Le Cours des Frères Montgolfier : école hors-contrat mais pas hors-système
Une école "innovante et inspirante" vient d'ouvrir ses portes à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). Depuis janvier 2020, le Cours des Frères Montgolfier accueille "des enfants atypiques en décrochage dans le système scolaire classique". Cet établissement hors-contrat se distingue par sa pédagogie personnalisée et son enracinement local.
Ici, on lève d'abord les yeux aux ciel. Au Cours des Frères Montgolfier, les élèves sont des "équipiers", les professeurs des "pilotes", les assistants des "seconds". Quant au directeur, on l'appelle l’"aérostier". Chaque classe regroupe deux niveaux : CP et CE1 forment la pelouse ; CE2 et CM1 la nacelle ; CM2 et 6e le foyer ; enfin 5e et 4e le ballon. Tous, de l'élève au directeur, portent l'uniforme : un pantalon beige et un pull à capuche bleu ciel sur lequel est écrit leur nom.
L'école accueille 32 élèves et en vise 64, soit huit par niveau. L’inscription répond à une nécessité, celle de l'inclusion de l'enfant ne pouvant pas continuer sa scolarité dans l’enseignement classique. Notamment parce qu'il est « dys » (pour dyslexique) avec des troubles spécifiques du langage et de l’apprentissage. Il peut être intellectuellement précoce ou souffrir de troubles de l’attention. Le second cas de figure, c'est l'enfant issu de l'instruction à domicile.
Le maître-mot : s'adapter aux besoins de l'élève
Le Cours des Frères Montgolfier assure aux élèves une pédagogie adaptée, dans une classe à l'effectif réduit et gérée chacune par deux professeurs. Ici, « le programme attend l’enfant. Tout débute à partir de lui et de son besoin », vante le directeur, Albéric de Serrant, un nom bien connu des milieux hors-contrat. Ce suivi personnalisé inclut la transmission du socle commun de compétences, conforme aux directives de l’Éducation nationale.
Le fondateur de l’école insiste sur la confrontation au réel. En plus des travaux pratiques réguliers, les élèves font des sorties ou accueillent un intervenant tous les vendredis après-midi. Le hors-contrat permet de s'organiser librement. Il faut savoir que toutes les écoles privées nouvellement créées restent sous ce statut pour cinq ans. Passé ce délai, elles peuvent choisir de le conserver ou non.
Participer à la dynamique locale
Les élèves ne resteront pas toute leur scolarité au Cours. Arrivés en 3e, ils rejoindront les établissements publics ou privés sous-contrat. L’examen d’admission sera alors plus facile que pour l'entrée en seconde. Il ne s'agit pas de se substituer à l’Éducation nationale ou de lui faire concurrence mais bien d’y amener les élèves après les avoir fait suffisamment grandir.
Pour Albéric de Serrant, « toutes les autorités doivent comprendre que nous sommes apolitiques, aconfessionnels, et que nous nous inscrivons dans une dynamique locale ». L'école se présente comme partenaire des établissements classiques. Elle appartient à la structure du Futé, espace de cotravail et incubateur dont pourront aussi profiter ses professeurs, éducateurs et parents d’élèves.
Avant d'ouvrir son école, Albéric de Serrant avait demandé l'accord du curé de Noisy-le-Grand « pour ne pas court-circuiter son élan pastoral ». « Pour autant, ajoute-t-il, j’ai l’imam de la ville qui est père d’enfants chez moi ; cela montre une vraie cohérence d’accueil ».
La légitimité du hors-contrat
En définitive, donner une légitimité au hors-contrat, c'est tout l’enjeu du Cours des Frères Montgolfier. Albéric de Serrant le soutient avec conviction : « Il est intelligent, parce qu’il n’est pas une fuite, une anarchie, ou un îlot d’intégrisme mais véritablement une pièce du puzzle qui travaille la complémentarité. »
À l’avenir, deux autres Cours verront le jour à Paris et à Meaux (Seine-et-Marne). L'aérostier estime suffisant d'avoir ainsi trois écoles pilotes, chacune dans un contexte différent : centre-ville, banlieue et rural. « Nous ne sommes pas là pour nous implanter, mais pour être des moteurs de création », s'écrie-t-il. « Des gens développeront sûrement notre pédagogie à travers leurs propres écoles, et nous dépasseront. Tant mieux ! »
La méthode Gueuleton : cette autre manière de chanter la France
Le succès de la série Gueuleton, parmi d’autres concepts du même acabit, témoigne de la réelle aspiration de la jeunesse à renouer d’un héritage que beaucoup croyaient en berne. L’art de vivre à la française semble reprendre la place que lui devait son caractère unique. L’excellence du terroir, l’exaltation de la franche camaraderie, sont de retour sous les feux des projecteurs. Malgré une absence totale de messages ouvertement politiques, il est possible d’y voir une continuation du combat culturel par d’autres moyens.
Il y a maintenant six ans que Vincent Bernard-Comparat et Arthur Edange ont publié le premier épisode de leur websérie « Terroirs de Gueuletons », un concept dont il n’est rien de moins naturel et évident. Armés d’une sincère gaieté de vivre, d’un appétit franc, et d’une profonde passion pour le terroir, ils promènent leur 2CV dans les coins les plus délaissés de France pour y promouvoir le savoir-faire et l’art de vivre qui parfument encore ces campagnes isolées. Bien loin des studios de Cnews, des antennes de Sud Radio, des bureaux du Figaro, par-delà le périphérique et la banlieue parisienne, en des régions que jadis l’on nomma le « pays réel », ces deux amis ont décidé de défendre leur héritage d’une façon aussi simple qu’originale, avec certes moins d’arguments chiffrés et de longs discours, mais non sans une efficacité certaine.
Si leur aventure commune est née lorsqu’ils ont créé leur restaurant à Agen en 2013, c’est véritablement ladite série, à suivre sur YouTube et Facebook, qui leur a assuré un premier succès. Aujourd’hui, ils peuvent se targuer de chiffres édifiants. 110 000 abonnés YouTube les regardent festoyer en compagnie non exhaustive d’éleveurs de poulets et de canards, de bouilleurs de crus, distillateurs de spiritueux ou encore de chasseurs de palombes, le tout dans des vidéos totalisant plus de 10 millions de vues. Sur Facebook, ils ont récemment dépassé le demi-million d’abonnés. Comme en témoignent les innombrables commentaires reconnaissants sous leurs vidéos, c’est à travers eux que beaucoup de jeunes français redécouvrent un pan de la culture dont ils avaient été coupés par la vie citadine et l’hégémonie des fast-foods : « Chaque vidéo est un coup de pied au cul contre la malbouffe et la morosité de ce XXIeme siècle ! Bravo et continuez ! », « Merci encore j'ai découvert votre chaine il y a environ un mois, et c'est pour un moi un véritable trésor... Je pensais que cette France avait disparu, et le fait de voir des gens, aimer, perpétuer la culture et le terroir français, ça me touche énormément ! Ne changez rien ! ». Mieux, ils font renaître un véritable regain d’intérêt pour la ruralité, plus tranquille, sincère et enracinée, qui peut constituer un idéal pour une jeunesse en quête de sens et de valeurs. Sans ouvertement délivrer de message politique, leurs productions renouent avec une partie du génie français peu abordée dans les médias classiques. Un génie avant tout gastronomique, mais qui naît dans l’excellence de l’élevage et de la culture nationale, et s’étend jusqu’à l’esprit de convivialité et de camaraderie assez unique au monde, dans lequel baigne ces hommes des temps anciens. Occitans, corses, bretons, … les identités régionales s’érigent toutes fièrement pour former ensemble l’entière richesse du patrimoine national.
