Présidence de la commission des Finances : les députés LR préfèrent le RN à LFI

Premier groupe d'opposition à l'Assemblée avec 89 députés, le RN réclame la présidence de la commission des Finances. La NUPES veut y faire échec mais les LR pourraient soutenir la candidature lepéniste.

Depuis Nicolas Sarkozy, la présidence de la commission des Finances est attribuée à un parti d’opposition. Une tradition respectée sous François Hollande puis Emmanuel Macron, avec successivement Gilles Carrez puis Eric Woerth. Elisabeth Borne promet de se plier à la règle : « Les députés de la majorité, dit-elle, respecteront la tradition de ne pas prendre part au vote. » Le RN a des chances de l’emporter et Gérard Larcher n'y est pas hostile : « La pratique républicaine consiste à considérer tous les élus avec un principe d’égalité et de respect. Ensuite, il y a un règlement à l’Assemblée nationale qui dit que le président de la commission des finances doit être issu de l’opposition. Or, je constate que le RN est le premier groupe d’opposition. Donc, elle devrait lui revenir », trancha sur BFMTV le président du Sénat.

NUPES : le danger du candidat unique

Seulement voilà, la NUPES rejette cette perspective. Bien que ses membres refusent de s’associer pour former un groupe commun, l'union de la gauche pousse un candidat unique en la personne du député LFI Éric Coquerel. « Il est acté que ce sera aux Insoumis de choisir, c’est la principale force », confirme le député écologiste Benjamin Lucas. Face au danger, le Rassemblement national et Les républicains pourraient conclure un arrangement inédit, selon Le Figaro. Les républicains seraient prêts à soutenir une présidence RN, en échange d’un poste de questeur. Le questeur occupe une fonction clé au sein de l’Assemblée. Il a notamment la charge d’élaborer son budget, de gérer les crédits et d’engager les dépenses. Depuis 1973, il est de tradition que deux des trois questeurs soient membres de l’opposition. Les LR souhaitent à tout prix éviter que LFI remporte la présidence de la commission des Finances : « Ce serait une catastrophe. LFI est jugée encore plus repoussoir que le RN au sein du groupe » confie un parlementaire LR. Si un accord, même officieux, lie le RN à LR, jusque-là présentés comme antagonistes, ce serait une première dans l’histoire de la Ve République. L’élection des huit présidences de commission se déroulera mercredi prochain, le 29 juin, à bulletins secrets.


Jubilé d’Elizabeth II : à Saint-Paul, l'Angleterre fait l'éloge de sa souveraine

Vendredi 3 juin, à la cathédrale anglicane Saint-Paul de Londres, un office religieux rendit hommage à la reine Elizabeth II pour ses 70 ans de règne. 

Ce fut une cérémonie religieuse très solennelle, en présence d'une quarantaine de membres de la famille royale ainsi que des anciens Premiers ministres Theresa May, David Cameron, Gordon Brown et Tony Blair. Certes, la reine était absente. A 96 ans, la souveraine souffrait d’« inconfort » au soir du deuxième jour des célébrations officielles de son jubilé de platine. Le prince Charles, héritier de la Couronne, était à la place d'honneur, avec son épouse Camilla à ses côtés. William et Kate étaient aussi au rendez-vous, sans leurs trois enfants cette fois-ci. Harry et Meghan, arrivés du Canada mercredi, durent se contenter du second rang dans la nef, au même titre que leurs cousins. Quant au propre fils de la reine, le prince Andrew, testé positif au coronavirus et pris dans le scandale de l'affaire Epstein, les media britanniques préférèrent ne pas trop commenter son absence.

Silencieuse mais pas muette

Le célébrant n'était autre que l’archevêque de York, le Révérendissime (The Most Reverend) Stephen Cotrell, deuxième dans le rang protocolaire après l’archevêque de Canterbury. Dans son homélie, le religieux salua en Elizabeth II, chef de l'Eglise d'Angleterre, l’exemple « d’une loyauté fidèle et d’une inébranlable cohérence ; d’une fidélité à Dieu, d’une obéissance à la vocation qui est le socle de sa vie ». Au service de son peuple, la souveraine sut s’adapter aux nombreux changements de société, en continuant d'incarner l'institution. La reine n’est pas souveraine de droit divin, mais par l’accident de la naissance. Elle est choisie par Dieu pour régner sur la Grande-Bretagne et le Commonwealth. L’archevêque de Canterbury loua cette vocation, vécue très fidèlement. Un paradoxe, pourrait-on dire, puisqu’elle brilla surtout par son silence durant 70 ans. Mais un silence qui parle propre au statut de la monarchie britannique, laquelle commande de régner et non gouverner, d'être un guide moral et spirituel, d'assurer la continuité, et de se situer au-dessus des controverses politiques. Un rôle pleinement accompli, auquel l’archevêque fit référence via le vocabulaire de l’équitation, loisir préféré du monarque : « Votre Majesté, nous regrettons que vous ne soyez pas physiquement parmi nous ce matin, mais sommes si heureux que vous soyez toujours en selle (in the saddle). Et nous sommes tous ravis qu’il y ait encore plus à venir. »

Une foi mise à l'épreuve

La foi d'Elizabeth II fut l’autre élément central du sermon : « Je n’ai pas honte de dire que je me repose sur Jésus Christ, que j’essaie de vivre près de son cœur. [...] Et vous me pardonnerez une telle présomption, c’est ce que vois aussi dans Sa Majesté la Reine », souligna l'archevêque d'York. Une foi que la reine ne cache jamais et qu’elle manifeste en particulier au moment de Noël, profitant de son message annuel pour tirer une leçon morale de la naissance de Jésus. Sa foi, la reine ne la vivait pas seulement en paroles mais aussi en actes. Le révérend Stephen Cotrell conclut sur ces mots : « Ce que je vois dans Sa Majesté la Reine, c’est quelqu’un qui a été capable de servir fidèlement notre nation, grâce à sa foi en Jésus-Christ. » De fait, il lui fallut beaucoup d'abnégation pour servir l'Angleterre pendant si longtemps, en particulier pour surmonter le déclin et les épreuves, de la fin de l'empire britannique à la mort de Lady Di et jusqu'aux turpitudes de ses fils.


Conservateurs, populistes et progressistes ? Le sens des mots décryptés par Olivier Dard

Pour être à la mode depuis 2017, il ne faut plus être de droite ou de gauche, mais assumer une pensée, une identité idéologique. Le second tour le montre : Marine le Pen et Emmanuel Macron ont une vision bien différente voire totalement opposée sur des sujets économiques et sociaux, mais aussi de la France en général. On retrouve un discours qui s'adresse aux classes populaires chez Marine le Pen face à un discours en faveur du « progrès » chez Emmanuel Macron. Olivier Dard, professeur à la Sorbonne en histoire des idées, et spécialiste des droites en France, nous donne un éclairage sur le positionnement idéologique des candidats.

