Seuls sur le terrain, les professionnels du tennis ont derrière eux des équipes bien rodées, qui sont de tous les voyages. Mais les frustrations sur le court peuvent mettre en lumière des relations ambivalentes entre le joueur et son clan.
Ils sont conjoints, parents, frères ou sœurs du joueur. Ils sont aussi entraîneurs, préparateurs physiques, physiothérapeutes, attachés de presse… Tous ont une place de choix dans le box du joueur qu’ils encouragent et préparent pour être au meilleur de sa forme à chacun de ses tournois disputés. S’ils sont les premiers à se lever pour acclamer leur champion, ils sont aussi en première ligne lorsque celui-ci dérape ou perd le contrôle du match.
Les liens avec le clan forgent une destinée
« Cette victoire est autant la vôtre que la mienne », disait avec émotion Novak Djokovic aux membres de son clan, lors de son dixième sacre à Melbourne. Il venait d’adresser au clan d’en face toutes ses félicitations pour le parcours de leur poulain, en l’occurrence Stefanos Tsitsipas. Une simple formalité, mais qui en dit beaucoup sur l’implication de l’entourage des joueurs dans leur carrière tennistique. Des liens durables se tissent dans ces équipes très soudées, à mesure que le joueur prend du galon sur le circuit ATP.
Si certaines histoires ou coaching sont éphémères, d’autres donnent l’impression d’une longévité infinie. Roger Federer, Rafael Nadal ou encore Novak Djokovic ont su s’entourer de proches indéboulonnables, qui ont été de toutes les rencontres. Pour Roger, sa femme Mirka, pour Nadal, son oncle et entraîneur Toni, vingt ans à ses côtés, et pour Novak, sa sœur et ses parents. Le clan est la source d’énergie du joueur, la raison de ses victoires aussi, parfois. Suivre son champion sur l’ensemble d’une saison dans ses moindres déplacements est révélateur de sacrifices immenses. Alors, comme un hommage, les joueurs savent leur être reconnaissant, lorsque vient le moment de brandir le trophée tant convoité.
Mais une équipe a ses lignes de tension. Depuis quelques années, rares sont les matchs qui se déroulent sans drama, entre un joueur et l’arbitre de chaise, ou avec le clan d’en face. Il arrive même que le propre clan du joueur fasse office de défouloir, dans un moment d’égarement. Retour sur quelques épisodes emblématiques.
Des hauts et des bas
Demi-finale du Master 2014. La partie oppose Stan Wawrinka et son compatriote Suisse, Roger Federer. En grande forme cette saison, Wawrinka accroche Federer dans un match tendu. Vers la fin de la rencontre, Stan reproche à Mirka Federer de parler systématiquement juste avant le service de son mari, pour déconcentrer le receveur. A Mirka de lui rétorquer un « Cry baby » qui met le tenant du titre de Melbourne hors de lui. S’adressant à Roger au filet, celui-ci lui demande, excédé : « Peux-tu dire à ta femme de la fermer ? » Mythique.
Sept ans après, le même Stan Wawrinka remet le couvert. Défait par le jeune tempétueux Holger Rune au premier tour de Paris Bercy, le Suisse n’est pas tendre lors de leur poignée de mains. « Mon conseil est que tu arrêtes d’agir comme un bébé sur le court », lui aurait-il dit. Et pour cause : le jeune Danois se lâche constamment sur son clan, en particulier sur sa mère. A chacune de ses rencontres, ce sont des cris vers les siens. En quarts-de-finale de Roland-Garros, Rune avait même intimé à sa mère de quitter son box. Signe visible d’une maturité en cours d’éclosion.
Autre personnalité de ces arènes du tennis : Apostolos Tsitsipas, en même temps père et coach du finaliste de l’Open d’Australie 2023. Il s’est fait le champion du coaching à outrance, depuis son box, et beaucoup d’adversaires de Stefanos lui ont déjà vertement reproché. Il parle trop, et ça dérange les joueurs. Régulièrement associé au comportement inapproprié de son père, Stefanos écope parfois d’avertissements de la part des arbitres de chaise : « J’ai déjà eu cette discussion avec mon père, indiquait-il à l’Open d’Australie 2022. C’est une personne qui, quand il y a beaucoup d’action, parle beaucoup, c’est une sorte de thérapie. » Faut-il autoriser le coaching ? En haut lieu, on en discute…
Du haut de ses 35 ans, Novak Djokovic a gardé ses sauts d’humeur. Et Goran Ivanisevic, son coach depuis 2019, en a fait les frais durant cette édition du tournoi de Melbourne. Lorsque Novak gagne un point décisif, le premier regard, fixe et déterminé, est pour son clan. Mais lorsque le match ne se passe pas comme prévu, l’ensemble du box tremble. C’était déjà le cas à Adelaïde, en préparation de l’Open d’Australie. Son frère avait pris la foudre, sans broncher. « Merci de me supporter, merci de me tolérer dans les bons comme dans les mauvais moments, comme aujourd’hui », avait déclaré le Serbe, nouvellement titré. Comme un air de « je t’aime, moi non plus ». L’humeur passe, tandis que la victoire et le titre restent figés dans l’histoire. Et ça excuse (presque) tous les dérapages.