par exemple, remet en cause l’i­dée d’une néces­saire “una­ni­mi­té” à l’As­sem­blée de Corse, ce que le pré­sident désigne comme pré­re­quis à toute avan­cée du pro­ces­sus. La droite insu­laire de Un Sof­fiu Novu repré­sen­tée à l’As­sem­blée natio­nale par l’an­cien maire d’A­jac­cio Laurent Mar­can­ge­li semble plus enthou­siaste, jugeant qu’un pro­jet trop radi­cal puisse com­pro­mettre les chances d’une évo­lu­tion vers l’autonomie. 

La nais­sance de Chja­ma Patriot­ta avec ses appels à la lutte, « a lot­ta » en corse, mot emblé­ma­tique de l’âge d’or du com­bat natio­na­liste dans les années 70–80, témoigne tou­te­fois d’une nou­velle ambiance politique.

Au cœur du pro­ces­sus d’autonomie, il y a plu­sieurs pro­blé­ma­tiques : la spé­cu­la­tion immo­bi­lière, la pré­ser­va­tion de la culture corse, la démo­gra­phie, l’insécurité. La ques­tion bru­lante de l’immobilier s’ag­grave comme le montre la mul­ti­pli­ca­tion d’attentats contre des chan­tiers. L’in­com­pré­hen­sion gran­dit de plus en plus grande entre Corses et conti­nen­taux, comme en témoigne le fort contraste entre la fer­veur natio­na­liste et cer­taines décla­ra­tions de la classe poli­tique fran­çaise. Le 28 octobre, Sébas­tien Che­nu (RN) disait par exemple s’op­po­ser à l’au­to­no­mie et même à la recon­nais­sance du peuple corse.