Vous êtes le coauteur d’un récent Dictionnaire du progressisme[1], paru pendant la campagne présidentielle. Pourquoi un dictionnaire sur cette thématique ?

Lorsqu’on a fait le dictionnaire du conservatisme[2], on s’est rendu compte, Frédéric Rouvillois, Christophe Boutin et moi-même que chez Emmanuel Macron, il y a aujourd’hui deux ennemis : le conservatisme et le populisme. Par ailleurs depuis 2016, l'actuel président de la République se réclame ouvertement du progressisme. Il a répété cette affiliation sur le media en ligne Brut, le 8 avril dernier. La campagne de 2017 fut un nouveau tournant dans l’utilisation du terme progressiste. Mais le premier à mon sens – le plus récent – fut celui des débats sur le mariage pour tous en 2013, où les clivages « progressistes » contre « conservateurs » sont réapparus. Dans notre dictionnaire, nous cherchons à faire un panorama de l’utilisation de ce concept en politique et dans le langage médiatique.

Pourriez-vous nous faire un historique de ces deux termes ?

L’idée même de progrès d’abord, se développe surtout au XVIIIe siècle. La Révolution ensuite, reprend le concept à son compte, en cherchant à faire table rase du passé, de l’Ancien régime, et à créer une cité et un homme nouveaux. Le mot « progressisme » apparaît quant à lui en 1842 dans le dictionnaire des mots nouveaux, et s’oppose en France au terme « conservateur » à la fin du XIXe siècle. Les conservateurs désignent le camp monarchiste après 1875, lorsque légitimistes et orléanistes échouent définitivement à installer leur prétendant sur le trône de France. Attention, le mot « conservateur » date, lui, du début du XIXe siècle. Il désigne le titre de la revue Le Conservateur, dirigée par Châteaubriand à partir de 1816, qui contribue largement à la définition du terme.

Venons-en à la campagne présidentielle. Peut-on dire en ce sens qu’Emmanuel Macron incarne le candidat progressiste par définition ? Frédéric Rouvillois a publié un article intitulé « Macronie » ! Est-il possible de l’inscrire dans une lignée avec d’autres candidats aujourd’hui ?

Emmanuel Macron a accentué le dynamitage du clivage droite-gauche entre 2017 et 2022. Valérie Pécresse en a d’ailleurs fait l’aveu dans un entretien au Figaro le 12 avril dernier, en attribuant sa défaite au fait qu’Emmanuel Macron avait copié son programme. C’est une grave erreur à mon sens, parce qu’elle a fait la démonstration d’une faiblesse incontestable en avouant en fin de compte n’avoir presque aucune différence idéologique ou programmatique avec le président. La conclusion que j’en tire est que la droite républicaine gaulliste n’existe plus guère aujourd’hui, parce que n’ayant plus de socle idéologique propre.

A défaut de socle idéologique, les Républicains ont-ils encore un socle électoral ?

Non, et les 4,7% de Valérie Pécresse nous l’ont bien montré. L’échec des Républicains s’explique surtout par leur incapacité à choisir entre la branche conservatrice qui s’en est allée chez Éric Zemmour, et une branche progressiste, partie en grand nombre chez Emmanuel Macron. Aujourd’hui, le projet d’union de la droite et du centre que souhaitait opérer Nicolas Sarkozy avec l’UMP en 2007, et qu’il a poursuivi avec les Républicains en 2015, a tout simplement échoué. D’ailleurs, il suffit de voir comment ont voté les électeurs de l’ouest parisien, essentiellement préoccupés par les questions économiques, et très peu par les enjeux de société ou identitaires. Traditionnellement, ils votaient massivement LR. Dès 2017, leur vote du second tour était entièrement en faveur d’Emmanuel Macron. Ce qui s’est confirmé au premier tour de 2022.

Avec l’apparition d’un candidat comme Éric Zemmour, et déjà avec Marine le Pen, peut-on dire qu’il y a un retour de l’opposition entre candidats progressistes et conservateurs parmi les candidats ?

Le conservatisme chez Éric Zemmour est une question complexe. Aujourd’hui, il s’incarne essentiellement dans la figure de Marion Maréchal, qui pour beaucoup d’électeurs de droite, est une figure des valeurs conservatrices. Elle s’est en particulier illustrée lors des Manifs pour Tous entre 2013 et 2017, incarnant ainsi la branche conservatrice du Rassemblement national (ex-FN) de l’époque. Elle est d’une certaine manière à sa place chez Éric Zemmour, qui regroupe les anciennes grandes figures conservatrices des Républicains et du Rassemblement national. Il est certain que plus qu’une union des droites, il s’agit d’une nouvelle union des conservateurs autour d’un programme commun.

Peut-on opposer aujourd’hui dans l’électorat, comme le fait David Goodhart, les « anywhere » et « somewhere » ? Que veut-il dire par-là ?

Les « somewhere », ce sont les enracinés, ceux qui ne peuvent pas quitter leur ville ou leur village, par manque de moyens économiques. Ce sont souvent les électeurs de Marine le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon. On pourrait associer les gilets jaunes à cette catégorie de la population par exemple. Ces personnes ont un travail modeste – employé, fonctionnaire territorial – et ont tout juste les moyens d’élever une famille. Leurs enfants vont bien sûr à l’école public du secteur. A l’inverse, les « anywhere », ce qui se traduit par « les personnes venant de nulle part », sont les jeunes d’une sociologie mondialisée, scolarisés dans les centres-villes, ou en région parisienne, et qui ont les moyens de quitter la France pour faire une partie de leurs études, ou un stage. Ils se distinguent souvent par une meilleure maîtrise des langues étrangères, qui facilitent leur recrutement lors de leur première recherche d’emploi. La mise en avant de l’apprentissage des langues étrangères par Jean-Michel Blanquer dans sa dernière réforme de l’enseignement, vise particulièrement ce genre d’électorat issu des classes moyennes supérieures, plutôt favorable aux idées d’Emmanuel Macron.

 

[1] Frédéric Rouvillois, Olivier Dard, Christophe Boutin, Dictionnaire du progressisme, Cerf, 2022, 1234 p.

[2] Dictionnaire du conservatisme, Cerf, 2017, 1072p.


Zemmour au Trocadéro : le meeting de la dernière chance

Le meeting au Trocadéro dimanche 27 mars était le dernier grand rendez-vous de la campagne présidentielle pour le candidat de Reconquête !. L'occasion pour Éric Zemmour de mobiliser son camp, alors qu'il peine à dépasser les 12% d'intentions de vote au premier tour.

