15 000 manifestants se sont réunis dimanche 22 octobre à l’initiative du Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens, en réaction aux bombardements israéliens sur la bande de Gaza. Un pacifisme de façade qui laisse voir un parti pris certain.

La place se rem­plit petit à petit d’une foule bario­lée arbo­rant joyeu­se­ment kef­fiehs et dra­peaux pales­ti­niens. Le noir, le vert, et le rouge sont à l’honneur dans cette mani­fes­ta­tion plus que le dra­peau blanc de la paix. Avant l’arrivée mas­sives des par­ti­ci­pants, les stands s’installent, entou­rés de pan­cartes et de ban­de­roles faites à la main et fiè­re­ment expo­sées. Ici on cui­sine tuni­sien, ici on vend des kef­fiehs, là-bas une sono dif­fuse tan­to des musiques tra­di­tion­nelles tan­tôt des chan­sons popu­laires remixées à l’orientale. Bel­la Cio en arabe, qui fait dan­ser Michèle, au centre d’un petit cercle de curieux, de femmes voi­lées et de magh­ré­bins âgés qui tapent dans leurs mains en rythme. « Nous sommes pour une Pales­tine indé­pen­dante, laïque et démo­cra­tique », affirme la retrai­tée, qui vend des mani­festes du Par­ti Com­mu­niste entre deux chan­sons. L’on moins de la paix que de la Pales­tine et avec un peu d’imagination on s’y croi­rait presque.

« Halte au géno­cide du peuple pales­ti­nien », scande la foule avec enthou­siasme. A 15h, la place se noir­cit en quelques minutes, l’ambiance monte. Moins de danses, plus de slo­gans, de reven­di­ca­tions, quelques fumi­gènes éparses sont cra­qués, des jeunes bran­dis­sant des dra­peaux esca­ladent la sta­tue à la Répu­blique. Les slo­gans cla­més ou arbo­rés sur les pan­cartes et les tracts condamnent les mas­sacres d’Israël sur la Pales­tine et la com­pli­ci­té de l’Occident. Des étu­diants paradent avec un sweat « boy­cott Israël », ils sont nom­breux à être venus entre amis, cer­tains mili­tants du NPA ou du Par­ti mon­dial de la révo­lu­tion. Comme les retrai­tés, comme les familles musul­manes dont les enfants agitent des dra­peaux en riant, ils ne parlent pas de la paix. Per­sonne ne semble y croire.

Pour la Paix ou contre Israël ? 

Luttes et dis­cours convergent chez les gau­chistes révo­lu­tion­naires et les com­mu­nau­tés issues de l’immigration ; tous dénoncent les crimes de guerre, les mas­sacres, la bar­ba­rie. Cer­tains ont impri­mé des pho­tos d’enfants tou­chés par des muni­tions au phos­phore blanc, aux béances plus par­lantes que mille affiches.  Mais toutes les vic­times ne sont pas pleu­rées, et la cause de la tra­gé­die que vit cette région depuis 1948 est clai­re­ment iden­ti­fiée : l’Etat d’Israël. Des phrases telles que « sio­nistes, fas­cistes, c’est vous les ter­ro­ristes ! » et « libé­rez la Pales­tine ! » emportent l’adhésion de la foule qui déborde main­te­nant sur le bou­le­vard. D’après Abdes­lam, « il faut sou­te­nir la Pales­tine. Israël attaque avec des gros avions, des armes vio­lentes, et les pales­ti­niens sont seuls avec le monde contre eux. Les amé­ri­cains et Macron se couchent devant Neta­nya­hou ». Dans leur méga­phone, les dif­fé­rents ani­ma­teurs n’appellent pas fran­che­ment à la fin du conflit. D’ailleurs, com­ment cette guerre inso­luble pour­rait-elle s’achever ? Bal­du se posi­tionne pour la sépa­ra­tion des deux popu­la­tions en deux Etats dis­tincts. Algé­rien, il a 47 ans et semble très impli­qué dans la mani­fes­ta­tion. Claude, 80 ans, l’in­ter­pelle : « Vous y croyez, vous, à la solu­tion à deux Etats ? Non il faut un seul Etat, une Pales­tine laïque et indé­pen­dante. » Et il ajoute avec cer­ti­tude : « Il faut rayer Israël de la carte »…

« Après 75 ans de colonisation sioniste, ils se défendent comme ils peuvent, avec des cailloux ou avec des kalachs » 

Ici, tout le monde est pour la paix mais pas n’importe laquelle, pas à n’importe quel prix. Aujourd’­hui, place de la Répu­blique, appe­ler à la paix, c’est deman­der un ces­sez-le-feu. Et refu­ser « cela est cri­mi­nel, ren­ché­rit Bal­du, car des mil­liers d’innocents meurent et bien­tôt tout le Moyen Orient va s’embraser ». La vio­lence pales­ti­nienne n’est pas en soi condam­née, même si nombre de per­sonnes inter­ro­gées disent ne pas sou­te­nir le Hamas. La paix, oui, si elle passe par la libé­ra­tion de la Pales­tine. Et des dra­peaux rouge, noir, blanc et vert flottent sur la République.