L'éloge du "Bon vivant"
C’est aussi une reconnexion avec la splendeur des territoires de France qui s’opère à travers les expéditions des deux compères. Des côtes bretonnes aux prairies du Lot, des marais salins de Noirmoutier aux vignes de Cognac, les plans de vue filmés par drone mettent à l’honneur l’incroyable diversité dont notre terre est douée. Mais ce qui fait surtout le succès la chaîne, c’est bien l’esprit de fête qui habite chacun des épisodes. Quel que soit le produit découvert ou la bourgade élue, les personnages qui apparaissent à l’écran ont en commun l’art de savourer le moment présent, autour de chants et de mets finement sculptés par les traditions locales. Arthur et Vincent, conscient de leur force, ont voulu pleinement exploiter son potentiel en l’explicitant par une expression bien franchouillarde, le « bon vivant ». Leurs deux vidéos les plus vues : une chanson du même nom, avec le groupe Trottoirs d’en face, et un repas fameux en compagnie de l’humoriste Jason Chicandier, lui aussi ambassadeur de l’esprit « bon vivant » dans une brasserie parisienne du nom de… Bon vivant.
Loin de vouloir la cantonner aux seuls réseaux sociaux, la marque Gueuleton s’est toujours attachée à se diversifier et à prendre corps dans la réalité. Quoi de plus normal pour un tel éloge de la bonne chère ? Du premier restaurant ouvert à Agen, il en est né neuf autres depuis 2016, tous pratiquement dans le Sud-Ouest, cela en plus de proposer des services de traiteur partout en France. Mais, jamais rassasiés, les fondateurs de Gueuleton ont une multitude d’autres activités, tels l’élevage de porcs noirs de Bigorre, une boutique en ligne joliment garnie, la création en cours d’une distillerie, et surtout, le lancement fin 2020 de Gueuleton Magazine : un trimestriel dans le prolongement de la série, dont le dernier numéro en date a consacré sa Une au pâté en croûte.
Un rôle à jouer dans la défense culturelle de la France
Au-delà du caractère trivial et sympathique qui se dégage en premier lieu de Gueuleton, la chaîne se démarque par sa capacité à prendre place dans le combat culturel pour la défense de l’héritage national. Ceci non en opposition, mais bien en complément des débats politico-intellectuels des médias mainstream, dont la morosité et la routine rebutent une grande partie de la population. En déplaçant la lutte sur un terrain bien plus consensuel, la promotion du terroir et de la festivité, ceux qu’il faut désormais appeler les bons vivants, persuadent en 3 minutes de vidéos des personnes qu’il aurait fallu convaincre en plusieurs heures de raisonnements plus complexes. Aussi, ils rappellent que lesdits raisonnements complexes n’ont de valeur que dans la mesure où ils finissent par s’incarner et prendre chair dans le quotidien, sans quoi ils ne seraient que des paroles trop légères pour peser dans un débat.
Aujourd’hui, une réelle tendance s’est développée autour de cette nécessité d’incarner et de louer l’art de vivre à la française. C’est meilleur quand c’est bon, une série elle aussi vouée à découvrir des recettes et des établissements authentiques à travers le pays ; BENCH&CIGARS, une chaîne YouTube tenue par Baptiste Marchais, recordman de France de développé couché qui s’est fait connaître grâce à ses gargantuesques « Repas de seigneurs » à base de viandes et de fromages produits de manière artisanale : enfin, Neo, un média type Brut engagé sur la voie de l’enracinement et de la promotion du patrimoine français. Tous ont compris que bien des jeunes, peu convaincus par la fibre Konbini, aspirent à retrouver l’amour qu’on leur a fait perdre pour leur histoire, leur génie, pour leur pays.
Sale temps pour le mariage, concurrencé par le Pacs, laminé par le Covid
Le nombre de mariage est en chute libre, selon une dernière étude de l’INSEE.
225000 mariages en 2019. Vu comme ça, on se dit que ce n'est pas mal. En fait, c'est tout le contraire : ramené à la croissance démographique, le nombre de mariages ne fait que diminuer. En 1958, on comptait 300000 unions pour... 45 millions d'habitants ! Soixante ans plus tard, la courbe ci-dessous parle d'elle-même :
Figurez-vous que le nombre de mariages est aujourd'hui comparable au nombre de Pacs (200000 en 2018) !
Estival et festif
« Le mariage devient de plus en plus synonyme de fête, davantage qu’une obligation pour entrer dans la vie de couple », note l'INSEE. Ce changement d'état d'esprit fait évoluer l'événement lui-même. Au XIXe siècle, la plupart des mariages se célébraient en hiver car la France, à l’époque rurale, ne pouvait s’absenter pendant les moissons. En 2019, 3/5 des mariages eurent lieu pendant la saison estivale, de juin à septembre. Cette tendance s'affirme depuis les années soixante. Elle fait écho à la démocratisation des congés payés. Un mariage, dans 85% des cas, est scellé un samedi.
« Alors que la nature nous impose, tout au moins partiellement, la date d’une naissance ou d’une mort, elle nous permet de choisir celle d’un mariage »
Jean Bourgeois, 1946
Une tradition qui se perd… ou évolue
Cette étude permet de savoir que 40000 divorcés se remarièrent en 2019, ainsi que 2500 veufs. Il y eut aussi plus de 6000 mariages dits « homosexuels ». Les données révèlent que les mariages contractualisent autant de couples déjà installés que de célibataires qui changent d’état de vie. On se marie de plus en plus tard, surtout entre 30 et 50 ans.
Un autre chiffe retient l'attention : près de 40000 mariages sont mixtes, c'est-à-dire que l'union concerne un Français et un ressortissant étranger.
L’année 2020 risque d'être un cru exécrable pour les statistiques du mariage, Covid oblige. Une question se pose à présent : la courbe remontera-t-elle après les phénomènes inédits du confinement obligatoire et de la distanciation sociale forcée ?
Loi bioéthique : le Sénat rejette la PMA sans père
Le Sénat a donc exclu en deuxième lecture l’article phare de la loi bioéthique ouvrant l’accès à la PMA (procréation médicalement assistée) aux femmes célibataires et aux couples lesbiens. Un projet de loi clivant adopté dans la cacophonie.
L’examen en deuxième lecture de la loi bioéthique ne s’est pas passé sans heurts au Sénat, début février. 132 voix contre, 48 pour, 152 abstentions. L’hémicycle à majorité de droite a rejeté l’article 1 de la loi, mesure emblématique ouvrant la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes. Une décision choc qui n’a pas manqué de surprendre les parlementaires. Le Sénat avait en effet validé en première lecture cet article du projet de loi mais avait exclu le remboursement par la Sécurité sociale au motif qu'elle est réservée aux soins liés à des pathologies et ne saurait être étendue à une prestation de service pour des femmes naturellement fécondes.
Le texte se trouve donc en pleine navette parlementaire. En octobre 2019, l’Assemblée nationale l'avait voté en première lecture, suivie par le Sénat en février 2020. En juillet 2020, l’Assemblée l'a adopté en deuxième lecture, et en février 2021, le Sénat vient de voter le projet de loi mais a fortement modulé ses positions d’origine.
Autour de la PMA : conservation des gamètes et accès aux origines
Outre l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, le texte a également subi d’autres amendements comme la chaotique suppression de la PMA post-mortem.
Les sénateurs ont aussi retiré la possibilité pour les femmes d'une autoconservation de leurs ovocytes sans raison médicale.
