Jusqu’aux années 60, l’Éducation nationale incarnait l’autorité du maître et la transmission du savoir. Aujourd’hui, l’esprit et les méthodes de cette institution en crise sont incapables d’empêcher la radicalisation des jeunes issus de l’immigration à majorité musulmane.
C’était il y a un an : les Français découvraient l’horreur : un professeur d’histoire-géographie égorgé et décapité par un islamiste non loin de son lycée. La victime s’appelle Samuel Paty. Effarement au gouvernement, stupeur de la classe politique, colère des Français : on parle d’union nationale, de fraternité, de laïcité et de liberté d’expression. À l’horreur du crime s’ajoute la figure de la victime. Le professeur ne représente pas seulement le savoir ; il fait le lien entre les générations et les milieux ; symbolise l’accès au travail et à l’intelligence, incarne la neutralité de l’État et la rationalité scientifique si caractéristique de la fin du XIXe siècle.
En somme, les hussards noirs étaient à la République ce que les curés en soutane noire étaient à l’Église. S’attaquer à un professeur, c’était s’en prendre à une forme d’évangélisation républicaine.
Deux sondages périment la vision héritée des hussards noirs
L’un vient de l’IFOP (septembre 2020), l’autre de la fondation Jean Jaurès (juillet 2021). Le premier dit que :
- 26 % des jeunes musulmans de moins de 25 ans ne condamnent pas explicitement les auteurs des attentats du 7 Janvier 2015 ;
- 12 % les condamnent tout en admettant partager certaines de leurs motivations ;
- 5 % déclarent ne pas condamner les frères Kouachi ;
- 13 % se disent indifférents à l’égard de ces terroristes.
Ce sondage conclut ainsi : “Au total, la proportion de Français musulmans n’exprimant de condamnation à l’égard des assassins de Charlie Hebdo est donc deux fois supérieure (18 %) à la moyenne nationale (8 %).
De son côté, la fondation Jean Jaurès posa une question aux professeurs : Samuel Paty a‑t-il eu tort de faire un cours sur la liberté d’expression ?
- 9 % répondaient par l’affirmative ;
-16 % refusaient de se prononcer.
Ce sondage montre que les enseignants de moins de 30 ans sont moins attachés à la liberté d’expression qu’à un certain relativisme culturel.
L’image que la plupart des Français se font du professeur ne correspond pas à la réalité. Héritiers de 68, ils éduquent leurs élèves dans l’idée qu’ils sont naturellement bons, libres et égaux. L’Éducation nationale les encourage à discuter plutôt qu’à sanctionner et à comprendre plutôt qu’à noter. Cette attitude n’est pas mauvaise soi, pour peu qu’elle ne s’apparente à une démission. Dans bien des cas, on assiste au règne de l’enfant roi : un être tyrannique qui pense que tout lui est dû, prompt à se faire justice lui-même.
Puisque l’élève est naturellement bon, comment ses désirs pourraient-ils ne pas l’être ? Les enseignants se retrouvent piégés par leur vision de la nature humaine. Celle-ci se retourne contre contre eux. N’éduquant plus les jeunes venus d’ailleurs ni même les petits Français, l’Éducation nationale subit la pression d’autres mœurs et d’autres lois — fort peu disposées au compromis.