Jeunes et moins jeunes étaient là, bien présents pour soutenir leur candidat. Après les interventions de Stanislas Rigault, Gilbert Collard et Marion Maréchal. Éric Zemmour sut enthousiasmer le public par des phrases choc, en assumant ses positions traditionnelles sur l’immigration et l’assimilation, et en appelant de ses vœux à une union des droites.

Emmanuel Macron, la cible principale 

De Jacqueline Moureau à Gilbert Collard, Jérôme Rivière à Éric Zemmour lui-même, le président de la République en prit plein la figure. Chacun lui reprocha sa la gestion de la crise sanitaire, de l’immigration, son refus systématique du débat, en un mot, son mépris des Français. « Il a promis un renouveau aux Français, et c’est le désenchantement qu’il leur a offert ». Et le candidat de Reconquête! d'ajouter : « Quant à Emmanuel Macron, il a passé dix ans au pouvoir auprès de François Hollande, et il ne sait toujours pas dans quel camp il est. »

Rassembler la droite

Éric Zemmour et Valérie Pécresse, donnée entre 10 et 12%, se tiennent dans un mouchoir de poche, loin derrière Marine le Pen (RN). Pour les dépasser, il lança un appel solennel à leurs principaux soutiens : « J’aurai besoin d’Éric Ciotti, François-Xavier Bellamy, Laurent Wauquiez et Jordan Bardella. Applaudissez-les ! » Un appel audacieux : les deux partis subissent de nombreuses défections depuis le début de la campagne. Dernière en date : un sénateur LR, Sébastien Meurant. Éric Zemmour se montra cinglant sur la position de ses deux concurrentes : « Valérie Pécresse est une centriste déjà prête à voter Emmanuel Macron au second tour. Marine le Pen est une socialiste en économie. » Le message est limpide : le seul candidat proposant un vrai programme de droite, c’est lui.

« J’aime l’État qui protège ceux qui travaillent »

« Nous sommes les seuls à être de droite dans cette campagne. La droite de Charles Pasqua, de Philippe Séguin. » L'orateur ponctua son discours des thématiques phares de son programme : l'assimilation, la grandeur de la culture française et de son histoire et l'autorité de l’État. Le candidat de Reconquête ! reste fidèle à ses principes d’origine : fermeté sur l’immigration, imposition juste, rigueur sur la distribution des aides sociales : « J’aime l’État qui protège ceux qui travaillent. Je veux un État qui a peur lorsqu’il prélève un euro de plus, qui réserve la solidarité nationale aux Français. »

Assimiler les musulmans

« Je respecte toutes les religions et tous les croyants. Mais j’appelle à ce que vous pratiquiez votre religion dans la discrétion. Beaucoup de compatriotes musulmans ont déjà fait le choix de l’assimilation. » Depuis le début de la campagne, Éric Zemmour expliquer sa position sur l’assimilation des musulmans : ceux qui ne souhaitent pas s’intégrer ne doivent pas tenter d’imposer leur modèle : « Si vous n’aimez pas la France, notre culture, notre peuple, notre art de vivre, et que vous ne souhaitez pas être Français, et bien, c’est votre droit. Ce n’est pas à la France de s’adapter à vous. » S'il invita ceux qui refusent l'assimilation à quitter le pays, il fit le choix d'éviter les polémiques pour se centrer sur un programme général. Le candidat demeura discret sur son ministère de la Remigration.

Des militants mobilisés

« Les sondages se trompent, je suis sûr qu’il va gagner au second tour », s’exclame Martine, 65 ans, avec son masque aux couleurs de la Normandie. Jean, jeune ingénieur parisien, renforce son soutien au « Z » après ce meeting : « Je le suivais depuis longtemps, et là, je suis encore plus convaincu qu’il représente mes idées. » Arrivera-t-il pour autant au second tour ? « On espère, mais on verra », soupire François, satisfait du meeting, mais sceptique sur les chances du candidat. S’agissant du ralliement des cadres des LR, les soutiens de Zemmour sont optimistes : « Certains se sont déjà prononcés en faveur du ralliement, mais au second tour. Vivement qu’il y ait une union des droites qui nous permette de nous débarrasser non seulement de Macron mais aussi de la macronie », confie le sénateur Stéphane Ravier, enthousiaste.

Les meetings au Trocadéro sont traditionnellement associés à deux échecs électoraux : Nicolas Sarkozy en 2012 et François Fillon en 2017. Celui d’Éric Zemmour fera-t-il exception ? Un cadre de Reconquête! veut y croire : « Aucun candidat n’aura rassemblé autant durant cette campagne, Éric peut au moins gagner quatre à cinq points. » En tous cas, le candidat put s’assurer d'une base militante plus que jamais convaincue. Mais plus qu’un noyau militant solide, ce sont les Français qu’il lui faudra convaincre dans deux semaines.


Le débat des valeurs ou énième meeting de Zemmour 

Mardi 23 mars, la rédaction de Valeurs Actuelles et l’association des Éveilleurs ont réuni au Palais des Sports de Paris des personnalités politiques de droite : Marion Maréchal et Éric Zemmour (Reconquête), Valérie Pécresse et Éric Ciotti (LR), Jordan Bardella (RN), mais aussi Marlène Schiappa ont participé à un grand débat. Ce désir initial de confrontation d’idées s’est rapidement transformé en meeting zemmourien.

Tout commence par une phrase de l'humoriste Gaspard Proust : « Dans le brief que m’ont fait les mecs de Valeurs Actuelles, ils m’ont dit ‘’il faut que tu mettes les gens à l’aise, qu’il n’y ait pas de favoritisme entre l’une ou l’autre écurie politique ; on n’est pas là pour orienter l’avis de nos lecteurs, l’important c’est qu’ils passent un bon moment et qu’à la fin tout le monde rentre à la maison en se disant ‘’au fond Zemmour a raison’’ ».

Réponse de la salle, enthousiaste : « Zemmour Président ! »

Marlène Schiappa contre l'entre-soi

Valeurs Actuelles voulait un débat d’idées ; cela plut à Marlène Schiappa, effigie du président sortant : « Je regrette que le débat d’idées n’ait pas plus de place », affirma-t-elle. « J’ai répondu à Valeurs Actuelles dans le passé, ça m’a valu pas mal d’attaques, je crois vraiment à la démocratie, je ne supporte pas l’entre-soi et je pense que quand on est qu’avec des gens avec lesquels on sait qu’on est d’accord sur absolument tout, ça veut dire qu’il faut se remettre en question parce qu’on frise la dérive sectaire. » Interrogée par la journaliste Charlotte d’Ornellas, la ministre LREM tint un discours musclé à un public aigre-doux, prompt à murmurer, voire à siffler.