Par ailleurs, ils préconisent de demander l’accord du donneur pour que les enfants nés d’un don puissent avoir accès à leurs origines biologiques. L’accès des enfants à leur filiation naturelle serait ainsi laissé au bon vouloir du donneur, là où le texte initial permettait aux enfants d’accéder à l’identité de leur donneur à leur majorité. Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l'Enfance et des Familles, a ainsi regretté que les députés réduisent ces enfants à des « objets de droits » plutôt qu’à « des sujets de droit » avalisant de fait l'hypothèse très inflammable du « droit à l’enfant ».
Parmi les autres corrections suggérées, le Sénat a inscrit un système d’« adoption accélérée » permettant d’établir la filiation juridique de la mère d’intention (celle qui n’a pas accouché) avec l’enfant. Or cette disposition de l’article 4 a été votée par le Sénat qui a un peu plus tôt rejeté l’article 1 légalisant la « PMA pour toutes ». Une situation jugée "ubuesque" par les sénateurs sommés malgré tout de se prononcer en dépit de toute logique.
GPA, recherche sur l'embryon et avortement
Afin de renforcer l’interdiction de la GPA (gestation pour autrui), la Chambre haute a prohibé la retranscription complète à l’état civil français d’un acte de naissance étranger d’un enfant né de mère porteuse. En d'autres termes, lorsque deux hommes commanditaires d'une GPA sont reconnus légalement comme les parents de l'enfant dans son pays de naissance, cette filiation juridique ne serait pas établie en France. Le Sénat espère ainsi entériner le refus catégorique du commerce d'utérus.
Concernant le volet de la recherche, les sénateurs ont interdit la création d’embryons chimériques homme-animal et d’embryons transgéniques.
Enfin, ils ont supprimé la clause de « détresse psychosociale » qui visait à autoriser l’avortement jusqu’à neuf mois de grossesse.
Et maintenant, quelle suite pour la loi bioéthique ?
Dans plusieurs semaines, sept sénateurs et sept députés se réuniront en CMP (commission mixte paritaire) pour tenter de trouver un terrain d’entente.
La CMP est une étape du processus législatif prévue par la Constitution. Elle est chargée de trouver un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat en cas de désaccord persistant dans l’élaboration d’une loi.
En cas d’échec, le projet de loi bioéthique sera examiné au printemps prochain une troisième fois par l‘Assemblée nationale qui aura alors le dernier mot. En attendant, les organisateurs des manifestations anti-PMA et GPA, qui ont réussi à mobiliser leurs troupes un peu partout en France juste avant l’examen du texte par le Sénat et malgré la pandémie, se félicitent du "coup d'arrêt pour la PMA sans père et la GPA".
Ce que dit l'affaire Navalny sur la relation Europe-Russie
Empoisonnement, procès judiciaire, révoltes populaires et tension diplomatique : le match entre la Russie et l'Europe a pris une tournure particulière en ce début d'année. Depuis son empoisonnement, Alexeï Navalny chamboule tout le vieux continent et déstabilise le pays de Vladimir Poutine.
Le 20 août 2020, Alexeï Navalny, principal opposant politique de Vladimir Poutine, était victime d'un empoisonnement alors qu'il prenait l'avion pour rentrer à Moscou. Tout juste revenu d'Allemagne où il était en convalescence, le militant se voit condamné à plus de deux ans et demi de prison ferme par l’État russe pour violation de son contrôle judiciaire dans le cadre d'une affaire datant de 2014. L'affaire en question concerne la société française de cosmétique Yves Rocher dont la filiale russe avait porté plainte contre Navalny pour détournement de fonds. La Cour européenne des droits de l'Homme avait alors estimé que le jugement rendu était "arbitraire et manifestement déraisonnable" mais la justice russe n'est jamais revenue sur sa décision et ce même lorsque l'entreprise a finalement reconnu n'avoir subi aucun dommage. Depuis, l'Union européenne est confrontée à un jeu d'équilibrisme où l'idéal démocratique balance avec l'impératif économique et sanitaire.
Affronter ou s'écarter : l'heure du choix
La Russie, depuis les accusations à l'encontre d'Alexeï Navalny, se divise profondément. L'échec de l'empoisonnement de Navalny rend la parole de ce nouveau martyr encore plus retentissante. D'abord il est accusé à tort, ensuite il manque de mourir de la main du gouvernement et désormais la justice russe l'enferme pour le faire taire. Pourtant dans les rues de Moscou et dans d'autres villes de province les récriminations contre la condamnation de Navalny s'intensifient : plus de 1 400 personnes ont été interpellées le mardi 2 février, jour où le tribunal de Moscou a rendu son jugement, et ce chiffre s'élève en tout à plus de 10 000 depuis son retour d'Allemagne. Les images des manifestations circulant sur les réseaux sociaux montrent que ces interpellations sont généralement violentes et semblent disproportionnées même si le porte parole du gouvernement refuse le terme de répression.
La communauté européenne s'est donc emparée du sujet et, vendredi 5 février, l'espagnol Joseph Borrell, chef de la diplomatie européenne, se rendait à Moscou pour rencontrer le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Ce dernier ne semble pas considérer sérieusement les critiques européennes à l'égard des répressions russes contre les partisans d'Alexeï Navalny. Il s'inquiète davantage des appels à "libérer la Russie" que lance Navalny depuis sa prison que des menaces tièdes de Bruxelles. Si elle espère être respectée, l'Europe va devoir se montrer ferme et implacable envers Moscou puisque les signes actuels que le Kremlin renvoie ne traduisent aucune crainte de leur part.
Un rappel à l'ordre bilatéral
De fait, Joseph Borrell avait eu raison avant sa rencontre avec Sergueï Lavrov de reconnaître les " relations [entre Bruxelles et Moscou] sévèrement tendues » car, preuve en est, Moscou n'a aucunement hésité, le même jour, à déclarer persona non grata trois diplomates allemands, polonais et suédois ayant participé à l'une des manifestations en faveur de la libération de Navalny. Celle-ci, exceptionnelle dans l'histoire de la diplomatie, consiste à renvoyer chez eux des agents diplomatiques ce qui, symboliquement, est très fort. Joseph Borrell n'a pu que condamner fermement cette décision de la part des Russes et s'y plier. L'incident est d'autant plus regrettable puisque l'entretien avec le ministre russe avait plutôt bien commencé ; le diplomate européen avait entamé le dialogue en qualifiant le vaccin russe contre la Covid-19, le Spoutnik V, de "bonne nouvelle pour l'humanité".
D'un côté Joseph Borrell condamne la Russie sur "les questions d’État de droit, de droits humains, de société civile et de libertés politiques" et de l'autre Moscou réfute "l'ingérence" européenne et déclare : "La partie russe s’attend à ce qu’à l’avenir les missions diplomatiques du Royaume de Suède, de la République de Pologne et de la République fédérale d’Allemagne et leurs personnels respectent scrupuleusement les normes de droit international".
Le comportement de ces diplomates aurait-il remis en cause l'autorité moralisatrice de l'Europe ?
L'Allemagne à contre-courant
Le second point pour lequel l'Union européenne n'a que peu de choses à attendre de ce dialogue avec Moscou, naît des relations ambigües et intéressées qui les lient. D'un côté Angela Merkel tweete que "la violence contre les manifestants pacifiques doit cesser" mais, en parallèle, défend le projet de gazoduc sous-marin Nord Stream 2 entre son pays et celui de Poutine. Cette contradiction européenne laisse au Kremlin une opportunité inestimée d'écarter tout risque de sanction. D'ailleurs Alexeï Miller, patron du géant russe Gazprom, a récemment laissé entendre dans un communiqué que dans l'hypothèse où Nord Stream 2 n'aboutirait pas, Gazprom prendrait tout son temps pour rembourser ses partenaires européens. Malgré cela, l'Allemagne persiste alors que la France et la Pologne la prie d'abandonner.
