Décrié par la Chine, le futur président taïwanais, Lai Ching-te, ne devrait pas déclarer formellement l’indépendance de Taïwan, évitant ainsi d’entrer en confrontation directe avec Pékin.
Un candidat indépendantiste à la tête de Taïwan ? La couverture médiatique du résultat de l’élection présidentielle taïwanaise par l’AFP a suscité une polémique parmi les chercheurs et les connaisseurs de Taïwan. Et pour cause, l’agence de presse a souligné les « positions en faveur de l’indépendance » du président élu, se fondant sur des propos remontant à plusieurs années. De nombreux médias français, emboîtant le pas de l’AFP, ont à leur tour qualifié le vainqueur de l’élection d’« indépendantiste ». Une étiquette politique quelque peu erronée et surtout malvenue au regard des tensions géopolitiques dans la région. « C’est inacceptable et un manque de professionnalisme total », fustige sur X (anciennement Twitter) le chercheur Antoine Bondaz pour qui « reprendre la rhétorique « indépendance ou non », c’est faire le jeu du grand voisin ». Au cours de la campagne présidentielle, Lai Ching-te s’est en effet borné à défendre le statu quo de l’île, mettant certes l’accent sur l’importance de sa « souveraineté », mais sans franchir le cap d’une promesse d’indépendance en bonne et due forme. « Tant qu’il y aura une relation d’égal à égal et digne, la porte de Taïwan sera toujours ouverte », affirmait le candidat quelques jours avant la tenue du scrutin.
« Nous ne soutenons pas l’indépendance »
Si l’exercice démocratique taïwanais est unanimement salué par les puissances occidentales, ces dernières maintiennent leur posture d’équilibre, prise entre considérations stratégiques et impératifs économiques. Réaffirmant leur volonté de « maintenir la paix et la stabilité dans le détroit [de Taïwan] », les Etats-Unis déclarent néanmoins privilégier « une résolution pacifique des différends, libre de toute coercition et de toute pression ». Une attitude officiellement prudente renforcée par la déclaration de Joe Biden : « Nous ne soutenons pas l’indépendance », a affirmé le président américain. Le Quai d’Orsay, de son côté, espère « qu’à la suite de ces élections, les liens avec l’île continueront de se renforcer », en précisant toutefois, « dans le respect de notre politique d’une seule Chine ». Cette élection présidentielle ne devrait donc pas changer immédiatement la donne pour Taïwan et la région Asie Pacifique. Washington maintient toujours le flou sur ses intentions militaires tandis que l’Europe, malgré un certain raidissement ces dernières années vis-à-vis de la Chine, demeure trop dépendante économiquement du géant chinois pour entrer dans une confrontation. Quant au président taïwanais élu, il s’inscrira vraisemblablement dans la continuité de son parti – le PDP, au pouvoir depuis 2016 – et de l’actuelle présidente du pays, Tsai Ing-wen. Les relations avec Pékin demeureront tendues et houleuses, mais aucune rupture imminente ne semble se profiler. En la matière, la balle est avant tout dans le camp de la Chine.
Vers la guerre ?
Sans grande surprise, Pékin a réagi au résultat de l’élection présidentielle, rappelant son opposition à tout « séparatisme » et en déclarant que le scrutin n’entraverait pas « la tendance inévitable d’une réunification ». Des menaces devenues habituelles et même convenues depuis plusieurs années. Dans le même temps, la Chine « déplore vivement » les félicitations américaines adressées au président élu taïwanais, invitant les États-Unis à respecter le « principe d’une seule Chine ». La veille du scrutin, déjà, le ministère chinois de la Défense indiquait maintenir « une vigilance élevée à tout moment », et se réserver le droit de prendre « toutes les mesures nécessaires pour écraser fermement les tentatives d’« indépendance de Taïwan » sous toutes leurs formes ». Faut-il craindre un passage à l’acte imminent ? De l’avis de nombreux spécialistes, le coût d’une opération militaire demeure trop important pour la Chine. Il n’en demeure pas moins que si cette élection présidentielle taïwanaise ne devrait pas, elle-même, conduire à la guerre, elle ne contribuera cependant pas à freiner une militarisation sans cesse croissante de la région asiatique, devenue l’épicentre de la géopolitique mondiale.