Valérie Pécresse malmenée

Valérie Pécresse suscita une réaction comparable, même si elle prit soin de dire aux quelque 4000 spectateurs rassemblés sous le dôme de Paris : « Emmanuel Macron va dans des salles avec des gens triés, là on peut remarquer que je n’ai pas trié la salle. » La candidate LR souligna ses différences avec le président de la République : « Si on est là ce soir, c’est parce qu’on veut remplacer Emmanuel Macron et qu’on ne croit pas aux sondages, et qu’on ne veut pas se faire voler cette élection, ça au moins c’est un point d’accord entre nous. » Ce débat fut l'occasion parfaite pour rappeler son appartenance à la droite et réaffirmer une fois de plus « les différences colossales » entre LR et LREM.  Des « ben voyons » fusèrent dans le public.

Face à l’assemblée acquise à Éric Zemmour, Geoffroy Lejeune, directeur de VA, se fendit d'une phrase polie : « Merci d’avoir pris le risque d’affronter cette salle », lança avant que le candidat n'apparût sur la scène et qu'une ovation générale ne retentît sous le dôme de Paris. Dès la fin de son discours, beaucoup s'éclipsèrent. Comme si la soirée organisée par Valeurs Actuelles n'avait eu pour seule fin d'accueillir le candidat de Reconquête!.

 

 

 

 

 


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Emmanuel Macron, le grand gagnant de la guerre en Ukraine

Trois semaines après l’invasion de l’Ukraine, Emmanuel Macron est le favori de l'élection présidentielle, en dépit d'une campagne très courte lancée par une réunion publique à Poissy (Yvelines). Cette situation exceptionnelle inquiète ses concurrents à droite, tous à dix points derrière lui dans les sondages.

La campagne d'Emmanuel Macron est enfin lancée. Le chef de l’Etat est si débordé ! Entre les appels récurrents à Vladimir Poutine, les réunions de l’UE pour sanctionner la Russie, le président-candidat n'arrête pas. Charge aux membres du gouvernement et aux députés d'assurer sa promotion électorale. « Une situation qui n’est pas si gênante, affirme un cadre de LREM, la guerre actuelle ne fait que renforcer sa posture présidentielle qu’on lui reconnaissait déjà avant. »

Au pouvoir jusqu’au bout

On ne pourra pas lui reprocher d’avoir passé trop de temps en campagne. Jamais depuis le début de la Ve République un chef de l'Etat en exercice ne s'était présenté si tard à sa réélection. En 1962, le général Gaulle avait annoncé sa candidature au mois de novembre. En 1988, François Mitterrand s’était déclaré un 8 février, et Nicolas Sarkozy le 15 février 2012. Emmanuel Macron a confirmé son entrée en lice un 3 mars. Et malgré cette déclaration officielle, il n’a toujours pas le temps de se consacrer à sa campagne. Ce qui ne l'empêche pas d'être en tête dans les sondages, atteignant les 30% à 35% d’intention de vote au premier tour, selon les dernières estimations. Un gain de 5 à 10 points par rapport à la période précédant la crise ukrainienne.

Un président irréprochable

Malgré son échec à apaiser les tensions en Ukraine, cette guerre fut un bon moyen pour replacer le chef de l'Etat au centre du jeu. Ces dernières semaines, les candidats tous bords confondus n'ont cessé de le critiquer sur son bilan. Jusque-là, il ne pouvait se défendre que par l’intermédiaire de son équipe de campagne. Depuis le déclenchement de la crise ukrainienne, Emmanuel Macron est presque intouchable et réussit, malgré lui, à faire oublier pendant un temps les débats nationaux. De quoi provoquer l’ire des candidats de droite, en particulier d'Éric Zemmour et de Marine le Pen, sous le feu des reproches pour avoir déclaré plusieurs fois qu'ils admiraient Vladimir Poutine, devenu le diable en personne depuis trois semaines.

Une droite fragilisée par la crise en Ukraine

A peine la guerre déclenchée que les extraits d’interviews où Éric Zemmour et Marine le Pen affirmaient ne pas croire à l’invasion de l’Ukraine étaient diffusés par leurs adversaires, en particulier Valérie Pécresse. La candidate des LR, dont la campagne est au ralenti depuis son meeting désastreux du Zénith, en profita pour attaquer son adversaire de Reconquête, qui lui fait tellement peur. "Vladimir Zemmour", voilà le surnom donné au candidat qui osa soutenir Poutine et affirmer – certes hâtivement – que l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’aurait jamais lieu. Mais début février, personne en France n’y croyait, même les plus grands spécialistes de la Russie. Les sondages montrent que Valérie Pécresse ne profite pas davantage de sa position anti-Poutine. Sa cote dans les sondages ne cesse de baisser. Le dernier sondage Ifop lui attribue 11% des intentions de vote, derrière Jean-Luc Mélenchon (11,5%), Éric Zemmour (13%) et Marine le Pen (14,5%). Sa difficulté à montrer de la conviction dans ses conférences de presse et ses meetings, son snobisme à peine voilé à l’égard d’un agriculteur voulant lui parler des défis de son métier, rendent la candidate peu sympathique. A droite, aucun candidat ne se démarque. Seul Éric Zemmour engrange encore des ralliements. Le dernier en date est celui de Marion le Pen, sans que cela ne crée de nouvelle dynamique.

Une gauche en petits morceaux

On pensait Jean-Luc Mélenchon inattaquable jusqu’à maintenant, mais la crise ukrainienne met aussi le candidat en difficulté, lui qui plaidait pour l’établissement d’une relation de confiance avec le président russe et refusait de croire à une invasion de l’Ukraine. Le Parti socialiste obligea l’équipe du candidat de La France Insoumise à se repositionner, voire à démentir toute complaisance envers le Kremlin. « C’est une calomnie », dénonça son entourage. L'épisode ukrainien ne changera sans doute pas grand-chose pour les autres candidats de gauche, évalués entre 2% et 7% des intentions de vote. Pas de quoi inquiéter le chef de LFI, fort du ralliement de la Primaire populaire, qui avait pourtant choisi Christiane Taubira en décembre dernier. La candidate ne récolta que 181 parrainages, et ne put donc se présenter.

La capacité des candidats à ramener le débat public sur des enjeux de politique intérieure pourra peut-être leur permettre de grimper avant le premier tour. Pour l’instant, tout porte à croire que le grand gagnant de 2022 sera Emmanuel Macron, malgré une campagne de courte durée.


Le programme économique de Marine le Pen est-il applicable ?

Invitée sur le plateau de « Mission convaincre » sur LCI, Marine le Pen a présenté plusieurs points majeurs son programme économique, avec un objectif précis : montrer qu'il concerne les Français. Est-il pour autant réaliste ?