Autre piège qui étouffe l'UE dans cette affaire : le vaccin anti-Covid russe. Encore une fois, la chancelière allemande oublie vite Navalny et, face à la pénurie de vaccins qui se profile à l'heure où les laboratoires Pfizer, Moderna et AstraZeneca déclarent tous des retards de livraison, elle propose à la Russie une production commune du vaccin et une aide administrative.
Le sommet européen prévu en mars, qui abordera la question de la relation avec la Russie, risque donc d'être tendu et d'opposer les pays européens pro et anti-sanctions envers la Russie. Certains assurent pourtant qu'il y aura des sanctions mais que leur importance sera sûrement relative. Pour le moment Varsovie, Berlin et Stockholm, concernés par l'expulsion de Russie de leurs diplomates respectifs, ont répondu "œil pour œil, dent pour dent" en renvoyant chacun un diplomate russe en poste dans leur pays.
Xavier Bertrand, le candidat qui veut bousculer le duel annoncé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen
Ambition. C’est le sentiment qui anime le président de la région des Hauts-de-France à l’approche de l’élection présidentielle de 2022. Selon une enquête publiée par le quotidien l’Opinion et CommStrat, Xavier Bertrand recueillerait 16% des voix si l’élection se déroulait dimanche 24 janvier 2021. Troisième homme potentiel, il se placerait derrière Marine le Pen (27%) et Emmanuel Macron (24%). Reste à savoir si l’ancien ministre de la Santé de Nicolas Sarkozy parviendra à s’imposer dans la course à l’Élysée.
Nicolas Dupont-Aignan, l’ex figure de proue des Gilets jaunes Éric Drouet, Marine Le Pen ou encore Jean Lassalle, ont déjà officialisé leur candidature. D’autres candidats potentiels comme Anne Hidalgo, Valérie Pécresse ou Christiane Taubira refusent pour l’instant de clarifier leur position sans néanmoins dissimuler leur ambition. Quant à Xavier Bertrand, il se présente comme une autre option au duel opposant Marine Le Pen à Emmanuel Macron.
Un rempart (régional) face à Marine Le Pen.
« […] Ici je suis le premier rempart contre l’extrême droite de Madame Le Pen. » Lors des élections régionales de 2015, Xavier Bertrand s’était fait nettement devancé par sa rivale du FN au premier tour. Mais le retrait du socialiste Pierre de Saintignon lui avait permis de bénéficier d’un large report de voix et de s’imposer au second tour avec 57,8% des suffrages. C’est cette image de triomphateur que le candidat souhaite incarner : être à la fois un obstacle national à une victoire de Marine Le Pen en 2022, et concurrent à Emmanuel Macron. D’ailleurs, depuis 2017, plusieurs de ses proches appartiennent au gouvernement tels que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. La candidature de Xavier Bertrand menace Emmanuel Macron. Il pose comme condition à sa candidature d’être réélu à la tête de la région en juin prochain. Le président sortant aurait alors intérêt à le mettre en difficulté. Cependant, on ne sait pas encore quel candidat LREM se placera en face de lui dans les Hauts-de-France. Comme le soulignait l’Opinion le 3 décembre, le secrétaire d’État chargé des retraites Laurent Pietraszewski serait pressenti même si des discussions ont lieu entre des députés de la majorité, élus des Hauts-de-France et des conseillers d’Emmanuel Macron pour qu’aucune liste ne soit formée face à Xavier Bertrand.
Dans tous les cas, même si ce dernier parvient à se faire réélire en juin prochain à la tête de sa région, il n’est pas certain que sa candidature sera capable de bouleverser le duel Macron/Le Pen annoncé par les sondages.
Une concurrence rude à droite
Xavier Bertrand n’est pas la seule personnalité à vouloir incarner la droite et le centre, même si les sondages le considèrent comme le mieux placé. Faut-il se fonder sur une enquête menée à 16 mois du scrutin ? Pour en tirer des enseignements, les sondages doivent être comparés sur une période longue afin de dégager une dynamique électorale. Par ailleurs, des politologues comme Patrice Lehingue soulignent la volatilité du vote, ce qui laisse une part d’incertitude dans les résultats d’une élection.
Sa première rivale semble être Valérie Pécresse. La présidente de la région Île-de-France compte également sur son bilan régional et sa réélection en 2021 pour crédibiliser une potentielle candidature. Elle est créditée de 14% des intentions de vote. Selon le Journal du Dimanche, des responsables LR lui reprochent son manque de positionnement clair.
Au sein du parti Les Républicains, Rachida Dati et Bruno Retailleau laissent entendre qu’ils envisagent une candidature présidentielle. Si Xavier Bertrand revendique sa fidélité à une « droite sociale », la candidate malheureuse aux municipales à Paris et le sénateur se situent plus à droite de l’échiquier politique. Dans des propos publiés par le quotidien britannique The Times, Rachida Dati affirme « I want to be president ». Malgré sa défaite face à Anne Hidalgo, elle a mené une campagne saluée dans son camp alors que la droite parisienne était divisée depuis la défaite des municipales en 2014.
Très médiatisé en raison du contexte sanitaire, le Pr Philippe Juvin, maire LR de La Garenne-Colombes dit « se préparer » à une primaire des Républicains. Or ce mode de désignation ne fait toujours pas l’unanimité y compris chez les militants. Aujourd’hui, Xavier Bertrand refuse l’idée d’y participer. Son mouvement, « La Manufacture » a selon lui vocation « à rassembler les Français », ce qu’une primaire l'empêcherait de faire. De plus, en quoi se sentirait-il concerné puisqu’il n’est plus adhérant LR depuis 2017.
Des militants partagés
Avant d’être en mesure de rassembler les Français, Xavier Bertrand devra convaincre les militants et sympathisants de sa propre famille politique lato sensu. Si dans le sondage Elabe/Les Échos du 8 janvier, il bénéficie d’une popularité stable auprès des Français et des sympathisants de droite, sa candidature ne fait pas l’unanimité.
Michel, militant LR depuis des années dans les Hauts-de-France, estime que Xavier Bertrand « ressemble trop à Macron ; c’est un centriste, il est prêt à tout pour être élu ». Une bonne partie des membres du parti fondé par Nicolas Sarkozy en 2016 vécut comme une trahison le départ de cadres après la défaite de François Fillon.
Électeur de droite déçu par Emmanuel Macron, engagé au sein des Jeunes avec Xavier Bertrand, Elie considère que le président des Hauts-de-France est « un homme qui s’est construit tout seul […] Si son bilan à la tête de la région est excellent, les idées qu’il a mises en place à la région pourraient être appliquées à l’ensemble du territoire ».
Si Xavier Bertrand remportait les régionales, il aurait jusqu’à l’automne pour s’imposer et perturber le match Macron/Le Pen. Tout récemment, l’ancien chef de l’État Nicolas Sarkozy aurait déclaré à l’ancien maire de Saint-Quentin : « Si tu es à 18% à l’automne, tu t’imposeras ».
Zineb El Rhazoui proposée au prix Nobel de la paix 2021
Quelques noms proposés pour le prix Nobel de la paix ont été dévoilés cette semaine parmi lesquels apparaît Zineb El Rhazoui. L’ancienne journaliste de Charlie Hebdo est connue pour son combat contre l'islam radical qui lui vaut d'être la femme la plus protégée de France.
