Le Petit Palais, en partenariat avec la prestigieuse Galerie nationale Trétiakov de Moscou, accueille jusqu’au 23 janvier prochain la première rétrospective française dédiée au peintre russe Ilya Répine (1844–1930).
Il était de ceux qui, les derniers, contemplèrent l’ultime éclat de la Grande Russie. Ilya Répine fut le témoin de son temps : né en 1844 dans une famille de serfs, c’est par la peinture d’icône et sa tradition millénaire qu’il découvre l’art avant de rejoindre l’Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg. C’est là qu’il rencontre Kramskoï, chef de file des Ambulants, ces artistes réfractaires à l’Académisme millimétré qui s’essayent depuis la « Révolte des Quatorze » de 1863 à un réalisme jusqu’alors proscrit par la doxa. Avec eux, la peinture quitte la gloire et le mythe : le charme désuet des isbas et l’authenticité poignante des portraits des moujiks dans leurs steppes orientales supplantent la superbe des palais impériaux.
Le sacre d’une génération
Répine fut le spectateur des grands bouleversements qui secouèrent la Russie au crépuscule du XIXe siècle, en cette époque qui fut également celle de l’avènement des arts et des sciences. Consacré par ses pairs, ami de Tolstoï dont il peignit une vingtaine de portraits, de Tourgéniev et des compositeurs du célèbre « Groupe des Cinq », dont Rimski-Korsakov, Borodine et Moussorgski, il fut aussi l’observateur d’une vie culturelle et intellectuelle sémillante. C’est à eux, puis à sa famille qu’il peint avec tendresse, ainsi qu’à la foule des anonymes et des sacrifiés du bagne et de la guerre, que cette exposition à la densité remarquable rend un hommage vibrant.
La splendeur surannée d’un régime agonisant
Si les idées révolutionnaires et populistes qui conquièrent le peuple russe de la fin du siècle le séduisent un temps, Répine reste fidèle aux tsars dont il immortalise les traits dans quelques compositions monumentales : Alexandre III recevant les doyens des cantons en 1886 et Nicolas II dix ans plus tard. Dans ses tableaux, l’élégance surannée d’un régime agonisant côtoie l’extrême misère des haleurs en guenilles tirant les lourdes péniches le long de la Volga. C’est cette puissance évocatrice, celle des visages balafrés et des corps décharnés, qui lui vaut le scandale qui souvent, en peinture, précède le triomphe.
Les révolutions de février et d’octobre 1905 qui ébranlent la couronne sonnent le glas de l’ancien monde : le peuple se dresse contre Nicolas II jusqu’aux événements tragiques de 1917. Déçu par le bolchévisme de Lénine, Ilya Répine termine ses jours dans la solitude et le dénuement. Exilé dans une Finlande devenue indépendante, il ressuscite dans ses dernières compositions l’âme exaltée de sa Russie bien-aimée, celle de la balalaïka, des cosaques et des palais, des cathédrales bigarrées et de l’encens qu’on y brûlait.
Jusqu’au 23 janvier 2022
Petit Palais
Avenue Winston Churchill, 75008 Paris
Du mar. au dim. 10h-18h, nocturne le ven. jsq. 21h
Tarifs : 11€ à 13€, gratuit ‑18 ans