Le groupe Facebook est rebaptisé Meta pour « Metaverse ». Coup de com pour l’entreprise, récemment mise à mal par les accusations de deux de ses employés et sa panne mondiale le 4 octobre. Mais aussi confirmation de l’implication des réseaux dans les enjeux humains et scientifiques d’aujourd’hui. Décodage.
Pour rappel :
·Septembre 2021, la lanceuse d’alerte Sophie Zhang, ex-salariée du groupe Facebook où elle a occupé pendant 2 ans le poste de « data-scientist », dénonce l’utilisation des données à des fins politiques. En parallèle, Frances Hauguen, autre ex-employée de Facebook, divulgue des dizaines de milliers de documents internes accusant l’entreprise de privilégier la rentabilité au détriment de la sûreté des utilisateurs. ·Le 4 Octobre 2021, le monde entier est affecté par une panne de plusieurs heures compromettant l’accès aux comptes et messageries des réseaux. ·Le 18 Octobre 2021, après ces deux « bad buzz « affectant le géant, Mark Zuckeberg, annonce officiellement procéder au recrutement massif d’employés en vue de l’élaboration d’un projet quasi-futuriste : le « metaverse ». ·Le 28 jeudi Octobre 2021 : Mark Zuckeberg renomme Facebook « Meta », afin de mieux cerner le « projet global » du groupe. |
« Meta » ou le nom d’une ambition révolutionnaire
« Meta » : c’est ainsi que s’appellera désormais le groupe Facebook a annoncé jeudi 28 octobre son fondateur et dirigeant Mark Zuckerberg, lors d’une prise de parole. Comprenant Instagram, le réseau social Facebook, la messagerie WhatsApp et Oculus VR, cette société américaine créée en 2004, trônant au côté de Google, Apple, Amazone et Microsoft (GAFAM), fait parler d’elle. Les révélations sur l’utilisation de données à des fins politiques avaient fait débat. Mais si beaucoup d’utilisateurs récusent l’ingérence des réseaux dans le spectre politique, personne ne semble s’inquiéter de l’implication de ces derniers dans des problématiques humaines encore plus vastes et qui ne devraient à priori pas les concerner. La nouvelle dénomination du groupe acte ainsi l’ambition transgressive du groupe.
C’est en effet une appellation lourde de signification à l’heure où les progrès scientifiques s’accélèrent et outrepassent les limites de l’humain. Et ce, quels que soient les domaines : politique, sportif, médical, éthique, bioéthique. L’étymologie grecque du mot en témoigne : meta est un préfixe grec qui signifie « après, derrière, au-delà ». Au-delà de quoi ? Si pour Aristote, au-delà de la physique se trouve la métaphysique, pour Mark Zuckerberg, au-delà du réel se trouve un autre univers, le « metaverse ».
Quand le rêve devient réalité … pour le meilleur et pour le pire
Le concept de « metaverse » pour « meta-univers », tire son nom du roman dystopique de Neal Stephenson, Snow Crash (1992), en
français, Le Samouraï virtuel. Le héros y rejoint grâce à des lunettes connectées un espace virtuel collectif. Ce qui devrait bientôt se réaliser. De quoi effrayer quand on sait que ces scénarios fictifs ont pour objectif de prévenir la société des dérives scientifiques. Le baptême d’un tel projet par son démiurge inaugure donc un monde aux frontières encore inviolées mais pour autant sans limites. Espace et temps sont en effet abolis. Le nouveau logo, rappelant le symbole infini en témoigne.
Une référence au gigantesque projet du fondateur
Le metaverse est en effet l’entreprise prométhéenne qui devrait mener au recrutement de millions de personnes dont 10 000 provenant de l’Union Européenne. Le « metaverse », serait une sorte « d’internet incarné ». L’homme n’y serait plus seulement « consommateur de contenus » mais « acteur d’expériences ». Dans ce monde immersif, brouillant les frontières du réel et du virtuel, boire un verre avec des amis situés à des milliers de kilomètres, faire du sport à distance et en conditions réelles sera désormais possible et facile. «Le métaverse est la prochaine frontière. C’est la promesse ultime, qui permettra de rapprocher les gens, d’avoir une sensation de présence, de pouvoir se téléporter n’importe où » a déclaré le porteur du projet. Projet séduisant mais alarmant quand on mesure les enjeux sous-jacents.
Le metaverse, un projet qui dévoie l’essence même du rapport au monde et aux autres
« La qualité essentielle du métaverse sera la présence — le sentiment de vraiment être là avec les gens » annonçait déjà en juillet Mark Zuckerberg sur son compte Facebook. Comment ne pas s’inquiéter de ce que les « sentiments », les sensations, prendront le pas sur la réalité ? Descartes était bien le premier à s’inquiéter de la tromperie des sens dans ses Méditations métaphysiques. Aujourd’hui on la provoque, avec pour seul levier le plaisir. Changement de société : on s’efforçait auparavant d’aller au-delà des apparences, aujourd’hui on accourt au-devant, à coup de réalité virtuelle (VR) ou réalité augmentée (AR). On ne veut pas la vérité du réel, on la fuit.
Mark Zuckeberg, fondateur et dirigeant de cette célèbre entreprise ne se contente donc pas d’amasser les bénéfices mais de transformer ‑ou d’accompagner la transformation- de l’essence même de l’homme. La sémantique des limites ou plutôt de l’absence de limite est donc légitiment à l’ordre du jour dans les dénominations. Et ce, dans le monde économique comme dans le champ politique. Pour Edouard Philippe avec son nouveau parti « Horizon » et Facebook devenu « Meta », le 7ème ciel au goût d’enfer n’est plus très loin. Si tant est qu’on n’y soit pas déjà.
Blandine Neviaski