Le Comité norvégien d'Oslo vient de clore les candidatures au prix Nobel de la paix. Si les noms des plus de trois cents prétendants au titre prestigieux sont pour la plupart tenus secrets, certains ont fuité dans la presse parmi lesquels celui de Zineb El Rhazoui. Personnalité déterminée, ses critiques sans complaisance envers un islam rigoriste alimentent les débats publics houleux autour de la laïcité et de la liberté d’expression.
Son combat contre l'islam politique
Militante acharnée contre l’islam radical, la journaliste utilise les médias pour alerter l’opinion et les pouvoirs publics sur les provocations régulières d’un islam prosélyte envers les lois et les mœurs françaises.
Lorsque certains rites islamiques se propagent comme le port du voile intégral dans l’espace public ou les certificats de virginité, elle défend fermement les principes républicains d’égalité homme-femme, de liberté individuelle et de dignité humaine.
Zineb El Rhazoui dénonce aussi les groupes islamistes discrets mais puissants, habiles à jouer avec les frontières parfois troubles de la légalité pour augmenter leur influence politique.
Un quotidien sous la menace islamiste
Sous protection policière maximale depuis les attentats de janvier 2015, l’ancienne journaliste de Charlie Hebdo défend la liberté d’expression au péril de sa vie. Des milliers d’insultes et de menaces déferlent à son encontre sur les réseaux sociaux à chacune de ses prises de parole publiques. Les multiples fatwa (condamnations islamiques) qui pèsent sur sa tête nécessitent un éloignement familial pour assurer sa sécurité et celle de ses proches.
Le ministère de l’Intérieur a par ailleurs dissous en novembre 2020 l’association islamiste BarakaCity, dont le président Idriss Sihamedi avait diffusé des éléments de sa vie privée sur Internet.
De nombreux soutiens pour le prix Nobel 2021
Mais la jeune femme reçoit également de nombreux soutiens de la classe politique et de la société civile. D’innombrables messages de solidarité et de félicitations se répandent sur les réseaux sociaux pour son combat et cette candidature.
https://twitter.com/AnnieGenevard/status/1355990514533863428?s=20
https://twitter.com/Enthoven_R/status/1356173975253102592?s=20
Parmi les noms révélés des candidats au prix Nobel de la paix cette année, on trouve aussi Donald Trump, le mouvement Black Lives Matter ou encore le cyberactiviste Julian Assange. Verdict en octobre 2021.
La France devient une « démocratie défaillante » selon The Economist
Depuis quinze ans, The Economist Intelligence Unit (EIU) calcule chaque année (excepté en 2007 et 2009) l’indice de démocratie des différents pays de la planète. Le classement 2020 vient de tomber. La France perd plusieurs places, et change de statut. La pandémie n’y est pas pour rien.
En 2020, les calculs pour évaluer l'état de la démocratie ont été effectués pour 167 pays. L’EIU se fonde sur plusieurs indices tels que « le fonctionnement du gouvernement », « la participation à la politique » ou encore « les libertés civiques ». La France passe plus d’années sur le banc des élèves moyens que sur celui des bons élèves. Elle était pourtant redevenue une « démocratie à part entière » en 2019 mais cette année son statut régresse au rang de « démocratie défaillante ». Il faut obtenir une moyenne de 8/10 et la France obtient cette année le score de 7,99/10. Les résultats sont particulièrement bas en 2020 puisque ce sont les pires jamais obtenus depuis la création de l’indice.
La pandémie est mauvaise pour la santé de la démocratie
La dégradation générale des chiffres serait due à la manière dont les gouvernements démocratiques ont réagi à la pandémie. Les restrictions générales imposées par les consignes sanitaires et les différents états d’urgence ont radicalement changé le quotidien des peuples attachés à leur liberté et habitués au régime démocratique. La Belgique, l’Autriche et l’Irlande perdent elles aussi de nombreux points en 2020, pour ne citer que ces trois-là. La multiplication des confinements serait la première mesure en cause puisqu’elle interdit tous les déplacements et force de nombreux commerces à fermer. Des libertés pourtant fondamentales que beaucoup de gouvernements élus n’ont pas longtemps hésité à bafouer pour essayer d’assurer un peu de sécurité. La moyenne de l’ensemble du monde a chuté à 5,37/10 alors qu’elle était à 5,44/10 en 2019.
La démocratie française était déjà malade avant la pandémie
La France est 9 fois classée dans les élèves moyens sur les 13 indices mesurés depuis 2006 et elle n’approche jamais les excellents élèves de la classe que sont les pays nordiques. Si la démocratie se porte mal à l’échelle de tous les pays, c’est particulièrement vrai à l’échelle de la France qui voit son indice se maintenir péniblement dans une moyenne tout juste honorable. Rappelons que dans le détail des chiffres, le critère qui vaut chaque année à la France ses mauvais résultats est celui de « la culture politique ». C’est une manière de comprendre que, pandémie ou non, les Français s’intéressent très modérément à la politique. Alors que penser d’une démocratie où les principaux acteurs n’ont pas envie de jouer leur rôle ? Dans ce contexte, « démocratie défaillante » est le moins que l’on puisse employer pour qualifier cet état de fait.
Économie : ce que nous coûte le « quoi qu’il en coûte »
Entre 2019 et 2020, le produit intérieur brut (PIB) a enregistré une chute vertigineuse de 8,3%, selon les chiffres de l’Insee du vendredi 29 janvier. Du jamais vu depuis la création de l’institut de la statistique en 1946. De plus, confiner puis protéger les emplois « quoi qu'il en coûte » a reporté le problème sur le déficit et l’endettement.
Le « quoi qu’il en coûte » d'Emmanuel Macron finit par coûter cher à l’économie française. Lors de ses vœux de la Saint-Sylvestre, le président défendait encore son leitmotiv : « Ce ‘’quoi qu'il en coûte”, je l'assume car il a permis de sauver des vies et de protéger des emplois ». Mais, poursuivait le président, « il nous faudra bâtir ensemble des réponses qui permettront de ne pas en faire un fardeau pour les générations futures ».
« Il nous faudra bâtir ensemble des réponses », une formule floue qui nous laisse perplexes, alors que le « fardeau pour les générations futures » est déjà bien une réalité.
Chute record du PIB français
Sous le coup de l'épidémie de Covid-19, l'économie française subit une récession massive en 2020. Le PIB chute de 8,3% par rapport à 2019, selon une première estimation publiée vendredi 29 janvier par l'Insee. Un effondrement inédit depuis la Seconde Guerre mondiale.
L’année 2020 souffre d’une hausse de 4,5% du nombre de chômeurs de catégories A, B et C, selon le bilan publié ce mercredi 27 janvier par la DARES (Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques) du ministère du Travail. On compte ainsi actuellement plus de 6 millions demandeurs d’emploi.
La baisse du chômage au dernier trimestre 2020 en trompe-l’œil
La légère embellie du quatrième trimestre 2020, avec une diminution de 1,3% d’inscrits à Pôle emploi dans les catégories A, B et C, est nuancée par l’importance des aides de l’État. Au mois de décembre 2020, 2,4 millions de Français étaient en activité partielle. Sur toute l’année, la prise en charge du chômage partiel a coûté 31 milliards d'euros à l'État.
Sous forme de PGE (prêts garantis par l'État), les banques ont prêté 132 milliards d’euros à plus de 642 000 entreprises depuis le début de la crise sanitaire. Le patron de Bpifrance, Nicolas Dufourcq, estime que 4 à 7% des PGE pourraient ne pas être remboursés, soit entre 5 et 9 milliards d'euros de pertes possibles pour l’État.