« Rendre le pouvoir d’achat aux Français »

C’est son refrain depuis le début de la campagne. Marine le Pen l'a d'ailleurs bien compris, c'est le pouvoir d'achat qui préoccupe le plus les Français. Interrogée en détails par les deux présentateurs et la dizaine « d’abstentionnistes » sollicités par LCI, Marine le Pen a fustigé le bilan économique d'Emmanuel Macron, accusé d'avoir « appauvri les Français les plus démunis. » La candidate du RN propose de geler les prix de l’essence et du gaz, de ramener la TVA de 20% à 5,5% sur le carburant, l'électricité et le fioul. Cette mesure répond directement aux gilets jaunes. Elle prend le contrepied de la politique d'Emmanuel Macron, « qui en 2018 avait promis de ne pas augmenter les prix de l'essence, et qui l'a pourtant fait ». Mais la candidate RN a voulu aussi s'adresser aux jeunes avec deux mesures phares : l'exonération de l'impôt sur le revenu pour les contribuables de moins de 30 ans. « Je veux aider les jeunes à vivre décemment au début de leurs premières années de vie professionnelle. » Cette mesure ne s'appliquerait qu'à partir de 23 ou 24 ans, l'âge auquel la plupart des jeunes finissent leurs études.

« Plus on a travaillé tôt, plus le travail était dur, plus on doit partir tôt »

Les retraites sont l'autre volet phare de son programme, et elle ne craint pas de revendiquer son conservatisme sur le sujet. « Les Français qui travailleront avant 24 ans partiront à 60 ans à la retraite. » Marine Le Pen est fière de cette mesure. Contrairement aux autres candidats de droite, elle ne veut pas forcer les Français qui ont commencé à travailler jeune, « dans des métiers manuels, souvent difficiles » à travailler au-delà de 60 ans. « C'est une injustice », poursuit-elle. Interrogée sur le financement de toutes ces mesures généreuses, la candidate exclut d'augmenter les impôts, et préconise de lutter contre le gaspillage d'argent public.

Plus de dépenses, mais sans dette supplémentaire

« La dette n’augmentera pas durant mon mandat », a juré Marine Le Pen. Toutefois, les présentateurs n’ont pas manqué de mettre la candidate devant ses contradictions : ses recettes (37 milliards) sont largement inférieures à ses dépenses (73 milliards). Hormis la lutte contre les fraudes, qui pourrait rapporter 10 milliards, on trouve peu d’économies dans son programme, hormis sur les subventions à l’éolien et la suppression allocative aux étrangers. Elle ne propose rien sur la fonction publique, qu’elle se fait une fierté de défendre face aux autres candidats de droite, lesquels s’en donnent à cœur joie pour la critiquer sur ce point. De même pour la dette de la Sécurité sociale. Les rapports alarmants de la Cour des comptes ne semblent pas être entendus par la candidate. Marine Le Pen choisit de dire à son électorat qu’il n’aura pas à faire d’efforts pour rembourser la dette.


L'assassinat du père Hamel a débuté devant la Cour d'assise spéciale de Paris

Lundi 14 février s’est ouvert le procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray (76), devant la Cour d’assise spéciale de Paris. Encore meurtrie par l’égorgement du Père Hamel, les victimes et leurs proches espèrent « comprendre ». 

Presque six ans. Six ans que deux jihadistes de 19 ans – du reste fichés S - Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, ont assassiné à coups de couteau le père Hamel, âgé de 85 ans ; celui-ci célébrait la messe dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray, devant trois religieuses et un couple de paroissiens. Quelques heures plus tard, l’attaque était revendiquée par l’État Islamique. Et le verdict de la Justice se fait toujours attendre : de nombreuses interrogations sont restées sans réponse, ce qui rend « le deuil difficile », a dit Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, lors d’une récente conférence de presse.

Depuis lors, les juges anti-terroristes chargés de l’enquête ont procédé à l’arrestation de trois proches des assaillants jihadistes, tués sur place le 26 février : Jean-Philippe Jean Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia, Les trois hommes sont soupçonnés d’avoir été avertis des projets des meurtriers du père Hamel. Ils ont été mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », crime passible de 30 ans de réclusion. Un quatrième accusé, Rachid Kassim, est jugé par défaut : il aurait été tué en Syrie en 2017.

Comprendre pour pardonner

Selon Me Béranger Tourné, avocat de Jean-Philippe Jean Louis, le procès paraît artificiel : les prévenus ne sont « que trois lampistes que l’on tente de raccrocher » à un crime. Mais l’Église n’est pas de cet avis et espère comprendre, pour pouvoir pardonner. Guy Coponet, qui assistait à la messe avec sa femme le 26 juillet 2016, souhaite que l’audience permette de « régler le problème une bonne fois pour toutes », et espère que « ceux qui sont responsables demand[ent] pardon à tous ceux à qui ils ont fait de la peine ». Tout comme Jacques Simon, successeur du père Hamel, interrogé sur Radio Classique : « Est-ce que le père Hamel était connu par ses assaillants ? » s’indigne-t-il. « En tous cas il a été assassiné comme prêtre et j’espère que ce procès va nous éclairer davantage ».

Le père Hamel, martyr pour sa foi

Pour Roseline Hamel, sœur du Père Hamel, la souffrance est encore bien vivante : « La mort de mon frère, de cette façon tellement barbare, a immédiatement provoqué une déchirure que je ressens encore aujourd’hui », témoigne-t-elle auprès du Parisien […] « Et puis, au bout de quelques jours, j’ai compris que son martyre avait fait de lui un frère universel ». Pourtant, celle-ci estime que « ce sera l’occasion de revenir sur le rôle des services de l’État qui n’ont pas assez surveillé ces personnes que l’on savait radicalisées ». « Je suis certaine qu’avec plus de sérieux, la mort de Jacques aurait pu être évitée », poursuit-elle.

Le procès doit durer quatre semaines. Outre le volet judiciaire, il y a la dimension ecclésiale. Le père Hamel est au cœur d'un autre procès, en béatification cette fois. L'archevêché de Rouen a remis un dossier de quelque 12000 pages à la Congrégation pour les causes des saints. Le prêtre devrait être reconnu martyr, c'est-à-dire "mort en haine de la foi".


Présidentielle : le jeu habile d’Emmanuel Macron

Bien qu'Emmanuel Macron ne se soit toujours pas déclaré candidat et qu'il semble attendre le dernier moment pour le faire, le président sortant a déjà mis en marche sa logistique de campagne, sans trop s'exposer dans le débat public.