Les entreprises touchent une aide pour tout jeune embauché en apprentissage entre juillet 2020 et mars 2021 (5000 euros pour les mineurs et 8000 euros pour les majeurs). En 2020, 440 000 contrats d’apprentissage ont ainsi été signés, 27% de plus qu’en 2019, « un record historique et inespéré dans le contexte », selon la ministre du Travail.
Bientôt la fin du « quoi qu’il en coûte » ?
Elisabeth Borne assurait ce mardi 26 janvier sur RTL que pour maintenir l’emploi, « le ‘’quoi qu’il en coûte’’ durera aussi longtemps que nécessaire ». Le ministre délégué des Comptes publics, Olivier Dussopt, souhaite quant à lui en finir. « Si 2021 marquera la fin de la pandémie et de la crise comme tout le monde l'espère, il faut aussi que 2021 marque la fin du “quoi qu'il en coûte” », confiait-il dans une interview aux Échos, le 20 janvier.
En 2020, la France a emprunté un montant record de 260 milliards d'euros à moyen et long terme, en raison des généreux programmes de soutien à l'économie et des emprunts à taux négatifs. Le déficit du budget de l’État a quasiment doublé pour atteindre 178 milliards d'euros (93 milliards en 2019), encore un triste record historique.
Une distribution aussi généreuse d'aides publiques, sous couvert de protéger l'emploi, semble alors s'inscrire dans la plus simple démarche électoraliste. A quinze mois de la présidentielle, Emmanuel Macron prend le pari de dépenser sans compter pour sauver la face, et peut-être faire oublier la mauvaise gestion de l'épidémie de Covid-19. Cependant la France ne peut pas vivre indéfiniment au-dessus de ses moyens, ou sinon la crise sanitaire se transformera bien vite en apocalypse économique...
Euthanasie : au Portugal, la loi tue
Fin janvier 2021, le Parlement portugais s'est prononcé en faveur de la "mort médicalement assistée". Le Portugal devient le 4e pays européen à légaliser l'euthanasie, après les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique.
Marcelo Rebelo de Sousa, président de la République et catholique pratiquant, a huit jours pour promulguer la loi à compter du 29 janvier. Discret pendant les débats au Parlement, il peut également porter la loi devant la cour constitutionnelle ou bien exercer son droit de véto.
Euthanasie sur demande pour le Portugal
Le 20 février 2020, cinq textes de loi concernant l'euthanasie avaient été approuvés en première lecture. Ils ont été réunis en une seule loi votée ce vendredi 29 janvier à une large majorité, à 136 voix pour, 78 contre et 4 absentions. La loi était portée par l'opposition, le Parti Socialiste (PS) et le Parti Socialiste Démocrate (PSD). Ces derniers avaient laissé la liberté de vote à leurs parlementaires.
Ce texte permet désormais le "suicide assisté" aux résidents du Portugal de plus de 18 ans, "en situation de souffrance extrême", ayant des "lésions d'une extrême gravité" ou souffrant de "maladie incurable". La décision devra toutefois être validée par un comité d'au moins deux médecins, pour des personnes n'ayant pas de problème psychiatrique. L'acte pourra être pratiqué aussi bien dans les hôpitaux que dans les cliniques privées.
Euthanasie : un manque de moyen pour les soins palliatifs
Un sondage de 2018 montre pourtant que la grande majorité des Portugais refusent l'euthanasie. Seuls 7% des sondés, selon une enquête effectuée par l’Instituto de Marketing Research (IMR), y sont favorables. Il n'en demeure pas moins que la majorité, à 89%, se prononce en faveur du développement des soins palliatifs et l'accompagnement du malade en cas de maladie grave. Par ailleurs, il existe un véritable manque de moyens pour le développement des soins palliatifs. 70% des personnes qui pourraient les demander n'y ont pas accès.
L'euthanasie est loin d'être un sujet apaisé au sein de la société. En octobre 2020, le Parlement portugais a refusé un projet de référendum, suite à une pétition lancée par la Fédération pour la vie. Pour José Maria Seabra Duque, un des responsables de cette organisation, le rôle de l'Etat, en particulier dans un contexte sanitaire tendu, est "de prendre soin, non pas de tuer". L'épiscopat portugais, s'il s'est fait discret sur son opposition à la loi, espère "que la loi ne sera pas approuvée", selon le père Manuel Barbosa, porte-parole de la conférence épiscopale portugaise.
Le contexte sanitaire actuel pourrait pourtant pousser les gouvernements européens à protéger la vie des plus faibles en prônant les soins palliatifs comme alternative. Il n'en est rien. En effet, le Sénat espagnol devrait se prononcer également d'ici fin mars sur un projet de loi sur la fin de vie.
#NoHijabDay : la présidente du collectif Némésis placée en garde à vue
Article publié sur L'Incorrect.org
Les féministes du collectif Némésis étaient rassemblées ce matin à 8 heures place du Trocadéro sur le Parvis des libertés. Affublées chacune d’un voile intégral, elles ont dénoncé le « World Hijab Day », jour international de solidarité avec les musulmanes supposément opprimées en Occident.
Les filles arrivent par vagues, afin de ne pas être trop remarquées. Certaines viennent de province et se sont levées en pleine nuit. Elles attendent que le jour se lève et se préparent à enfiler leur voile intégral à usage unique, cousu spécialement pour l’occasion (hors de question d’acheter cinquante niqabs dans une boutique islamique). Alice, la présidente de Némésis, guette néanmoins l’arrivée de la police. Elles seront finalement une cinquantaine sur le Parvis des libertés du Trocadéro pour dénoncer le #WorldHijabDay, jour de solidarité internationale avec les femmes voilées supposément victimes d’oppression en occident, où des femmes se postent voilées sur les réseaux sociaux. L’événement qui a lieu chaque 1er février depuis 2013, est soutenu par Sciences Po.
Le but des Némésis est au contraire de dénoncer la dégradation flagrante des conditions de vie des femmes européennes, dégradation causée par l’immigration massive et souvent illégale d’hommes extra-européens majoritairement musulmans. Elles dénoncent le quotidien des femmes qui oscille entre « sale pute, je vais te violer » et les agressions sexuelles de plus en plus fréquentes. On se souvient de l’affaire du réfugié bangladais récidiviste acquitté en 2018 par la Cour d’assises de la Manche du viol d’une jeune fille de 15 ans, parce qu’il ne disposait pas des « codes culturels » et qu’il ne pouvait donc pas maîtriser la notion de consentement. Pas plus tard que l’été dernier à Angers, une étudiante de 20 ans a été séquestrée, battue et violée durant plusieurs heures par un migrant kosovar multirécidiviste déjà « interdit de territoire », mais non-expulsable. Selon le ministère de l’Intérieur, pour l’année 2018, 63 % des auteurs d’agressions sexuelles dans les transports en commun d’Île-de France, étaient des étrangers.
Némésis : un collectif féministe de droite
Les Némésis dénoncent aussi le silence coupable des « féministes » de gauche. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles en paient le prix fort : le 8 mars dernier, à l’occasion de la marche « contre les violences faites aux femmes » co-organisée par le collectif féministe « Nous Toutes », elles ont été poursuivies et sauvagement agressées par une quarantaine d’antifas, à coups de poing, à coups de pieds et à l’aide de battes de baseball. Elles avaient dû se réfugier durant plus d’une heure dans un bar sous les menaces de morts des militants féministes. La raison de cette ultra-violence : une banderole dénonçant l’immigration illégale massive.
Aujourd’hui, elles se placent en ligne toutes dissimulées sous un voile intégral, brandissant une banderole : « Les Françaises dans 50 ans ? » Alice, la présidente du collectif raconte : « Le sens de notre action aujourd’hui est de dénoncer le #WorldHijabDay […] Nous préférons rendre hommage aux femmes qui essayent d’enlever leur voile notamment dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, justement en dénonçant ce qu’est le voile intégral et en montrant qu’en France peut-être, ce voile aussi peut arriver. C’est une catastrophe de ne voir que les yeux des femmes. Cela n’est pas du tout dans nos principes républicains, ni européens d’ailleurs. Cela ne fait pas partie de notre culture. Nous préférons rendre hommage à ces femmes-là qui justement sont martyrisées tous les jours. On a beaucoup de cas de femmes défigurées à l’acide, de femmes emprisonnées sur des années, parfois même [avec des peines] de 150 ans pour les plus activistes d’entre-elles. Nous voulions dénoncer cela aujourd’hui en montrant que, oui, les Françaises seront peut être un jour voilées intégralement et que ce n’est pas souhaitable».
Interpellation et intimidation
Concernant la demande de dissolution du groupe Génération Identitaire demandée par Gérald Darmanin, Alice considère qu’il est « lamentable de vouloir dissoudre un groupe qui fait le travail de la police française. Je pense que M. Darmanin devrait avoir honte de voir que des citoyens français sont obligés de se mobiliser pour assurer le contrôle de nos frontières ».
L’action n’a duré que trois minutes et pourtant deux voitures de polices ainsi que deux patrouilles Vigipirate sont là pour les cueillir. Comprenez, Monsieur Darmanin n’a pas assez d’effectifs pour défendre les frontières françaises, ni pour assurer la sécurité des citoyennes, mais pour cinquante jeunes filles avec une banderole c’est une autre histoire. Alice a été interpellée et placée en garde à vue. Quant aux journalistes présents sur place, ils ont été soumis à un contrôle d’identité. Et nous-même avons été menacés de verbalisation pour cause de non-possession d’une carte de presse. Pour rappel, il n’est pas nécessaire de détenir une carte de presse pour être journaliste en France. Cela relève de la liberté de la presse. En septembre 2020, Gérald Darmanin avait présenté le nouveau Plan national de police. Ce plan prévoyait entre autres : la verbalisation des journalistes présents dans les manifestations (après l’ordre de dispersion), ainsi qu’une discrimination envers ceux ne disposant pas d’une carte de presse.
GameStop : des millions d’internautes font la peau des vautours de la finance
Fin janvier, des internautes boursicoteurs faisaient flamber l'action GameStop. Ils ont infligé d'énormes pertes aux fonds spéculatifs. Retourner contre la finance ses propres armes, c'est le sens que pourrait prendre une révolution sur les marchés. Après l'assaut du Capitole, voici l'attaque contre Wall Street.
GameStop est une chaîne américaine de magasins spécialisée dans la vente de jeux vidéos. Depuis plusieurs années, le groupe est en grande difficulté à cause de la dématérialisation de l’industrie et de la concurrence de l’e-commerce. La situation sanitaire n’aide pas l’enseigne qui a dû fermer la plupart de ses boutiques.
Au cours des derniers mois, de gros fonds d’investissement américains ont tenté de gagner de l’argent en pariant contre l’entreprise de jeux vidéos, cotée à la Bourse de New York. Ils ont fait ce qu’on appelle du « short selling » : il s'agit d'emprunter une action à une entité (contre des intérêts), de la vendre puis de la racheter à un prix plus faible pour empocher la différence, avant de la rendre à l'entité prêteuse.
Les choses ont plutôt mal tourné pour les géants de la finance : au lieu de baisser, le cours de l’action GameStop a explosé de plus de 1600 % en un mois. Les fonds d’investissement ont déjà perdu plusieurs milliards de dollars, et cela pourrait n’être qu’un début. Des milliers, voire des millions d’internautes du très populaire forum Reddit – mais également de 4chan et de certains groupes Facebook, veulent faire la peau aux financiers.
Une guerre ouverte contre Wall Street
Lorsqu’un hedge fund (fonds spéculatif) prend une position contre une société, le cours de cette dernière peut être fortement perturbé. Souvent, un représentant du fonds vautour intervient sur un plateau télé pour critiquer la société en question. Un procédé de prophétie auto-réalisatrice qui permet parfois d’engranger des sommes colossales : pas très moral, mais pas forcément illégal.
Des internautes de Reddit, et plus précisement de la section WallStreetBets – lancée en 2012 dans le but de partager des stratégies de trading pour enrichir ses membres, ont décidé de se positionner contre ces fonds en achetant massivement des actions de GameStop.
L’action est passée de 20 dollars à 492 (jeudi 27 janvier) en moins de deux semaines.
L’espoir de réaliser un gain financier est sans doute une motivation chez certains internautes, mais elle ne saurait tout expliquer. Les forums Reddit et 4chan hébergent une communauté de « trolls » internet - des individus à l’humour douteux provoquant des controverses sur internet, dont une part conséquente est connue pour ses positions nationalistes, réactionnaires ou encore libertariennes (anti-État). En 2016, ils avaient joué un rôle actif pour faire élire Donald Trump, usant de moyens détournés comme des piratages ou des actions virtuelles coordonnées.
La hausse du cours de l’action de GameStop causée par les internautes a créé la panique à WallStreet : pris à leur propre jeu financier, des fonds vautours ont déjà perdu des milliards.
Si l’action monte au lieu de baisser, les fonds vautours qui ont vendu à découvert (traduction française du short-selling) payent la différence afin de couvrir leurs pertes.
La communauté WallStreetBets de Reddit est vite passée de 1,7 million à 6,4 millions d’inscrits (au 29 janvier), provoquant un emballement d’autant plus important pour faire grimper le cours de GameStop et humilier les financiers.
Certains internautes disent n'avoir rien à perdre et vouloir faire la peau aux géants de la finance. Des références au Joker, antihéros marginal et nihiliste de l'univers Batman, sont constamment partagées sur les forums. « It is not about the money, it is about sending them a message » (Ce n'est pas pour l'argent, c'est pour leur envoyer un message) écrivent les trolls boursicoteurs, tirant une réplique du film The Dark Knight : Le Chevalier noir (2008) dans lequel le Joker brûle des montagnes de billets.
https://www.reddit.com/r/wallstreetbets/comments/l6ulcx/its_not_about_the_money_its_about_sending_a/?utm_source=share&utm_medium=web2x&context=3
Montage vidéo posté dans le subreddit WallStreetbets. Reddit, 27 janvier 2021.
Les institutions et le monde de la finance cherchent une réponse
Melvin Capital, l'un des principaux fonds vautours, aurait déjà vu 30 % de son capital disparaitre, si bien qu'il a dû se faire renflouer de 2,75 milliards de dollars par deux autres fonds. La chaine de télévision américaine CNBC, connue pour ses analyses financières, estimait les pertes de tous les fonds à environ 20 milliards de dollars au 29 janvier.
La riposte ne s'est pas faite attendre : Robinhood, et plusieurs autres intermédiaires de courtage - très utilisés par les petits porteurs, suspendaient le 28 janvier les achats des actions GameStop... mais pas les ventes.
Corrélation ou non, le cours de l'action a violemment chuté, allégeant la pression sur certains fonds vautours, dont certains possèdent des parts dans les entreprises de courtage. Melvin Capital a pour maison mère Citadel LLC, fonds qui a financé Robinhood par le passé. De quoi nourrir la méfiance des boursicoteurs.
Pis, la porte-parole de la Maison Blanche annonçait que Janet Yellen, ancienne présidente de la FED et secrétaire d'État au Trésor, surveillait de près la situation. Les internautes, et une partie de la presse, n'ont pas hésité à rappeler que Janet Yellen avait reçu 810 000 dollars de Citadel LLC pour des conférences données ces trois dernières années.