« Avec vous ». Voilà le premier slogan de la campagne d’Emmanuel Macron. Depuis la semaine dernière, on peut le lire dans toute la France sur des centaines d’affiches placardées dans les rues. C’est également le nom du site ad hoc du "pas encore" candidat. S'il attend son heure, le dispositif est déjà là : outre le site internet, il y a la cellule de recherche de parrainages, ainsi que l'ébauche d'un programme. Sur le site, un message saute aux yeux : « Vous ne vous reconnaissez pas dans les déclarations des candidats à l'élection présidentielle ? C'est normal, ils ne parlent pas de vous, ils parlent d'eux. Notre démarche est à l'opposé de ça. » Juste en-dessous, un onglet intitulé « Découvrez-le » explique la démarche macronienne : transcender les clivages, se préoccuper de la situation réelle des Français. Pour cela, trois vidéos sont disponibles et permettent de découvrir les témoignages d’un agriculteur et d’une soignante. Emmanuel Macron prétend être le seul candidat véritablement à l’écoute des Français, au plus proche de leur quotidien. La bonne gestion de la pandémie de Covid-19 dont il se vante, en est un bon exemple.

Le coronavirus : un excellent moyen pour noyer le poisson

La crise du coronavirus est une aubaine pour le président, se désolent les opposants à Emmanuel Macron. « Elle évite de centrer le débat public sur les sujets qui fâchent », peste un membre de l’équipe de campagne d’Éric Zemmour. Il est vrai que le président s'est plu à diviser la classe politique avec l'instauration du pass vaccinal fin janvier. L’équipe de Valérie Pécresse s’était retrouvée à voter ce texte en ordre dispersé. Quant à la gauche, elle s’est aussi fracturée sur le sujet, Jean-Luc Mélenchon y étant opposé. « Pendant ce temps, on n’a pas parlé de son bilan économique, de l’endettement massif du pays, ou encore de l’immigration », déplorait un élu des Républicains, ajoutant : « Heureusement que la crise s’est apaisée et qu'elle nous permet maintenant de parler des sujets de fond. » Toutefois, les indicateurs économiques n'étant pas si mauvais, il n'est pas facile d'attaquer le gouvernement sur ce terrain.

Une économie apparemment saine

La croissance est estimée à 7 %, « un chiffre jamais atteint depuis 1969 », se vante le gouvernement. « C’est un rebond spectaculaire de l’économie française […], ça efface la crise économique », s’est félicité Bruno Le Maire sur France 2. Toutefois, le ministre de l'Economie a soigneusement évité de répondre à la question du coût pour les finances publiques : les 700 milliards d’euros d’endettement destinés à soutenir les entreprises et les commerçants sont oubliés. D’ailleurs, aucun remboursement du prêt accordé par l’Etat aux entreprises en 2020 n’est exigé pour l’instant. Qu’adviendrait-il s’il venait à l’être ? Les entreprises continueraient-elles à embaucher ? La croissance ne paraît donc pas engendrée par les entreprises mais bien par l’argent public, encore et toujours.                « L’économie française tourne à plein régime », a continué le patron de Bercy. Oui, à partir du moment où l’Etat la soutient. La conjoncture paraît donc plutôt bonne pour le futur candidat Macron. D'autant qu’il n’a, pour l’instant, aucun adversaire en passe de le concurrencer sérieusement. À gauche, les divisions s’accroissent, et à droite, aucun candidat ne parvient à se distinguer. Dans les débats, chacun cherche à marquer des points en décrédibilisant l’adversaire. C’est justement ce que le président veut éviter.

De nouveaux soutiens, des divisions sans fin

Le soutien officiel de l'ancien porte-parole du PS Eduardo Rhian Cypel à Emmanuel Macron, annoncé lundi, et les ralliements attendus de l'ancien président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, ainsi que celui du maire de Dijon, François Rebsamen, ne font que conforter le futur candidat dans sa stratégie :  attendre le dernier moment pour entrer dans l'arène, en évitant de se blesser et en regardant ses concurrents s'épuiser. Une stratégie payante pour l'instant. La division croissante de la gauche est bien sûr une aubaine pour le futur de candidat de Avec vous, qui parvient à s'attacher les derniers dinosaures du Parti socialiste, découragés par la triste campagne d'Anne Hidalgo. La candidate officielle du PS plafonne à 2,5 % des intentions de vote selon le dernier sondage. Et visiblement, Christiane Taubira, vainqueur de la Primaire populaire, ne paraît pas non plus convaincre. Emmanuel Macron représente la seule option pour ceux qui ne voudraient pas rejoindre la gauche plus radicale de Jean-Luc Mélenchon ou de Fabien Roussel. « Il se peut bien que des ralliements se fassent plus nombreux dans les prochaines semaines », prévient un cadre de la République en Marche. Des noms comme l'adjointe au maire de Marseille Samia Ghali ou encore Thierry Repentin, maire de Chambéry, circulent depuis quelques jours. En attendant, l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron est pleinement mobilisée.

Une campagne active, mais sans le candidat

En plus d’un site internet, les militants de La République En Marche vont frapper aux portes, fidèles à la tradition anglo-saxonne reprise par le candidat Macron en 2017. Par ailleurs, le président s'exprime par la voix de membres du gouvernement, en particulier de son porte-parole, le jeune Gabriel Attal. Celui-ci affirmait récemment à propos des candidats déclarés « qu’à les écouter, tout était mieux hier et tout sera pire demain. Où est la foi dans les Français ? » À l’opposé de discours obscurantistes, il y a, ajoutait-il, « Emmanuel Macron [qui] a fait entrer notre pays dans le temps des conquêtes. Quand la situation sanitaire et internationale le permettra, il proposera, je l'espère, d'aller plus loin encore pour l'avenir. » Apparemment, seul le président est capable de comprendre les réalités complexes, porteuses de sens et d'ouverture, alors que la droite, obnubilée par les questions de sécurité, d’immigration et d’identité, s'enlise dans un discours rétrograde. Parviendra-t-il encore longtemps à maintenir cette posture présidentielle, au-dessus de la mêlée électorale ? Si les sondages lui sont toujours favorables, Emmanuel Macron a tout intérêt à donner du temps au temps et à se déclarer le plus tard possible, début mars.


Le terrible week-end de la gauche

L’annonce officielle de la candidature de Christiane Taubira dans la journée de samedi dernier, ainsi que le refus officiel d’Anne Hidalgo de se soumettre à une primaire ont démontré une fois de plus l’ampleur des divisions à gauche. Retour sur un week-end chaotique.