Les actions de GameStop étaient de nouveau accessibles le 29 janvier via ces courtiers, mais à des quantités limitées (le nombre serait variable).
Côté réseaux sociaux, Reddit et Facebook suspendaient temporairement les sections et groupes de boursicoteurs d'où les raids financiers se sont lancés. S'ils ont été vite rétablis, cela n'a fait qu'accentuer le sentiment de manipulation.
Le régulateur financier américain, la Securities and Exchange Commission (SEC), a prévenu qu'il veillait à ce qu'aucune infraction ne fût commise. Des politiques américains ont quant à eux dénoncé des manipulations de marché à la suite de blocages opérés par des courtiers, notamment Robinhood. Fait rarissime, la situation a mis d'accord Ted Cruz, le sénateur ultra-conservateur du Texas, et Alexandria Ocasio-Cortez, représentante de New-York au Congrès et figure de la gauche radicale américaine, sur le réseau social Twitter.
https://twitter.com/tedcruz/status/1354833603943931905?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1354833603943931905%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.npr.org%2F2021%2F01%2F29%2F961703023%2Ffrom-elon-musk-to-aoc-everybody-has-a-tweet-about-gamestop
Traduction : (AOC) « C'est inacceptable. Nous devons en savoir plus au sujet de la décision de Robinhood d'empêcher les petits investisseurs d'acheter des actions pendant que les hedge funds sont libres de les échanger comme ils le souhaitent. En tant que membre du comité des services financiers, je suis favorable à une audience si nécessaire. » (Ted Cruz) « Totalement d'accord. »Twitter, 28 janvier 2021.
Des internautes résolus à faire plier la finance
Les médias américains n'ont pas hésité à comparer cet événement avec l'assaut du Capitole, lancé le 6 janvier par une foule pro-Trump. Chris Cillizzan, analyste politique de CNN, estime qu'il s'agit d'une action anti-establishment. « Il n'y a aucun doute que la révolte populiste a fonctionné dans cette affaire » écrit-il dans un article intitulé Comment le trumpisme explique la flambée de l'action GameStop.
« Nous assistons à la révolution française de la finance », selon Anthony Scaramucci, financier et ancien conseiller de Trump.
Les protagonistes sont, à l'image des utilisateurs des forums Reddit et 4Chan, des hommes jeunes et plutôt énervés. Un internaute cevin_khan, a publié une vidéo montage, dont les sous-titres sont un manifeste pour justifier leur action : « Vous tous, foutus boomers, avez profité de l'âge d'or de l'Amérique, lorsque les lycéens pouvaient travailler pendant un été et acheter une voiture ou qu'un ouvrier d'usine avec un seul revenu pouvait acheter une maison et fonder une famille. Personne de mon âge n'a rien de tel », peut-on lire.
« J'ai joué toutes mes économies parce que, de toute façon, je sais que je ne vais jamais prendre ma retraite. La moitié des gens que je connais dépendent de petits chèques. »
Chamath Palihapitiya, investisseur connu de la Silicon Valley, a déclaré sur CNBC que les boursicoteurs derrière ces mouvements financiers étaient des anonymes parfois aussi bons que les pros. Il a rappelé que la crise de 2008 avait ruiné beaucoup de foyers américains, tandis que WallStreet avait été sauvé par le gouvernement avec l'argent des contribuables. Un événement traumatique pour ces jeunes, qui ont vu leur famille ruinée - et parfois même jetée à la rue, avant des années de galères. Ils prendraient aujourd'hui leur revanche.
Le cours de GameStop a plusieurs fois dévissé pour terminer la session du vendredi 29 janvier à 325 dollars, ce qui reste tout de même supérieur aux 20 dollars du début d'année. De nombreux boursicoteurs se sont enrichis et ont décidé de liquider leur position, mais la plupart revendiquent être des « holders » - c'est-à-dire des personnes conservant l'action pour favoriser son ascension, prêts à refuser d'énormes gains (parfois des centaines de milliers de dollars) tant qu'ils peuvent faire chuter WallStreet.
« Pour tous ceux qui ont été entubé par le système, les élites, les 1 %, pour le manque d'opportunités... je tiens ma position », a justifié un utilisateur de Reddit.
https://www.reddit.com/r/StockMarket/comments/l7372d/hold_the_line/?utm_source=share&utm_medium=web2x&context=3
L'expression « Hold the line » ("tenir la ligne" en français), référence guerrière au film 300 (sur la bataille des Thermopyles) et au film Braveheart (sur la résistance écossaise de William Wallace), est souvent utilisée par les internautes. Reddit, 28 janvier 2021.
Les internautes estiment que les « suits » (costume-cravate en français), un mot pour décrire les élites médiatiques et financières - très présentes à la télé pour critiquer ces actions, font tout pour les décourager et faire baisser le cours de GameStop. Ainsi, ils sont d'autant plus résolus à en découdre : les forums sont remplis de messages invitant les boursicoteurs à conserver leurs actions, voire même à en acheter de nouveau. Les internautes ont également commencé à investir dans d'autres actions comme Nokia, Blackberry ou AMC, cibles des fonds vautours.
« Je risque mon argent avec plaisir. Je n'ai pas la moindre crainte ou inquiétude. Vous êtes peut-être un expert financier, moi je suis un maître de la survie », déclare un internaute.
Enfin, les rebelles ont été galvanisés par les tweets d'Elon Musk soutenant leur action. Le milliardaire, fondateur de Tesla et SpaceX, est connu pour ses critiques à l'égard de la finance, notamment le « short-selling » dont il est lui même la cible régulière. Le 26 janvier, il publiait sur Twitter un lien de la section WallStreetBets, à l'origine de cette révolution, avec le jeu de mot « Gamestonk », composé de GameStop (du nom de l'entreprise de jeux vidéos) et de stonk, un mot d'argot internet épelant mal le mot stock (signifiant action boursière en français), pour ironiser sur le monde de la finance et ses absurdités contemporaines.
https://twitter.com/elonmusk/status/1354174279894642703
Un tweet d'Elon Musk encourageant la flambée du cours de GameStop. Twitter, 26 janvier 2021.
Une guerre qui ne fait que commencer ?
Les premières batailles ont été remportées par les internautes, mais rien n'indique qu'ils remportent leur guerre contre la finance, et plus précisément contre les gros fonds d'investissement. Malgré des pertes de plusieurs milliards, aucun n'a fait faillite à cause de la flambée de GameStop, d'AMC ou d'une autre action. L'histoire n'est pas encore terminée.
Pour Alex Imas, économiste de l'Université de Chicago, il n'y a aucune raison pour que ces raids financiers cessent : « Ce que nous avons vu avec GameStop, ce sont des réseaux comme Reddit qui ont le pouvoir de faire monter plus vite et plus haut des actions et les maintenir à des niveaux élevés plus longtemps. La coordination sur ces plateformes permet que cela se produise ». Des méthodes qui ne seraient nullement illégales (et totalement transparentes).
Louis Rossman, un utilisateur de Reddit interviewé par Yahoo Finance, a déclaré que des milliards avaient été injectés dans le système financier depuis le début de la pandémie, sans que cela ne profite vraiment aux gens normaux. Nombreux à avoir perdu leur emploi, ils auraient pris le temps d'étudier la finance, réalisant que c'est simple comme un jeu (vidéo) : « Il n'y a pas de raison qu'ils ne puissent pas gagner de l'argent si les financiers en gagnent depuis des décennies. »