« Pour toutes ces exigences d’un gouvernement d’une grande démocratie, débarrassé de fantasmes monarchiques. Pour satisfaire toutes ces exigences, je suis candidate à la présidence de la République. » Dans un meeting en plein air, tenu dans le quartier de la Croix Rousse à Lyon, l’ancienne ministre de la Justice annonça officiellement sa candidature, emmitouflée dans une écharpe rose et une doudoune de couleur sombre. Sous les applaudissements de quelques centaines de militants, rassemblés dans un froid glacial, elle voulut se présenter comme la vraie candidate de gauche, à l’écoute des besoins des citoyens, en particulier des plus modestes et des opprimés. La Croix Rousse, symbole de la révolte des Canuts au XIXe siècle, est un lieu bien choisi pour faire passer ce message. Redéfinir le contenu du contrat social, lutter contre les inégalités en tous genres, protéger les salariés, ou encore assurer la transition écologique, Christiane Taubira présenta les grandes lignes d’un programme typiquement de gauche, que l’on saurait ne vraiment distinguer de celui de ses concurrents pour l’instant. Une déclaration de candidature attendue depuis déjà quelques semaines, qui ne crée aucun engouement à gauche, surtout chez la candidate du Parti socialiste, Anne Hidalgo.

« Une mauvaise nouvelle »

La candidate à 3 % ne put que faire un constat amer à propos de la candidature de l’ancienne ministre de la Justice. « C’est une candidature de plus, c’est une mauvaise nouvelle, […] cela crée de la confusion », regretta-t-elle sur BFMTV, renonçant ainsi au discours en faveur de l’union de la gauche, dont elle fut pourtant le défenseur acharné en décembre. L’entrée en campagne de Christiane Taubira ne présage rien de bon pour la candidate socialiste, qui a désormais face à elle une candidate plutôt populaire dans son camp, du moins chez certains militants. L’équipe de Christiane Taubira n’est pourtant pas très fournie en personnalités politiques. Parmi les soutiens d'élus, on trouve Renaud Payre, élu de la mairie de Lyon, et Olivia Fortin, adjointe au maire de la mairie de Marseille, des personnalités de second plan. Le défi pour la nouvelle candidate est de convaincre qu’elle est la seule à répondre aux aspirations de ses militants et sympathisants. Si elle y parvenait, elle mettrait la maire de Paris en danger. Toutefois, il y a du travail. Elle n'est pas seule à gauche, et doit faire face à d'autres candidats de plus grande envergure, en particulier Jean-Luc Mélenchon, dont le meeting à Nantes hier après-midi, rassembla plusieurs milliers de personnes, et qui montra une fois de plus que le candidat de La France Insoumise était encore bien établi.

Mélenchon : le refus de l’union

Dans une salle gigantesque, devant des centaines de militants exaltés, le candidat de la France Insoumise fustigea l’absence de sérieux de la gauche, et rappela sa détermination à mener sa campagne jusqu’au bout. « Nous ne sommes pas concernés pas les mésaventures du centre-gauche. Nous n’irons pas nous disputer avec eux, parce que nous ne sommes pas concernés par la compétition entre le Parti radical de gauche de Mme Taubira, et le Parti socialiste de Mme Hidalgo. » Dans un meeting à 360 degrés, et une salle avec des écrans géants, immergeant les participants dans l’ambiance correspondant aux thématiques abordées, Jean-Luc Mélenchon fit fureur. Surtout, il parvint à montrer qu’il avait encore de la vigueur. Politique étrangère, environnement, énergies, ou encore politique de l’espace, le candidat insoumis montra sa capacité à présenter un programme large, ambitieux et innovant, en promouvant par exemple la fondation d’une université spatiale francophone, afin d’unifier les savoirs de nombreux pays. Nous sommes loin des revendications d’Hidalgo sur la sanctuarisation de la retraite à 62 ans, idée dont Mélenchon ne manqua point de se moquer, ou encore des 800 € mensuels de salaire minimum proposés par Christiane Taubira à chaque étudiant. Jean-Luc Mélenchon a l’art d’enthousiasmer ses militants, jeunes et moins jeunes. Ce succès du candidat insoumis inquiète les organisateurs de la Primaire populaire, qui paraissent de moins en moins sûrs d'eux-mêmes.

Une primaire populaire en berne

Le projet de Samuel Grysbowski avait du plomb dans l’aile dès le départ, et n’est toujours pas près de décoller. Le premier tour de la primaire populaire, prévu le 27 janvier, doit choisir un candidat, parmi les sept parrainés par les militants. Parmi ceux qui sont sélectionnés, trois ont déjà refusé d’y prendre part : Jean-Luc Mélenchon, Jannick Jadot et Anne Hidalgo. Cette primaire, qui avait pour projet d’unir la gauche, pourrait à l’inverse contribuer à la diviser davantage si elle choisissait un autre candidat que ceux déjà lancés dans la présidentielle. Au total, cela ferait huit candidats, au lieu de sept aujourd’hui. À l’heure actuelle, les organisateurs revendiquent 250 000 inscrits. Si Christiane Taubira – parrainée aussi par cette primaire – n’est pas choisie, renoncera-t-elle à être candidate ? Pour l’instant, elle semble bien déterminée à aller jusqu’au bout. Peut-être sent elle le vent tourner en sa faveur ? Si toutefois la primaire la choisissait, son socle électoral s'élargirait sûrement, et des soutiens pourraient venir s’agréger autour d’elle. De quoi affaiblir encore un peu plus Anne Hidalgo. Il reste quelques jours à Christiane Taubira pour convaincre les militants de la primaire populaire. Sinon, elle fera cavalier seul, sans parti.


Gaspard Koenig : le candidat de la simplification

Il aime citer Tocqueville et Montaigne, et plaide ardemment pour la fin de l’État providence. Le philosophe et essayiste Gaspard Koenig se revendique le seul candidat libéral à l'élection présidentielle. De fait, son programme détonne avec celui de ses concurrents.

« Président de la République, ça ne me fait pas rêver, je ne suis pas un sauveur, je ne suis pas un messie, je ne guéris pas des écrouelles », avouait-il sur le plateau des "4 Vérités" sur France 2. Pourtant, l'homme se lance dans la bataille présidentielle. Le candidat de 38 ans, fondateur du think tank libéral GenerationLibre, revient d’un tour de France à cheval, sur les traces de Montaigne. Ce voyage de plusieurs semaines lui a permis de rencontrer les Français et de se forger un programme. Il souhaite peser dans le débat public, avec des idées innovantes. Fini le temps où il en proposait aux candidats. Ces derniers sont « imprégnés de jacobinisme » et ont « les oreilles bouchées ».  A vouloir être subversif, Gaspard Koenig pourrait bien dissuader des maires de le parrainer, qui sait ?

« Refonder notre droit »

Le candidat du parti Simple a une mesure phare : diviser par 100 le nombre de normes juridiques, sans s’interroger sur celles qui marchent et celles qui ne marchent pas. C’est le projet Portalis, en hommage au principal rédacteur du Code civil de 1804. Gaspard Koenig ambitionne de rendre compréhensible le fonctionnement de l’Etat et de mettre fin à l’inflation législative, dans laquelle la France est engagée depuis les années 1970. « La simplification, c’est de la justice sociale », aime-t-il répéter. Dans le système actuel, seuls les privilégiés peuvent avoir accès au système administratif, tant sa complexité est grande. « On meurt de la multiplication de micro-lois pour aiguiller les comportements, alors que la loi doit dire ce qui est interdit », assénait-il dans le quotidien l’Opinion. Selon lui, la loi ne doit pas être un moyen de contrôler les personnes, de leur faire la morale. Sa vocation est de permettre aux citoyens de mieux vivre ensemble et d'exercer leur liberté. Interrogé sur son soutien à Emmanuel Macron en 2017, Gaspard Koenig ne cache pas sa déception : « Le président [...] a pris une attitude extrêmement autoritaire ; il a gouverné d'en haut et a représidentialisé les institutions. »

« Prendre au sérieux la liberté des Français »

Son tour de France à cheval sur les traces de Montaigne a renforcé en lui une conviction : les Français veulent moins de bureaucratie. Ils sont capables de se gouverner eux-mêmes. Pour y parvenir, il propose d'accroître l'autonomie des collectivités locales. Celles-ci devraient pouvoir décider de tout ce qui les concerne directement, en particulier des services qu'il nomme « à proximité de bus » : l'école, la culture, le logement, ou encore la sécurité.  Gaspard Koenig veut aussi redonner le pouvoir au peuple, en facilitant l'organisation de référendums locaux d’initiative citoyenne. Il n'est certes pas le premier à faire des propositions en ce sens, mais dans la campagne actuelle, il paraît bien le seul à mettre la question en avant.

La vertu du revenu universel

La proposition choc de Gaspard Koenig paraît contraire aux idéaux du libéralisme, qui prônent l'émancipation de l'individu à l'égard de l'État, et maudissent l'État providence. Pourtant il l’assume : le revenu universel est au cœur de l’histoire du libéralisme. Non pas du néolibéralisme ni de l’affairisme de Jeremy Bentham et de John Stuart Mill. Mais un libéralisme où l'individu est appelé à faire des choix libres et responsables. Le revenu universel serait un moyen d'aider les personnes dans le besoin à ne pas tomber dans la misère, tout en les incitant à trouver un travail. Son expérimentation du revenu universel dans un village au Brésil en a été la preuve : les personnes sans travail et dans le besoin sont capables d’utiliser leur revenu de manière responsable, pour choisir des activités générant du revenu. Autrement dit, il souhaite éduquer à la liberté plutôt que de se contenter de l’assistanat. Avec un revenu de départ distribué à chacun, on évite le système actuel de distribution massive de subventions, complexe et bureaucratisé.

Toutefois, il lui reste encore à convaincre les maires de France de le parrainer. Si sa personnalité est moins controversée que celle de certains de ses contradicteurs, ses idées n’en sont pas moins subversives. Diminuer la place de l'Etat en France suscite souvent des craintes. Reste à savoir s’il parviendra à créer un engouement suffisant autour de ses idées. Il a jusqu’au 4 mars pour finir son tour de France des maires. Peut-être en train cette fois-ci.


Peltier chez Zemmour : un passage risqué

Le ralliement de Guillaume Peltier au candidat Éric Zemmour fait grand bruit. L’ancien vice-président des Républicains et député du Loir-et-Cher, nommé aussitôt porte-parole du parti Reconquête, n’en est pas à son premier revirement. Ce qui interroge sur sa fiabilité et sa loyauté.

« J'ai pris la décision de soutenir le seul candidat de la droite, le seul candidat du RPR, je rejoins Éric Zemmour ! » Cette déclaration de Guillaume Peltier aux journalistes du Grand Rendez-Vous d'Europe 1, en partenariat avec CNews et Les Echos, provoqua son expulsion quasi-immédiate des Républicains dont il était membre depuis 2008. Invitée sur France info hier matin, Valérie Pécresse qualifiait son départ de « non-événement ». Démis de ses fonctions de vice-président début décembre 2021, à cause de sa trop grande proximité avec les idées du candidat de Reconquête, son départ n’était pas vraiment une surprise. « Il [Guillaume Peltier NDLR] voulait faire un coup de com’, et se déclarer en début d’année », commentait Valérie Pécresse ce matin. Son expulsion était déjà actée depuis quelques semaines. « Il s’était terriblement isolé, il avait successivement changé de cheval, personne n’avait confiance. » Le message est clair, et n’est d’ailleurs pas dénué de sens. La primaire des Républicains l’a bien montré : Guillaume Peltier n'a pas été le candidat de la loyauté, loin de là.

Velléitaire

Plus que les convictions, les chances de gagner paraissent avoir davantage motivé les choix politiques de Guillaume Peltier. En juin, il se mit à soutenir activement Xavier Bertrand, alors que le baron nordiste n'était pas membre des LR et refusait obstinément de les réintégrer. Ce choix valut à Guillaume Peltier d’être déchu son poste de vice-président par Christian Jacob. En novembre, il se rallia à Éric Ciotti, baron sudiste. Cette trahison ne lui servit à rien. Ses velléités reflètent son opportunisme. Aujourd'hui, l'ex-FN affirme partage entièrement les valeurs défendues par Éric Zemmour depuis novembre.

Mauvais accueil

Le départ de Guillaume Peltier est accueilli de manière contrastée. Le député de l'Yonne, Guillaume Larrivée, s’en réjouit dans un tweet laconique posté hier, « Son retour dans les arrière-boutiques de l’extrême-droite est une excellente nouvelle. Bon débarras ! ». Quant à Éric Ciotti, il ne put que constater que « Guillaume a beaucoup changé dans sa carrière politique, […] il revient toujours au point de départ. Il était au Rassemblement national, il y revient progressivement. » Peltier passa l’ensemble de sa carrière à la droite de l’échiquier politique. Il militait au Front national dans sa jeunesse, du temps où Jean-Marie le Pen était président. Il rallia Bruno Mégret en 1988, lorsqu’il fonda le Mouvement national républicain. Il rejoignit ensuite Philippe de Villiers au Mouvement national républicain, avant d’adhérer aux Républicains en 2008. Autant dire qu’il a du mal à rester fidèle à une même famille politique, ce qui laisse d'ailleurs songeur sur sa fidélité à long terme à l'égard d'Éric Zemmour.

Un choix risqué

Guillaume Peltier prend un risque en se ralliant à Éric Zemmour. Une chose est certaine, s'il échoue avec lui, Les Républicains ne lui ouvriront plus leurs portes. Il est probable que le RN en fasse autant. « Là où Guillaume Peltier passe, les campagnes trépassent », assénait hier soir Marine le Pen au micro de BFMTV. Elle a affirmé d'ailleurs qu'il aurait « tapé à sa porte » hier, qu'elle a tenue fermée. Les semaines à venir montreront si Guillaume Peltier parvient à devenir un pilier de Reconquête.